Les débuts de l’aéronautique dans la région toulousaine, 1900-1955 [2018-2019]

Etudiants : Jorite Thomas, Benjamin Deslandes, Nathael Marty

 

Les débuts de l’aéronautique dans la région toulousaine (1900-1955)

L’aviation a pris une place très importante dans l’économie et le rayonnement toulousain dans l’Europe et dans le monde. La période charnière pour l’industrie aéronautique est la première partie du 20e siècle avec, comme moteur, la guerre. Pourtant, si on parle le plus souvent d’un secteur qui a connu une énorme croissance, c’est une croissance qui est à relativiser puisque des crises, notamment à partir de la Grande Dépression (1928-1929), vont affaiblir ce secteur. Cependant, son impact est indéniable sur la région toulousaine et a contribué à un essor qui a dynamisé économiquement de la ville de Toulouse, et qui a suscité de profondes transformations en son sein

 

L’envol de l’aéronautique avec la première guerre mondiale

La ville de Toulouse à l’aube de la Première Guerre mondiale, est une ville quelque peu enclavée, très peu intégrée dans le commerce et l’industrie nationaux et internationaux. Ce retard industriel est dû à l’arrivée tardive de la révolution industrielle dans la Ville Rose. L’homme fort du développement aéronautique de la ville est Pierre Georges Latécoère. C’est lui qui a permis l’envol de l’industrie aéronautique toulousaine, pendant la première guerre mondiale. Il a la volonté d’être utile à son pays et décide d’investir à Toulouse. Dans un premier temps il le fait dans la production d’obus. Dans un second temps, il décide d’investir dans une idée alors révolutionnaire : la construction d’avions militaires. C’est à Montaudran qu’il va installer son usine et son terrain d’aviation dans le courant de l’année 1917. Sa société prend le nom de Société des lignes Latécoère en 1918 (la future Aéropostale). C’est, pour la ville, l’intégration d’une technologie prometteuse qui trouve, avec cette nouvelle industrie, un moyen de se développer mais aussi de rattraper son retard industriel.

Pierre Georges Latécoère – http://deji.chez.com

C’est donc la production militaire, dans le cadre de la course à l’armement, qui a lancé l’industrie aéronautique en France. La demande se faisait de plus en plus intense en vue des combats et de la durée inattendue de la Grande Guerre. La société des lignes Latécoère exporte la moitié de la production directement sur le front afin de compenser les pertes de l’aviation militaire française. Le déplacement des usines du nord vers le sud de la France s’organise lors de la Première Guerre mondiale. Les premières usines françaises dans l’aviation se situaient, dans le nord de la France car on pouvait y trouver une main d’œuvre importante. On y trouvait également les principales mines de charbon, ce qui permettait de créer, les pièces des avions sans avoir besoin de faire venir le charbon de trop loin. Les usines étant trop proches des lignes de front, elles sont délocalisé dans le sud de la France, à Toulouse qui était une ville industrielle et qui possédait une main d’œuvre importante.

Toulouse carrefour Jean-Jaurès dans les années 1930 – Musée Paul-Dupuy,

 

Une émulation à relativiser

La Première Guerre Mondiale a permis une phase de développement qui fait cas d’école. Latécoère est évidemment un des exemples les plus probants ; il comprit qu’avec la fin du conflit, les demandes militaires allaient chuter et donc faire baisser le chiffre d’affaires. Il eut alors l’idée de se tourner vers l’aviation commerciale, de l’aviation de fret et l’aviation postale. Le début des années 1920 fut alors lucratif pour son entreprise, qui est en phase avec l’optimisme économique qui règne en France à cette époque. Le cas d’Émile Dewoitine est un autre exemple de réussite, il créa sa propre société, la société anonyme des sociétés Dewoitine après avoir travaillé pour Latécoère et rencontra un succès immédiat avec la Dewoitine D1, sa première création. Profitant des bénéfices il fonde les Constructions Aéronautiques Dewoitine. Donc une industrie en plein essor que rien ne semble perturber.

La Dewoitine D.333 – D’après Raymond Gimilio

Malheureusement, les prémices d’un retard industriel se font ressentir, notamment à cause de la crise provoqué par le krach de la Bourse de Wall Street. Les Français prennent un retard conséquent dans la production d’avions. Dans les années 1930, les États-Unis, le Royaume-Uni mais surtout l’Allemagne nazie font mieux. L’industrie aéronautique se retrouve par conséquent en désorganisation, et le matériel aéronautique a vieilli et devient archaïque. Les avions lancés ne sont plus à la pointe de la technologie comme ce fut le cas dans les années 1920. Pour couronner le tout, la formation des ingénieurs est bien trop peu suffisante face à la demande. Ces difficultés sont illustrées par la nationalisation de l’Aéropostale en 1933, ancienne SAD de Latécoère. Autrefois lucrative, l’affaire est mise sous liquidation judiciaire en 1931 pendant la crise.

