La cohabitation entre réformés et catholiques, de l’édit de Nantes à sa révocation [2020]

En octobre 1685, Louis XIV met fin à une tentative d’entente lancée en 1598 entre catholiques et protestants qui n’a jamais marché. Nous allons étudier la relation entre catholiques et réformés en Occitanie, de l’édit de Nantes à sa révocation. Les catholiques et les réformés sont des chrétiens. Mais au XVIe siècle, ces deux groupes se séparent, à la suite de querelles théologiques notamment. Cette division a créé des tensions, à l’origine des guerres de Religion en France, qui se terminent justement en 1598 par l’édit de Nantes. En 1685, l’édit de Nantes est révoqué par l’édit de Fontainebleau. L’Occitanie que nous connaissons aujourd’hui est une région qui fut traversée par cette division entre catholiques et réformés : des villes comme Montauban, Alès, Montpellier ou encore Castres gardent une certaine influence d’un passé protestant dans une région qui a eu aussi une ville très catholique comme Toulouse avec son parlement qui est connu pour être très catholique. Nous allons voir la coexistence difficile entre catholiques et les protestants de 1598 à 1685, dans le cas précis de l’Occitanie.

De l’édit de Nantes à l’édit de grâce d’Alès

Première page du manuscrit de l’édit de Nantes (1598), avec le sceau visible. (Archives nationales, Paris.) L’image est tirée du site https://www.larousse.fr/encyclopedie/images/%C3%89dit_de_Nantes/1310880

L’édit de Nantes est dit « perpétuel et irrévocable ». Les réformés obtiennent par cet édit la liberté de conscience, la création de chambres « mi-parties » comme à Toulouse. Mais les catholiques ne sont pas oubliés : la religion dominante selon l’édit de Nantes, retrouve ses biens ecclésiastiques confisqués par les réformés. Mais les réformés reçoivent des places de sûreté comme Uzès, Nîmes, Montpellier, Lectoure, Castres, …

Si le rétablissement du catholicisme semble parfois sans soucis et rapide comme à Castres (le clergé régulier revient en 1600), la situation n’est cependant pas toujours évidente comme l’inspection de Pierre Valernod dans son diocèse en 1611 qui voit sur 66 églises inspectées 22 détruites.

La mort d’Henri IV en 1610 est un tournant pour la France que ce soit aussi bien pour les catholiques que pour les protestants. La régente envoie des commissaires composés d’un protestant et d’un catholique. Mais dans le Midi, on voit d’un mauvais œil ces visites de commissaires qu’on accuse de favoriser la Contre-Réforme. Le pouvoir des protestants est remis en cause. Les protestants se divisent entre ceux qui choisissent la voie de Condé et ceux qui choisissent celle de Rohan. Les campagnes militaires de 1621-1629 vont finir de diviser les réformés. Rohan prend les armes notamment dans le Haut-Languedoc, il offre une certaine résistance à Montpellier et à Montauban. Mais Louis XIII écrase les protestants de la région. Alors des négociations commencent et l’édit de grâce d’Alès est signé le 27 juin 1629. Cet édit met fin aux « places de sûreté » dangereuses pour le pouvoir royal d’un point de vue militaire (car ces villes sont difficiles à prendre) et à la puissance de Montauban et Montpellier notamment.

La vie des chrétiens en Occitanie au XVIIe

Carte des églises et synodes provinciaux en Occitanie au XVIIe siècle, document issu de la carte des Églises et Synodes provinciaux de France et centré sur l’Occitanie. Cette image est reprise de la carte tirée de l’article disponible sur le site https://books.openedition.org/pucl/1280#notes

Si nous reprenons la carte et les informations du livre de Philippe Wolff, nous voyons qu’il y a une inégale répartition des réformés en Occitanie. De plus, au XVIIe siècle, il y a une forte baisse du nombre de baptêmes protestants (à Montauban et à Castres, le nombre de baptêmes a baissé de 25 à 32 %), liée à des phénomènes naturels (la peste a frappé notamment Montpellier en 1629-1630) ou des phénomènes plus humains (comme l’émigration). La religion réformée dans le Midi français est plutôt citadine. Socialement, les protestants sont plus en ville des bourgeois, souvent des marchands et des commerçants.

Face à cela, les ordres religieux catholiques tentent de convertir les réformés. La région reste à majorité catholique, comme dans les villes supposées protestantes (comme à Montpellier avec 30 600 catholiques pour 12 000 protestants). Il y a une foi catholique qui semble plus prédominante face à la Réforme qui est affaiblie. Le déséquilibre entre les deux groupes menace la coexistence déjà très fragilisée.

Le début du règne de Louis XIV ou le crépuscule de la cohabitation en Occitanie

L’arrivée au pouvoir de Louis XIV accélère encore le mouvement : en 1679, trois mesures sont prises. Tout d’abord contre les relaps, la suppression des chambres mi-parties et la surveillance des synodes. En 1680 un juge peut aller chez un huguenot pour le convertir avant qu’il meure ; en 1681, il est autorisé de convertir un réformé dès 7 ans. Des lieux de culte sont détruits comme celui de Montauban en 1683 sur décision du Parlement de Toulouse. Aussi, les huguenots ne peuvent plus exercer les métiers juridiques. La ville de Toulouse est un des principaux centres de conversion. En effet, en octobre 1631, le premier président du parlement de Toulouse veut que des catholiques soient admis au sein des assemblées des villes protestantes pour favoriser la conversion au catholicisme.

Les dragonnades dans le Midi en 1685 avec l’intendant Foucault ont été très brutales, notamment à Montauban du 20 août au 29 août avec des violences qui ébranlent près de 10 000 personnes qui se convertissent durant cette période, notamment les officiers et les notables. Dans cette région il y a eu entre 300 et 400 000 conversions selon Daniel Ligou. La révocation de l’édit est faite pour « rétablir l’unité du royaume » selon D. Ligou, mais c’est une décision brutale, certains étant plus des convertis de façade. À Toulouse, la solution est la clandestinité comme un temps dans les Cévennes, certains fuient, mais cette décision n’arrête pas le mouvement des dragons.

 

Ainsi, en tentant de savoir en quoi la cohabitation entre catholiques et réformés, créée par l’édit de Nantes, est amenée à une rupture par sa révocation, nous avons d’abord vu que l’édit de Nantes n’était finalement qu’une pause dans les tensions entre les deux groupes. Face à des réformés battus en 1629, divisés, en perte de vitesse et de moins en moins importants, le travail de sape que va d’abord effectuer le clergé français et le roi de France se termine avec la politique de Louis XIV qui met fin à la cohabitation. Cependant, les réformés ne vont pas tous se convertir, alors certains se cachent, dans une certaine clandestinité, période appelée le « Désert ». Il serait alors intéressant de voir comment la situation des réformés évolue en Occitanie au XVIIIe siècle ?

Bibliographie pour plus de précisions :

Photos :

https://books.openedition.org/pucl/1280#notes

https://www.larousse.fr/encyclopedie/images/%C3%89dit_de_Nantes/1310880

Étudiants : L1 ALGANS Benjamin, L2 LE POUHAER Elouan.