Les fondements de la viticulture raisonnée

Cela fait maintenant plus d’une dizaine d’années que la société tend vers une agriculture « toujours mieux » plutôt qu’une agriculture « toujours plus ». Cette évolution est valable aussi dans le domaine viticole. En effet, une partie des consommateurs ont des exigences concernant le respect de l’environnement ainsi que la santé alimentaire. C’est pourquoi aujourd’hui de plus en plus de viticulteurs répondent à ces nouvelles attentes en raisonnant leurs pratiques et en apportant une certaine transparence. La viticulture raisonnée passe par le respect de l’environnement, la qualité et la rentabilité. Elle a pour but de diminuer le plus possible l’utilisation des produits phytosanitaires, en traitant la vigne uniquement lorsque cela est nécessaire.

Le concept d’agriculture raisonnée, qui est lié à la préservation de l’environnement, émerge dès les années 1960. On voit apparaître au milieu des années 1970 des principes de lutte plus respectueux de l’environnement. D’ailleurs, en 1977 Ovronnaz a publié : Vers la production agricole intégrée, par la lutte intégrée. Ensuite, vient le concept du développement durable de G.H. Bruntland. La lutte raisonnée quant à elle va se développer durant les années 1980. Puis, dans les années 1990 elle a connu un véritable essor sur le terrain. L’association interprofessionnelle FARRE (Forum de l’Agriculture Raisonnée et Respectueuse de l’Environnement) a permis cet épanouissement. Les pionniers de la viticulture raisonnée vont également la mettre en avant en se regroupant pour défendre commercialement leur production. Par exemple, l’association alsacienne Tyflo (1997) ou Terra Vitis pour le Beaujolais (1998). Via ces associations, les viticulteurs peuvent bénéficier de l’aide technique des Chambres d’Agriculture.

La remise en question des produits phytosanitaires provoque un encouragement de la part des pouvoirs publics pour la viticulture raisonnée. Il y a un soutien de la part de l’Etat français mais également de l’Union Européenne. L’Etat français s’implique principalement après la parution du rapport de Guy Paillotin datant de 2000.

Edith Cresson

Edith Cresson, ministre de l’Agriculture (1981 – 1983) a fait reconnaître la diversité des conceptions des cultures. L’enjeu environnemental commence alors à s’imposer dans le monde agricole. En 1985, la CEE adopte le règlement n°797/85-CEE avec l’article 19 qui a pour but d’aider les exploitations agricoles en zone sensible environnement. Dans les années 1990, de nouvelles controverses surgissent, celle des OGM et celle à propos de l’implication de l’agriculture par rapport à la pollution des eaux. Le domaine agricole emploie alors de « bonnes pratiques » ce qui est une manière de détourner le véritable objectif, soit la diminution des produits toxiques et la préservation de l’environnement.  Aujourd’hui, une subvention étatique peut être versée pour un engagement à l’agriculture raisonnée, cela permet de compenser une partie des surcoûts liée à la transition.

Pour accéder à l’appellation viticulture raisonnée, il faut que le viticulteur rédige un cahier des charges où il est réuni les étapes de la production et les pratiques réalisées. Cette appellation est obtenue après un auto-contrôle réalisé par l’exploitant et d’un « audit externe ».

Les pratiques de la viticulture raisonnée se divisent en trois grands champs. Le premier correspond aux pratiques prophylactiques. Par exemple, en le travaillant de manière mécanique afin de limiter l’érosion et d’aérer le sol.

Le deuxième champ est la diminution de l’utilisation de substances chimiques. Lorsqu’on les utilise, il faut réaliser les bons dosages et pulvériser ces produits en veillant à une météo propice pour éviter la diffusion. Il faut également utiliser des appareils adaptés et bien réglés. Ces différentes pratiques sont appliquées assez largement depuis seulement une dizaine d’années. La diffusion de l’information dans le milieu viticole est très importante. En effet, si une parcelle voisine ou si une région est touchée par une certaine maladie, des traitements préventifs peuvent alors être utilisés pour éviter la propagation.

Enherbement

Le dernier renvoie à la préservation et à la protection du sol. Une des techniques les plus fréquentes, se développant depuis une vingtaine d’années, est l’enherbement. On implante un couvert herbacé semé dans l’inter-rang. Parmi ses nombreux avantages on retrouve l’atténuation de l’entassement du sol, la lutte contre l’érosion, une faune plus développée, l’évacuation des produits phytosanitaires présents dans l’eau. De plus, cette pratique est remarquable à l’œil, ce qui est très appréciée surtout par les touristes.

En plus des différentes techniques pour traiter la vigne, les viticulteurs doivent aussi faire évoluer leurs pratiques professionnelles. Cela passe au travers de formations pratiques pour les salariés. Il est aussi imposé d’avoir un équipement de protection aux normes, de l’entretenir et d’en changer régulièrement. Une traçabilité est aussi exigée, donc tout ce qui concerne la vigne doit être noté.

Malgré l’intérêt porté à la viticulture raisonnée comme solution de compromis, il existe des controverses.