Gaston Fébus, l’archétype du Prince idéal? [2018]

« Touches-y si tu oses », telle était la devise de Gaston III de Foix Béarn, plus communément appelé Gaston Fébus, vicomte du Béarn, comte de Foix, coprince d’Andorre mais aussi seigneur féodal de la Gascogne et du Languedoc. Nous avons, en effet, fait le choix de travailler cette année sur le personnage de Gaston Fébus en nous demandant en quoi ce dernier représente l’archétype du « prince idéal » dans l’Occident médiéval de la fin du XIVe siècle ? Pour ce faire, nous avons décidé d’axer nos recherches sur trois points qui nous ont permis de répondre à cette question. Tout d’abord, nous avons étudié le personnage à ses origines, c’est-à-dire son émergence et la manière dont il s’est forgé un destin, pour ensuite nous questionner sur les qualités qu’il a développées durant sa vie, permettant de s’interroger sur la figure du « prince idéal », avant de voir concrètement sa manière de gouverner et d’administrer ses nombreux territoires.

Enluminure: Gaston Fébus
Enluminure tirée du livre de Chasse : scène de chasse

Pour comprendre les bases de la puissance de Gaston Fébus, il est nécessaire d’étudier l’héritage que sa famille lui a transmis.
En outre, c’est un héritage complexe puisque Fébus administre les terres de la vicomté de Béarn et du comté de Foix, qui ne sont pas des territoires limitrophes. Il nous a donc fallu remonter au XIIIe siècle pour comprendre les origines des liens entre les deux seigneuries et étudier l’unification de la dynasties des Moncades, les vicomtes de Béarn avec la maison de Foix en 1257.
C’est dans ces territoires unifiés par ses aïeux que Gaston Fébus grandit et fut confronté, très jeune, à l’exercice du pouvoir. En effet, Gaston II, le père de Fébus, meurt en 1343 alors que ce dernier n’est âgé que de 12 ans. Il est donc proclamé comte de Béarn et sa mère Aliénor reste sa tutrice jusqu’à l’âge légal de 14 ans. Le jeune Gaston Fébus reçoit, en l’absence d’une figure paternelle et dès son plus jeune âge, la formation et l’éducation du chevalier et du futur seigneur modèle.
Le début des années 1350 témoigne réellement de l’ascension de Gaston Fébus comme seigneur incontournable du Royaume de France, et notamment dans la guerre contre les Anglais. Dans les deux premières années du conflit, Gaston Fébus prend les armes au côté de son beau frère et permet aux armées françaises de remporter des victoires. Cependant, ce dernier refusa de prendre les armes les années suivantes, les troupes françaises étant dirigées par son ennemi le plus farouche, le Comte D’Armagnac.

A l’été 1357, profitant de la trêve franco-anglaise, Gaston Fébus décide de partir pour la Prusse dans une croisade contre les Lituaniens, au côté des chevaliers Teutoniques. C’est en Prusse que Fébus put mettre en pratique et développer ses talents militaires et son apprentissage.
De retour en France en juin 1358, l’épisode du « Marché de Maux » permit au jeune Fébus de montrer ses talents de chevalier, et sans doute son expérience acquise en Prusse en secourant la cour du Dauphin, menacée par des jacques.

Gaston Fébus a toujours su tirer parti des situations complexes de l’époque, en sachant se rendre indispensable pour chacun des belligérants de la guerre. En outre, cet habile diplomate su en toutes circonstances, et même défavorables, garder une certaine autonomie voire indépendance, que ce soit vis-à-vis des Valois, ou vis-à-vis des Plantagenêts suite au traité de Bretigny de 1360, afin de rester seul maître des Pyrénées.
Parler de Gaston Fébus sans aborder l’homme de lettres, qui façonna la culture occitane et la fit rayonner, serait une erreur. En outre, le comte de Foix-Béarn est connu principalement pour son Livre de Chasse qu’il écrivit lui-même. En effet, si Gaston Fébus était un mécène et possédait de nombreux livres, il est le seul prince de son époque à tenir la plume.

