Le 19 mars 1817, Joseph-Bernardin Fualdès, procureur impérial de Rodez est égorgé. Son corps est retrouvé le lendemain matin dans les eaux de la rivière Aveyron. Les hypothèses et les suspects se multiplient. La presse s’empare de l’enquête et des trois procès qui vont constituer « l’affaire ». La population se passionne pour ce fait-divers.
Au XIXe siècle, Rodez est une petite ville marchande prospère, préfecture du département de l’Aveyron récemment créé. De 1817 à la seconde moitié du XXe siècle, elle est appelée « la ville où l’on égorge les gens comme des cochons ».
Le fait-divers criminel a traversé les siècles. Bien qu’il ait vu sa quantité augmenter au XIXe siècle, celui-ci existe depuis le XVe siècle et était récité devant les foules.
La population française qui lit les faits-divers se sent investie d’une mission : trouver la vérité. Les recherches se basent sur des rumeurs qui sont véhiculées par la presse qui était en plein essor au XIXe siècle. Ces derniers ont inspiré de nombreux artistes qui vont les représenter dans leurs œuvres.
La population et la rumeur
Lorsque se déroule un fait-divers, il peut arriver que la population se sente concernée. Il arrive, comme dans l’affaire Fualdès, qu’elle mène une enquête parallèle à celle de la police. Cela peut avoir pour conséquence le ralentissement de l’enquête officielle. Pour essayer de comprendre l’assassinat de Joseph-Bernardin Fualdès, les ruthénois ont échafaudé de nombreuses hypothèses et les rumeurs se sont multipliées.
Au XIXe siècle, les témoignages étaient des éléments majeurs dans les enquêtes. Ils étaient répétés dans la presse, ce qui résulte, dans les cas de mensonges, à des communications au grand public de fausses informations.
Lors de l’enquête, les enfants de la famille Bancal, chez qui le meurtre aurait eu lieu, décrivent les assassins. Ils sont interrogés à plusieurs reprises et leurs versions changent au cours du temps. En mentant, ils dirigent l’enquête dans un sens qui l’éloigne de la réalité. Il en est de même lorsque Clarisse Manzon donne le nom des coupables. Les procès vont les faire condamner à la peine capitale. C’est seulement après leurs exécutions qu’elle reviendra sur ses propos.
Avec chaque témoignage, l’opinion publique échafaude un récit totalement fantasmé.
La presse comme diffuseur du fait-divers :
Le fait-divers est un atout commercial pour la presse. En effet, avec la croissance de l’alphabétisation, de plus en plus de personnes sont capables de lire les actualités. Toutes les classes sociales peuvent s’y intéresser. De plus, le fait-divers ne demande pas une culture spécifique afin de le comprendre.
Le Journal de l’Aveyron du 25 mars 1817 dans lequel le crime de Fualdès est annoncé paraît une semaine après l’événement. La population déjà largement informée se rue sur ce journal pour enfin avoir la version officielle.
Il est difficile de rédiger un fait-divers en toute impartialité. C’est pourquoi, jusqu’en 1860, le fait-divers était anonyme afin que la personne qui l’a rédigé ne subisse pas les conséquences de ses déclarations.
Les faits-divers attisent un sentiment de peur et d’insécurité. Pendant de nombreuses années, plusieurs meurtres vont être commis avec des modes opératoires ressemblant à celui de la mort de Fualdès. C’est le cas par exemple du meurtre d’un homme en 1908 où de nombreux aspects font échos au meurtre de Fualdès.
Ci-contre, la une du Petit Journal du 10 mai 1908. De nombreuses similitudes existent entre ce meurtre de 1908 et celui de Fualdès.
Tout d’abord, ils ont tous deux été tués sur la table d’une cuisine. Il est ressorti de l’enquête de la mort de Fualdès qu’un homme jouait de la vielle afin de passer sur les cris du malheureux. Sur l’illustration il en est de même, un accordéoniste est présent et les assassins chantent pour masquer les bruits.
L’art pour illustrer le fait-divers
Lorsqu’un fait-divers crée un grand engouement, il arrive parfois qu’il soit relayé dans la presse étrangère.
Henry de Latouche, un journaliste parisien a écrit pendant quelques mois l’actualité ruthénoise telle un feuilleton. Ces écrits ont été traduits en anglais. Cela a permis à l’affaire d’être connue jusqu’aux États-Unis.
Dans le domaine de l’art, des peintres se sont intéressés à l’affaire Fualdès, en particulier Théodore Géricault. De nombreux dessins montrent qu’il avait effectué des recherches au moment même où il s’apprêtait à mettre en peinture un autre fait-divers tragique, son futur « Radeau de la Méduse ». N’ayant pas suffisamment d’éléments sur l’affaire Fualdès, il abandonna son projet.
Le fait que Théodore Géricault ait hésité entre peindre le « Radeau de la Méduse » et « l’affaire Fualdès » prouve l’importance de cette affaire.
Le XIXe siècle est la période du romantisme où le peintre met en évidence son imagination individuelle et sa créativité est libre de toute contrainte.
Au XIXe siècle, certains fait-divers étaient illustrés sur des petits feuillets et vendus à une clientèle populaire.
A cette période, on voit apparaître la lithographie. Sa mise en œuvre rapide et son coût peu élevé, donne un nouveau dynamisme à l’actualité. On offre à la foule les portraits des assassins. Cela contribue à alimenter l’effervescence générale. En 1818 à Rodez, les portes de la prison sont ouvertes aux peintres afin qu’ils voient au plus près les visages des accusés et puissent les représenter.