En 1774, au début du règne de Louis XVI, le royaume de France est toujours une puissance militaire et diplomatique possédant un fort rayonnement culturel. Néanmoins, les dépenses liées à l’armée qui sont entreprises par la monarchie pour concurrencer ses rivaux, notamment l’intervention lors de la guerre d’Indépendance des États-Unis en 1775, ont creusé le déficit public. De ce fait, l’appareil politique est en crise, incapable de résoudre les problème financiers du royaume face à l’opposition des classes privilégiées. La noblesse et le clergé refusant catégoriquement l’effort fiscal. La convocation, par Louis XVI, des États Généraux ne parvient pas à apaiser les tensions entre les différents ordres. Cette incapacité du roi à surmonter ce blocage sonne le début de la Révolution. Ainsi, à partir de 1792, la chute de la monarchie et l’exécution de Louis XVI entraînent une période d’insurrections contre-révolutionnaires. Celles-ci se démarquent par une grande violence, comme en Vendée ou à Toulon, et l’aide de puissances étrangères.
Ainsi, la Révolution française a pu être vécue comme une brutalité y compris par les couches populaires. La France rurale demeurant une terre où le clergé a une emprise considérable. Dès 1791, des premières formes de contestations apparaissent ainsi dans de nombreuses régions, dont les alentours de Toulouse et en Vendée. Les autorités républicaines adoptent donc un modèle politique autoritaire : la Convention. Contrastant ainsi avec les principes initiaux de la Révolution, en mettant en place une répression des opposants politiques, beaucoup étant exilés de force ou guillotinés. Les institutions révolutionnaires mettent ainsi en place une série de mesures anticléricale, afin de limiter le pouvoir de l’Église. Après la chute de Robespierre et l’affaiblissement du Club des jacobins en 1794 et 1795, le Directoire maintient une politique antireligieuse, ce qui revitalise les contestations populaires, notamment dans le Sud-Ouest toulousain, car les autorités régionales étaient acquise aux jacobins qui approuvaient totalement la radicalité de cette politique, exacerbant les foyers de résistance. Le clergé, jugé comme dangereux et fanatique s’attire la défiance des autorités locales. Mais l’élément déclencheur fut la destruction de la Vierge Noire de la Daurade, statue de bois vénérée dans la région depuis des décennies par la population locale, attestant de l’importance du culte catholique à cette époque.
C’est dans ce contexte que commencent à se former à partir de mai 1799, dans certaines localités aux alentours de Toulouse, des bataillons défavorables à la République, composés des fameux réfractaires abordés plus tôt, mais aussi de déserteurs ayant refusé la “conscription universelle et obligatoire” de la loi Jourdan. Ces rassemblements ont pour objectif de s’attaquer à des Républicains, autant à de simples soutiens de la Révolution qu’à des responsables administratifs à l’instar d’agents municipaux ou de commissaires départementaux. Ces actions, d’envergures relativement faibles, ne sont du fait que de regroupements de révoltés agissant de leur côté et n’étant pas coordonnés entre eux. C’est sous l’influence d’Antoine Rougé, un bourgeois de Saint-Domingue ayant une certaine expérience du commandement militaire, que commencent à se fédérer ces différents mouvements et qu’une collaboration avec les puissances étrangères souhaitant le retour de la Monarchie française se met en place. Rougé s’entoure alors de Jules de Paolo, jeune homme issu d’une ancienne famille noble et n’ayant jamais combattu, se charge donc d’aller de villages en villages afin de mobiliser un grand nombre d’insurgés issus des mouvements anti-républicains évoqués précédemment,rassemblant au total entre 10 000 et 20 000 volontaires, avec comme objectif final s’emparer de la ville de Toulouse.L’intérêt que représentait Toulouse pour les insurgés est qu’elle abritait une grande quantité d’armes mais relativement peu de troupes pour les protéger, permettant ainsi, si elle tombait, de pallier l’armement rudimentaire que possédaient les insurgés.
