L’industrie de la céramique à Giroussens, XVIe-XIXe siècles [2018]

 

Toutes les  images de céramiques sont issues des pièces  exposées au Centre de la Céramique à Giroussens

Qu’est-ce que la céramique ?

 

La céramique est l’art de fabriquer des poteries (ex : vase,  plat),  fondé sur la propriété des argiles de donner avec l’eau une pâte plastique, facile à façonner,  devenant dure et solide après cuisson.  On assiste à l’émergence de nouveaux centres potiers dans le Royaume de France capable de produire en quantité et pour certains d’organiser une commercialisation.

Cette céramique s’adresse à une clientèle appartenant à la noblesse locale ou à la bourgeoisie ayant pris goût à la céramique de luxe,  à travers la majolique antérieurement importée d’Italie.

Dans le sud-ouest de la France, on trouve de nouveaux centres potiers notamment le petit village de Giroussens.

Céramique de Giroussens à motifs floraux
Pourquoi à Giroussens ?

Cette commune se trouve à mi-chemin entre les villes de Toulouse et d’Albi sur les berges de l’Agout,  dans le département actuel du Tarn.  Ce village connaît au milieu du XVIe siècle l’apparition d’une petite production de céramique qui devient ensuite une petite cité prospère grâce à l’activité de nombreux potiers établis à l’orée de la forêt,  qui réussirent à exporter une partie de leur production.

L’une des raisons de cet essor de la céramique réside dans les débuts de l’exploitation du territoire à partir du XVIe siècle.  Les giroussinais avaient l’autorisation de prélever assez de bois pour alimenter leurs fours et ainsi créer des grandes quantités de céramiques,  ce qui n’était pas le cas dans la plupart des villages de France à cette époque.  Les villageois ont donc un accès quasi illimité aux ressources nécessaires à la production.  Seuls les oxydes nécessaires à la coloration sont achetés.

De la céramique utilitaire à la céramique décorative

 

Céramique décorée avec un motif d’oiseau entouré de motifs floraux

Après  le commencement de la production de céramique en 1538,  le nombre de potiers augmente progressivement à Giroussens.  En 1618 est alors créée la Confrérie de Sainte-Ruffine,  réunissant tous les maîtres-potiers du village,  accompagnés de leur apprentis.  La céramique qui avait pour rôle principal de stocker la nourriture,  se constitue de beaucoup de marmites,  de pots,  ainsi que de bénitiers,  etc.  La céramique avait donc au départ un rôle utilitaire et va ensuite évoluer pour avoir un rôle artistique alliant formes et couleurs originales à praticité d’utilisation.

Céramique représentant un retable d’église

 

Les décors des céramiques du centre potier de Giroussens sont typiques de part l’utilisation d’une grande variété de motifs.  Les principaux dessins utilisés sont des motifs floraux,  des caricatures,  des personnages humoristiques,  des écussons,  animaux,  différents motifs géométriques,  etc.

 

Céramique avec du bleu utilisé, représentant le personnage mythologique Clotho, une moire

Cette production se distingue aussi par une utilisation d’une large gamme chromatique.  Celle-ci a trois types d’assemblements de couleurs :  le brun /violet /vert,  le bleu (qui n’apparaît néanmoins que sur les pièces les plus soignées) et le jaune. Il existe aussi parmi tout cela,  plusieurs types de décors,  tel que le décors du bassin,  des décors en pastillage :  pratiqués dans le midi toulousain au dernier quart du XVIIIe début XIXe siècle.

 

Une exportation à plusieurs échelles

 

Giroussens a réussi à s’exporter et à commercer à plusieurs échelles avec tout d’abord un commerce local,  puis à échelle régionale,  et ensuite à échelle nationale,  principalement par voies fluviales.  L’exportation  s’est aussi faite au niveau de la diffusion des thèmes décoratifs par l’apport d’un peintre Hollandais (Rijck Camp),  qui étaient alors déjà utilisés en Europe du Nord dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.

Sites principaux en Midi-Pyrénées dans lesquels ont été retrouvées des céramiques à décor peint de Giroussens (Document de S. Piques, source : Lassure J.-M., Potiers et poteries de Giroussens (XVIe-XIXe siècles), 2016, p. 148.)

 

Le déclin de la production

De nouveaux concurrents apparaissent sur le marché au XVIIIe siècle :  la porcelaine et l’argenterie. Ces deux nouveaux concurrents s’adressent essentiellement à une clientèle aisée,  s’accaparant donc d’un commerce de renom.  Ceci entraîne donc la fin des commandes de prestige pour le centre potier de Giroussens,  or ces commandes constituaient la principale demande de ce centre.

Suite à cette concurrence,  l‘objectif est d’exporter un grand nombre de céramique vers un nouvel espace de commerce dans lequel Giroussens pourrait vendre sa production sans subir toute la forte concurrence qu’elle connait dans le Royaume de France.  C’est d’ailleurs l’exportation d’une partie de sa production en Amérique du Nord,  qui constitue l’une des principales différences du centre potier de Giroussens.  En effet,  peu de centres potiers dans le Sud-ouest de la France se sont exportés jusqu’à là bas.

Extrait de Lassure J.-M., Potiers et poteries de Giroussens (XVIe-XIXe siècles),2016, p. 148.
Sites principaux en Amérique du Nord dans lesquels ont été retrouvées des céramiques de Giroussens (Extrait de Lassure J.-M., Potiers et poteries de Giroussens (XVIe-XIXe siècles), 2016, p. 148.)

Ce nouveau commerce s‘est fait dans un contexte de conflit, et suite à la défaite de la France lors de la Guerre de 7 ans, qui entraîne donc la perte des possessions françaises dans le continent,  cela met fin à ce nouveau commerce.

Céramique de Giroussens à motifs floraux

Le déclin de cette activité potière s’amorce dans les années  1755-1760,  dû à la diminution du nombre de potiers en activité.  Il y avait 75 potiers en activité dans la seconde moitié du XVIIIe siècle pour le petit village de Giroussens,  mais il n’en resta que 25 dans les années 1820. Le dernier coup fatal eut lieu en 1831,  où la forêt domaniale,  dans laquelle les potiers prélevaient depuis toujours leur bois,  fut vendue. Le XIXe siècle giroussinais est alors marqué par la destruction des fours et la fin de la production.

En résumé,  c’est la maîtrise des sédiments poussée permettant une gamme chromatique variée,  une multitude de motifs utilisés et une production diversifiée sont les éléments qui ont permis à la production de céramique de Giroussens de s’exporter à plusieurs échelles.  Ce qui est peu commun pour un village de cette taille situé dans une région du Royaume de France peu connectée.  Mais suite à l’apparition de nouveaux concurrents sur le marché,  le déclin de la production giroussinaise s’amorce dès le le milieu du XVIIIe siècle et il faut attendre 1991 pour que l’activité potière renaisse dans le village avec l’association Arts et Poteries de Giroussens et un premier marché des potiers afin  de revaloriser le patrimoine.

Pour aller plus loin :

Bibliographie

Etudiants : Morell Esteban, Girard Lucie, Pasquet Caroline