Le Pastel dans le Pays de Cocagne
Au XVe siècle, la production du pastel dans le pays de Cocagne connaît un essor conséquent. On peut s’intéresser à son importance dans cette région tout au long du XVe et XVIe siècle. Le pastel est une plante tinctoriale cultivée dans les régions tempérées et permet de donner une matière colorante bleue. Le pays de Cocagne est une région du sud de la France entre Toulouse, Albi et Carcassonne. L’agriculture du pastel permit donc, pendant plus d’un siècle, au début de la Renaissance un fort essor dans le pays de Cocagne jusqu’à son déclin et l’arrivée de l’indigo en Europe.
Les prémices de l’âge d’or du pastel (milieu du XVe siècle)
Au milieu du XVe siècle, on remarque une hausse de la demande du pastel, notamment dans le Royaume de France et des Flandres. La monarchie demande du pastel. Par conséquent, la cour et la noblesse en demandent aussi. Le pastel devient à la mode dans les cours européennes.
Avec l’enrichissement du commerce pastelier, de nouvelles techniques se développent. Ainsi, on adopte les moulins pasteliers à vent. La force du vent, par rapport à la force humaine ou animale, permet un rendement constant et une meilleure qualité. De plus, l’utilisation du pastel est réservée à une élite et a donc une grande valeur, qui lui assure un développement sûr. La conjoncture favorable est durable pour le pastel. Le pastel permet donc l’essor du pays de Cocagne et sa reconnaissance au sein de son royaume.
L’âge d’or du pays de Cocagne (1460-1550)
Pendant des siècles le pastel a été la seule plante tinctoriale donnant un bleu tenace, réservé à l’élite, et constituant une véritable richesse. Les trois produits que sont la laine, les draps et le pastel se complètent car ils sont utilisés ensemble pour en faire des produits de luxe destinés à l’élite. La production de pastel existait avant la Renaissance mais le procédé était long et coûteux, on en produisait donc très peu. A la Renaissance, le procédé de la cocagne, d’où le nom du Pays de Cocagne, permettait d’obtenir un produit prêt à l’exportation, cependant, il y a toujours de nombreuses manipulations et le délai reste relativement long : il dure un an. Les négociants toulousains et albigeois en vendent alors 50 000 tonnes par an et ont le monopole de l’exportation.
Amassant d’immenses fortunes, ils font bâtir de somptueux hôtels particuliers de style Renaissance. L’architecture de Toulouse exprime l’importance du pastel durant cette époque puisque 80 hôtels sont construits entre 1500 et 1600 grâce à cette plante. L’hôtel d’Assézat illustre par sa taille la fortune des marchands pasteliers.
Au XVIe siècle, les marchands pasteliers albigeois ont mis en place un commerce organisé et profitable. Le pastel était expédié via le Tarn, axe fluvial propice à l’exportation. La culture du pastel s’intensifie, en suivant l’essor du textile, au sud d’Albi. Albi a la réputation de fournir le pastel de la plus belle qualité. Le pastel est notamment acheminé sur les gabares, des bateaux à fond plat, sur le Tarn et la Garonne. « L’Or Bleu » est acheminé jusqu’à Paris, Lyon, vers les ports de Marseille et de Méditerranée.
Le déclin de ce grand âge : des modes changeantes
Vers le milieu du XVIe siècle, le commerce pastelier s’effondre. Cette chute commence avec des pratiques douteuses utilisées par les producteurs et les vendeurs de pastel. On assiste à de nombreuses triches sur le poids des sacs ou sur la qualité du pastel. Ensuite, la récolte de 1560, de qualité médiocre, est encore vendue au prix du pastel de haute qualité.
Cette année 1560 est d’ailleurs le point de non-retour de ce déclin avec une production particulièrement médiocre cette année-là. De plus, les richesses produites par le pastel ne sont pas réinvesties dans l’agriculture qui en avait pourtant besoin. Les marchands préférant se faire construire de beaux hôtels particuliers. Le climat de tension qui règne avec les guerres de religion en France fait également de l’ombre au commerce du pastel. Ces conflits mettent un frein au commerce pastelier, qui ne s’en remet pas. La production de pastel chute définitivement quand arrive en Europe l’indigo. Autre plante tinctoriale bleue, l’indigo est plus facile à produire et est récolté par des esclaves en Amérique, donc moins cher.
Mais le pastel n’a pas définitivement disparu : Didier Boinnard et Claire Delahaye ont ouvert, fin 1999, un magasin et une fabrique artisanale de produits de beaux-arts et de vêtements à base de pastel. Une entreprise gersoise, lancée en 1993 par Henri et Denise Lambert, a également ressuscité la fabrication du pastel. Depuis deux ans, la production est passée à la phase industrielle et 25 hectares de pastel sont à nouveau cultivés dans le Gers.