Aérodrome de Montaudran dans les années 1950 – D’après J.-P.Viala et Roger Pradelles

De la débâcle au redressement

La défaite française face à l’Allemagne mai 1940 a eu de lourdes conséquences sur son économie. Pendant l’Occupation, les alliés ont bombardé les principaux sites de production industriels français afin que les Allemands n’en profitent pas. Cela va donc empêcher le développement de l’industrie française, déjà ravagée par les conditions de l’occupation allemande, les restrictions posées à son développement et le système de pillage systématique de ses ressources. En effet, toutes les matières premières nécessaires aux différentes industries sont transférées en Allemagne, ainsi qu’une part très importante de la main d’œuvre disponible en France. De plus, une grande partie des industries telles que l’aéronautique servent à la reconstruction de tank et d’avion nazi servant à la stratégie Allemand du blitzkrieg . Tout cela demande des moyens humains, matériels et économiques importants. La France a collaboré avec l’Allemagne mais cela n’a pas modernisé la chaîne de production Toulousaine.

 

Après la Deuxième Guerre mondiale, un projet colossal consistant à relancer la production d’avions, avec la création de milliers d’emplois, et en essayant de moderniser le matériel est mis en place par le ministre de l’aire de l’époque. Mais on s’aperçoit vite que les avions sortis des usines sont obsolètes et dangereux. Le site de production de Toulouse était presque entièrement détruit et la main d’œuvre n’était pas qualifiée. La production ne pouvant être improvisée, l’industrie de Toulouse reprend alors la production des anciens modèles obsolètes d’avant-guerre pour pouvoir subvenir aux besoins de l’aviation civile et militaire. Par conséquent, l’industrie aéronautique voit son effectif se réduire de façon significative après un très grand nombre d’échecs. L’effectif passe alors de 100 000 personnes à seulement 57 000 personnes. Très vite, le budget fut drastiquement réduit car le pays n’était plus en guerre. En 1945 le budget était de 611,2 millions de Franc alors que en 1948 il n’était déjà plus que de 396 millions de Francs.

 

Hangar de construction de la Caravelle – AFP

Malgré tous les problèmes rencontrés par l’industrie à Toulouse, les projets de création de lignes pour relier l’Europe à l’Amérique ont une place importante et il faut attendre l’apparition de la Caravelle en 1955 pour relancer l’économie de l’aéronautique à Toulouse. La caravelle est un nouveau modèle beaucoup plus imposant que les anciens modèles.

 

Pour aller plus loin :

 

ZULIANI J.-M., GROSSETTI M. (2004). « L’agglomération toulousaine, un système productif localisé de la recherche et développement», Rapport Conseil Régional Midi-Pyrénées, 2004, 25 p.

PALLIER Jean Marie, THOMAS Annie, THOMAS Jack, 2017, Petite histoire de Toulouse, Pau, Cairn, 190 p.

TAILLEFER Michel (dir), 2002, Nouvelle histoire de Toulouse, Toulouse, Privat, 351 p.

 DU PUY DE GOYNE Thierry, PLAYS Yves,  LEPOURRY Patrick, BESSE Jacques, MECHAIN Daniel, 2018, Initiation à l’Aéronautique 7e édition, Editions Cépaudes, Toulouse, 236 p.

OLIVIER Jean Marc, ROTELLI Marie Madeleine, ZYTNICKI Maurice, 2017, Les métiers de l’aviation. Histoire & patrimoine, Toulouse, Loubatières, 176 p.

OLIVIER Jean Marc, 2014, Histoire de l’armée de l’air et des forces aériennes françaises du XVIIIe siècle à nos jours, Toulouse, Privat, 552 p.

D’ABZAC-EPEZY Claude, « La reconstruction dans l’industrie aéronautique : l’exemple français, 1944-1946 », Histoire, économie & société, 1999, p. 435-449.

JALABERT GUY, ZULIANI Jean Marc, 2009, Toulouse: L’avion et la ville, Toulouse, Privat, 350 p.

OLIVIER Jean Marc, SEIDEN Bernard, 2010 “Toulouse des avions et des hommes, un siècle de succès aéronautique”, Toulouse, Midi-Pyrénées Patrimoine, 140 p.