Si Gaston Fébus paraît, d’un point de vue extérieur, être un seigneur idéal, il ne peut l’être entièrement que s’il administre bien ses territoires.
Le comte hérite pour ses terres de Béarn d’une législation très importante nommées « Fors de Béarn » qui garantissent des libertés individuelles et de nombreux privilèges pour les Béarnais.
Gaston Fébus n’eut pas besoin de réformer l’administration, mais la centralisa pour gouverner seul en redressant les finances du pays et en le dotant de défenses redoutables.
En ce qui concerne le territoire de Béarn, ce dernier était administré de manière hiérarchisée avec des baillis, des consuls, ainsi que, au niveau supérieur, par les châtelains, le sénéchal et le trésorier. Ainsi, dans le Pays de Foix, Fébus pouvait s’appuyer sur une administration et une structure qui était déjà fonctionnelle et performante, sans avoir à la remanier. Le comte exerça une pression fiscale et militaire bien moindre que dans ses autres territoires, considérant qu’il pouvait faire confiance à la noblesse et à l’administration présente. En outre, selon les archives communales de la ville de Foix, le comte est considéré par une majorité comme un bon prince.

Scène de chasse

En conclusion, nous pouvons dire que Gaston Fébus représente réellement la figure du prince et du chevalier idéal. Notre recherche et notre problématique passent volontairement sous silence les aspects plus obscurs de la vie du prince, mettant de côté sa vie familiale par exemple, qui pourrait contrebalancer avec la vision « idéale » que nous présentons de Fébus. En effet, le choix a été fait de nous axer sur le figure du « prince idéal » en nous basant sur les représentations traditionnelles du chevalier et de la chevalerie. Gaston Fébus rassemble ici de nombreuses qualités primordiales pour être un bon chevalier et un bon prince.

Scène de chasse

En effet, ce dernier est un homme de guerre redoutable, il sait se battre efficacement. C’est aussi un homme cultivé et lettré, qui rédige des poèmes, ce qui ramène à l’idéal de l’amour courtois de la chevalerie. Fébus est aussi un faiseur d’or, un bon administrateur, et, de manière générale, c’est un seigneur perçu comme juste et protecteur aux yeux du peuple. Toutes ses qualités nous permettent d’avancer que Fébus était assurément un des hommes de son temps qui s’approchait le plus de l’idéal chevaleresque.

Bibliographie:
Ouvrages généraux :

-AUTRAND Françoise, Charles V, Paris, Fayard, 1994
-AUTRAND Françoise, Charles VI, Paris, Fayard, 1986
-AUTRAND Françoise, Jean de Berry, Paris, Fayard, 2000
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-BERTHE Maurcie, le Comté de Bigorre. Un milieu rural au bas Moyen age, Paris, SEVEN, 1976
-BOURRET Christian, Un royaume « transpyrénéen » ? La tentative de la maison de FOIX-BEARN-ALBRET à la fin du Moyen-âge, Paris, Pyrégraph, 1998
-BOVE Boris, Le temps de la guerre de Cent ans (1328-1453),Paris, Belin, 2009
-BLOCH Marc, La Société féodale, Paris, réédition Albin Michel, préface de Robert Fossier, 05/04/1994
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-DESTEMBERG Antoine, Atlas de la France médiévale-Hommes, pouvoirs et espaces, du Ve au XVe siècle,Paris, Autrement, 2017
-MINOIS Georges, La guerre de cent ans, Paris, Perrin, 2016
-SANTAMARIA Jean-Baptiste, Le secret du prince : gouverner par le secret,Paris, Champ vallon, 2018

Ouvrages spécialisés :
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-PAILHÈS Claudine, Gaston Fébus : Le prince et le diable,Paris, Perrin, 2010
-LAMAZOU DUPLAN Véronique, Signé Fébus, comte de Foix, prince de Béarn : Marques personnelles, écrits et pouvoir autour de Gaston Fébus, Pau , Coédition Université de Pau et des Pays de l’Adour / Somogy éditions d’Art, 2014