Les pratiques socio-culturelles

Durant l’Ancien Régime, toute la population française est croyante et à majorité chrétienne. On remarque que la religion tient une place primordiale dans la vie des paysans, sujets du roi de France. L’église est le lieu central de n’importe quelle ville ou village et la journée des habitants est rythmée par le cycle conçu par celle-ci. Chaque édifice est pourvu d’un clocher pour sonner les heures de la journée mais surtout pour annoncer les moments de rassemblement religieux hebdomadaires (comme la messe du dimanche) ou annuelles (comme les fêtes religieuses telles que Pâques ou l’Ascension.)

Calendrier agricole et religieux de l’Europe occidentale

Face au poids de la religion dans les structures sociales, les vignerons, comme les autres paysans, doivent adapter leur culture viticole en fonction de ce calendrier (hors de question de rater la messe de Pâques même si la production est en train de pourrir). De ce fait, les viticulteurs tentent d’adapter leur culture en fonction des grandes fêtes pour limiter les ruptures dans le travail de la vigne (voir le calendrier ci-dessus).

La période d’Ancien régime est également le temps des corporations. Les vignerons, à l’instar des bouchers, des forgerons ou encore des boulangers, ont cherché la protection d’un saint patron à partir du XIIIe siècle.

Statuette en bois représentant St Vincent (non datée)

St Vincent (IVe siècle) est le protecteur le plus couramment adopté en France, beaucoup d’églises de France ont une statue de lui (voir ci-contre) et il est représenté dans les confréries de vignerons (bannière, images pieuses, tableaux…). Les diversités régionales ont également induit l’adoption de patrons locaux, on a recensé 37 patrons, dont une dizaine sont connus et répandus comme St Verny ou St Urbain.

La vénération de ces saints se traduit par une fête qui leur est allouée. Elles ont lieu à différents moment selon la région comme la Saint-Vincent qui a lieu le 22 janvier. Mais le plus souvent, c’est à l’occasion des vendanges, qui marquent la fin du cycle de la vigne, que l’on se réunit. A leur ouverture, on décore la statue du saint des premières grappes de raisin et on fait un banquet à la fin avec le premier vin de l’année. En cas de mauvaise récolte, il peut arriver que le saint au lieu d’être remercié soit châtié (on l’immerge dans une rivière, donc dans de l’eau  ce qui peut s’apparenter à une double-punition pour un patron du vin).

Même si ces fêtes sont généralement célébrées par les vignerons, dans les campagnes, les villes connaissent parfois des réjouissances en l’honneur de la plante. Les plus répandues sont les foires, instituées par le pouvoir seigneurial voire royale comme par exemple la Foire aux vins de Bordeaux crée en 1341 par le roi d’Angleterre Édouard III ou la foire d’Automne du 15 au 30 octobre qui apparaît sous Charles IX.

Aujourd’hui, les pratiques socio-culturelles autour de la vigne n’ont pas cessé. La Saint-Vincent est toujours célébrée dans les villages comme à Alairac ; les grandes villes organisent encore des foires comme Toulouse qui réunit à la mi-mars des centaines de visiteurs. Cependant, la ville qui rayonne dans tout le Sud-Ouest reste Bordeaux. Avec ses 500 000 visiteurs attendus chaque année, elle reste la plus grande foire au vin d’Europe, attirant autant les néophytes que les plus spécialistes. On peut noter une différence majeure avec les fêtes dont nous avons précédemment parlé : toutes n’ont pas une connotation religieuse. Par exemple, la fête des vins de Gaillac est une simple réunion de producteurs et de consommateurs. La célébration d’une messe lors des fêtes n’est plus obligatoire, tout comme le fait de rendre gloire à Dieu ou au saint.

Fêtes ou foires sont aujourd’hui des moments de rassemblements populaires et également un hommage à la tradition ainsi qu’un renouvellement du passé : la joie de fêter la vigne reste intacte et continue de regrouper des générations différentes.

Pour aller plus loin :

DION Roger, Histoire de la Vigne et du Vin en France des origines au XIXème siècle, Paris, Clavreuil, 1959, p 358

INRAP, Histoire du Vin : Moderne et contemporain, 2016/2016 [consulté le 10 mars 2017]. Disponible sur <http://www.inrap.fr/dossiers/Archeologie-du-Vin/Histoire-du-vin/Moderne-et-contemporain-Culture-et-societe#.WMKbHoWcH4g>