Rodez sous l’Occupation [2018-2019]

Étudiant.es : Kelian Reve, Andréa Barthes, Dimitry Pinquié.

 

  » Aussi partout, dans toutes les classes sociales, les partisans d’une entente franco-allemande se font de plus en plus rares. Mais la grande masse ne va pas plus loin et n’est nullement disposée à prendre les armes pour chasser l’occupant. » écrit par Charles Marion dans un rapport d’octobre-décembre 1941, tiré du livre « L’Aveyron dans la Guerre ».

Par Occupation on entend le moment où la France a été envahie par l’Allemagne après la défaite de 1940. Cette occupation se fait en deux temps.

En 1939 la guerre entre la l’hexagone et l’Allemagne est déclarée, elle se solde en 1940 par une lourde défaite de la France. Le 22 juin 1940 le pays capitule, il voit alors une partie de son territoire occupée par l’Allemagne. Ce n’est que le 18 juin que le maréchal Pétain annonce que « l’armée française a cessé le combat ». Ce sont 412 soldats aveyronnais qui ont laissé leur vie lors de cette « drôle de guerre ». En 1940, 6 parlementaires aveyronnais sur 8 votent en faveur des pleins pouvoirs de Pétain, cela montre l’adhésion au futur régime de Vichy. De 1940 à 1942, l’Aveyron va être dirigé par le régime de Vichy, ce n’est que le 11 novembre 1942 que toute la zone sud et l’Aveyron vont être envahis par l’Allemagne.

Rodez est la préfecture de l’Aveyron. Ce département se situe dans le sud-ouest de la France, juste au dessous du massif central.

Dans la ville de Rodez la population est vichyste dès le début, cependant celle-ci va devenir dès le commencement de l’Occupation anti-allemande. Comment ce changement peut-il s’expliquer ?

L‘arrivée des troupes allemandes dans Rodez

Les Allemands arrivent à Rodez le 13 novembre 1942, 1000 Allemands montent la rue Saint-Cyrice, une des rues principales de Rodez.

Tiré du livre "L'Aveyron dans la Guerre"
Arrivée des Allemands dans Rodez, prise le 13 novembre 1942, tiré du livre « L’Aveyron dans la Guerre ».

Après l’arrivée des Allemands, c’est toute la géographie et l’organisation de la ville  qui est bouleversée et modifiée, avec de nombreux bâtiments réquisitionnés. En effet, les Allemands doivent loger leurs troupes, qu’ils installent à la caserne de Burloup ou à Sainte Marie. La kommendantur se trouve place de l’hôtel Biney-eLacombe. L’état-major allemand est installé dans l’hôtel Dauty. Quant au mess des officiers, il prend ses quartiers juste à côté, au café Brussy.

Les Ruthénois sont marqués par cette installation qui rythme désormais leur vie quotidienne. Ceci est notamment visible aux points stratégiques de la ville, souvent des carrefours, marqués par des  passages d’Allemands qui marchent au pas cadencé, en chantant.

Comme partout en France, la propagande allemande est très active. Ceci n’a pas empêché les Ruthénois de garder une image globalement négative de l’envahisseur allemand.

Après la guerre et la défaite, la France connaît la pénurie en raison de des différents éléments, tels que les réquisitions allemandes ou encore le STO qui prive la France d’une partie de sa main d’œuvre. Celle-ci va gagner l’Aveyron et Rodez. En effet, la nourriture est rationnée et des tickets de rationnement sont mis en place, avant et pendant l’occupation. Les tickets de rationnement représentent pour les Français une bien maigre ressource de nourriture. En parallèle de ce rationnement, un marché noir va naître. A Rodez les habitants partent à pied se ravitailler en viande et en lait dans des fermes aux alentours de la ville.

Le STO est aussi un changement majeur. Avec la guerre, l’Allemagne a besoin de main-d’œuvre elle met alors en place le STO, service de travail obligatoire. En Aveyron, ce sont plus de 2500 personnes qui se retrouvent déportées en Allemagne.

Tiré du livre "L'Aveyron dans la Guerre"
Affiche de propagande pour le STO, de 1942, tiré du livre « L’Aveyron dans la Guerre ».

Le sort des Juifs est un sujet très important et très présent durant l’Occupation allemande. La propagande est renforcée, avec des hommes politiques importants tel que Charles Marion, préfet de l’Aveyron, qui écrit, dans son rapport en 1942, un discours dénonçant les Juifs. La population aveyronnaises se sépare alors en trois groupes de personnes vis-à-vis de la question juive celles plus soucieuses des difficultés quotidiennes que de cette question ; celles ouvertement antisémites, sensibles à la propagande, et une minorité de personnes qui tentent de sauver les Juifs.

Pour plus d’informations sur le thème des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale en Aveyron cliquer sur le lien suivant : Page sur le sort des Juifs en Aveyron.

Une opinion bouleversée et un engagement des Ruthénois

Le département de l’Aveyron offre dès le départ du régime de Vichy, son adhésion à Pétain. En effet, l’Aveyron est une terre conservatrice de droite.

Les attentistes sont cependant majoritaires. S’ils adhèrent au régime de Vichy les  Aveyronnais refusent toute forme de collaboration et gardent en eux un fort sentiment anti-allemand. Cela explique donc que les nombreuses et lourdes réquisitions effectuées dès le début de l’occupation font vite basculer l’opinion des Aveyronnais en faveur de la résistance.