Les premiers affrontements ont lieu le 6 août dans des localités proches de Toulouse, et concernent à la fois des petits bourgs, comme Deyme, Seysses ou Montgiscard que des places commerciales à l’instar de Muret ou encore de Caraman. Les autorités toulousaines comprennent assez vite l’ampleur que peut potentiellement prendre la révolte et répliquent d’un côté en envoyant plusieurs contingents dans les campagnes environnantes afin de les pacifier et de l’autre en organisant une résistance à l’intérieur de la cité, faisant appel à de nombreux volontaires afin de garder les murailles et les portes, qui étaient les seuls accès permettant de pénétrer dans la ville. Les troupes commandées par Rougé se placent dans la nuit du 7 au 8 août au pied des murailles, mettant la ville en état d’alerte maximale. D’après Rougé, il était prévu que des insurgés infiltrés se chargent d’occuper certaines places stratégiques et ouvrent les portes aux 6 000 hommes stationnés sous les remparts. Ce moment n’arrive finalement jamais, sûrement du fait de l’efficacité du couvre-feu mis en place par les autorités de la ville. Rougé décide alors au milieu de la nuit de se replier sur les hauteurs de Pech David. Le général Aubugeois, à la tête des troupes républicaines, essaie dès le lendemain de les déloger, mais son armée se fait encercler et prend la fuite en essuyant de légères pertes. Encore le lendemain, le 9 août, il réitère la même opération en utilisant cette fois-ci des pièces d’artillerie afin de le seconder, créant la panique dans les rangs royalistes qui se divisent en deux, une partie entreprend de traverser la Garonne mais est mise en déroute de l’autre côté par des troupes républicaines tandis que l’autre s’empare du Château du Niquet, qui tombe à son tour en quelques heures. Rougé comprend assez vite qu’il ne peut pas prendre Toulouse en l’état et dirige une partie de ses troupes vers l’Ariège, où il rallie à lui un grand nombre de villages.
Parallèlement à ça et de manière assez spontanée, l’insurrection gagne l’ouest de Toulouse qui se retrouve à nouveau menacé. L’aire d’influence de l’insurrection occupe alors une grande partie du Gers et s’étend jusqu’au sud de Montauban. Ce nouveau foyer de révolte commence toutefois à s’affaiblir à cause de l’intervention de troupes républicaines venues des départements alentours. Rougé se retrouve alors incapable de protéger ses dernières places fortes autour de Toulouse, à l’instar de Muret, qui est reprise par les républicains le 15 août.
Il décide de tout miser sur les territoires placés sous son contrôle au Sud, où son armée est finalement défaite à Montréjeau le 20 août par une armée républicaine qui était, bien qu’en large infériorité numérique, dotée d’un armement de meilleure qualité et d’une cavalerie, pouvant ainsi facilement mettre en déroute une armée ne possédant ni artillerie ni expérience en bataille rangée. L’armée royaliste est totalement écrasée et perd, entre les décès et les prisonniers, plus de la moitié de ses effectifs, la fuite des généraux vers l’Espagne sonnant la fin de l’insurrection.
Le mouvement contre-révolutionnaire n’a donc pas, dans le Toulousain, atteint ses objectifs malgré un appui étranger anti-républicain. Ayant été déclenchée trop tôt, l’insurrection n’a pas été coordonnée avec les puissances de la Deuxième Coalition. Quand bien même le mouvement bénéficie d’un nombre considérable de paysans prêt à se battre aux côtés de royalistes convaincus, le manque d’armement et d’expérience militaire leur ont cruellement fait défaut face aux troupes républicaines. Les républicains, en plus de leur organisation militaire, ont réussi à mettre en place une propagande antiroyaliste dans les campagnes. Cependant, leurs efforts n’ont pas réussi à les réconcilier avec les ruraux qui leur reprochent leur politique hostile à la religion catholique, à laquelle ils sont encore fortement attachés. C’est l’échec de la prise de Toulouse qui a condamné le soulèvement. À la suite de cet événement, Rougé et Paolo se sont enfuis vers l’étranger tandis que le reste des insurgés ont, pour la plupart, été emprisonnés avant d’être libérés, pour la majeure partie d’entre eux. En tout, ces trois semaines d’insurrection ont été les plus meurtrières qu’aient connu Toulouse et sa région pendant la période révolutionnaire, dénombrant au total plusieurs milliers de morts. Une période d’apaisement a succédé à l’insurrection, puis l’arrivée de Bonaparte au pouvoir en novembre 1799 enterra définitivement la possibilité de voir naître d’autres insurrections.
Pour aller plus loin:
– Vovelle, Michel. La Révolution française. Paris, Armand Colin, 2015.
– Meyer, Jean-Claude. La vie religieuse en Haute-Garonne sous la Révolution (1789-1801). thèse de doctorat, Toulouse-Le Mirail, 1982.
– Moulin, Annie. Les paysans dans la société française : de la Révolution à nos jours. Paris, Éditions du Seuil, 1988.
– Dousset-Seiden, Christine. 1799, les royalistes en échec. Portet-sur-Garonne, Éditions Midi-Pyrénéennes, 2019.
Auteurs :
– Fanny Claudon
– Yanis Gautrand
– Loïc Muria
– Jérémie Xerri