La ville médiévale apparaît comme une ville essentiellement minérale ; elle se représente sous la forme d’une enceinte fortifiée, un mur de pierre ponctué de tours et abritant parfois en son sein un château, une église voire une halle marchande. L’imagerie conventionnelle du XIIe siècle montre des constructions en pierre de taille dont le parement est nettement dessiné. Tributaires de cette tradition iconographique, les graveurs de sceaux et les enlumineurs, qui à la fin du Moyen Âge ont cherché à représenter Paris et ses monuments, ont généralement figuré la terrée dite de Charles V sous les mêmes traits que l’enceinte de Philippe Auguste. Quant à la cathédrale Notre-Dame, indéniablement construite en pierre de taille, les peintres l’ont parée de diverses « peaux » minérales ou métalliques dont la portée symbolique se conçoit en fonction du contexte de production de l’image. De manière plus générale, le rendu des surfaces parementées par les peintres apporte un éclairage sur une évolution de l’esthétique murale entre le XIVe et le XVIe siècle. Si certains artistes se sont attachés à rendre fidèlement les matériaux de construction mis en œuvre dans la capitale française, comme l’illustrent les vues du quartier des Gobelins rénové autour de 1500, d’autres ont davantage été sensibles aux effets produits par les enduits décoratifs, imitant ou dissimulant la pierre à bâtir. La tension qu’il existe entre la valeur d’usage et la valeur idéologique des matériaux est au cœur de cette communication. Il s’agira, à partir du cas parisien, d’étudier les mutations du paysage urbain sous l’angle de la répartition des matériaux (pierre, brique, bois, parements feints) dans la ville et de la façon dont cette réalité est transposée dans le domaine des arts figurés (œuvres d’art d’une part, figures de justice d’autre part), et vice versa. On montrera ainsi que l’esthétique urbaine portée par les peintres de Paris a pu nourrir l’imaginaire des bâtisseurs.