Concernant la collaboration Pétain a d’abord compté sur les nombreux anciens combattants et les Ligues. En Aveyron, c’est la Légion française des combattants qui rassemble les vétérans et qui a beaucoup de succès.Le gouvernement de Vichy décide de créer en janvier 1943 la milice, issue du Service d’Ordre Légionnaire, qui rassemble environ 200 personnes.

Tiré du livre "L'Aveyron dans la guerre"
Affiche de propagande pour la milice, de 1943, tiré du livre « L’Aveyron dans la Guerre ».

Collaborateurs, anti-communistes, antisémites forment donc les rangs de cette milice qui compte en France environ 30 000 hommes en 1943, dont quelques dizaines en Aveyron.

Mais la milice s’implante mal dans le département malgré les nombreux appels du maréchal.

Il y a la petite collaboration qui consiste à dénoncer ses voisins, parfois pour des histoires de jalousie. Mais il y a aussi la grande collaboration. C’est Alfred Bachellerie qui incarne cette figure dans le bassin decazevillois.

Il est difficile de parler de résistance en Aveyron avant l’invasion de la zone occupée le 10 novembre 1942 et la mise en place du STO. Très peu d’hommes continuent le combat et ce, malgré l’appel du général de Gaulle. C’est la mise en place du STO le 4 septembre 1942 qui jette les jeunes Aveyronnais réfractaires dans les maquis.

L’émergence des mouvements de résistances est partie d’hommes seuls et isolés. Ils entrent progressivement en contact et commencent à s’organiser en réseaux. A la fin de l’année 1942, des réunions ont eu lieu et les premiers groupes organisés naissent.

On peut dans un premier temps voir apparaître une forme de résistance sans violence, dite passive. Elle se traduit par la mise en place d’un marché noir face aux manques et aux privations, ou encore cacher du matériel. Les premières actions menées étaient des distributions de tracts et de journaux clandestins comme le journal Combat. Mais la résistance ne s’arrête pas là. Pour s’approvisionner les résistants attaquent des dépôts, des banques et des fermes. La plupart des hauts faits d’armes des maquis en Aveyron datent de 1944. Ayant eu l’information que le débarquement allié a eu lieu, des maquis naissent partout en Aveyron.

Mais les acteurs de la résistance n’agissaient pas sans encourir de risques. Sous la menace constante de la dénonciation, ils risquent leur vie pour la liberté.

Une victoire de la résistance dans la douleur

En France, les Allemands commencent à se sentir très sérieusement menacés par le débarquement en Normandie le 6 juin 1944. Suite à cela, tout s’accélère. Le 18 août, Rodez est libérée ; le 23 août 1944 c’est au tour de tout le département.

En partant, les Allemands répriment la population, en réaction aux attaques des Résistants. Le 17 août 1944 ils perpètrent le massacre appelé plus tard « massacre de Sainte-Radegonde » en exécutant 30 Résistants près de Rodez.

Quant aux résistants, ils investissent les villes et quittent leur maquis dès le départ des Allemands et commencent à diriger. Ils profitent de leur pouvoir pour faire des réquisitions ou des vols et aussi des épurations en humiliant certaines femmes ou en assassinant des collaborateurs.

Tiré du livre "L'Aveyron dans la guerre"
Résistants entrant dans Rodez, le 18 août 1944, tiré du livre « L’Aveyron dans la Guerre ».

Les Allemands n’ont pas voulu partir sans tuer ceux qu’ils avaient emprisonnés ou même exécuter des innocents.

Le massacre de Sainte-Radegonde a lieu le soir du 17 août 1944. 30 Résistants, dont la moitié serait innocenté des crimes dont on les accuse, sont amenés par camion sur la butte du Larzac où ils sont exécutés. 

Tiré du livre "L'Aveyron dans la guerre"
Corps des fussillés du massacre de Sainte-Radegonde, le 18 août 1944, tiré du livre « L’Aveyron dans la Guerre ».

Quant aux résistants, ils veulent se venger des traîtres qui les ont livrés durant la guerre. Ainsi, en Aveyron, il y aurait eu 63 exécutions sommaires.

Les résistants, voire même la population, n’hésitent pas non plus à humilier publiquement les femmes qui ont eu des relations intimes avec l’occupant et qui ont pu, parfois se livrer à une collaboration active. C’est le cas de Marie-Louise Martin, dite la « négresse », qui avait livré des Résistants et avait entretenu des relations avec des Allemands.

La population veut oublier au plus vite la collaboration, c’est pourquoi les procès de collaborateurs, 86 ont été recensés en Aveyron, se font dans les mois voire un ou deux ans, au plus, après le départ des Allemands. En plus de ces procès de nombreuses exécutions sommaires vont être perpétrées. Par la suite, plus personne ne veut parler des collaborateurs.

Quant à la Résistance, c’est tout l’inverse. Le souvenir est au contraire très important pour montrer le courage des patriotes français et les victimes des nazis sont érigées en martyrs. De nombreux monuments sont créés un peu partout. Ainsi, sur la butte du Larzac au lieu-dit Arsaguet du village de Ste-Radegonde, où a eu lieu le massacre éponyme.


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