La bataille de Toulouse de 1814 [2020]

La bataille de Toulouse de 1814

Vidéo-carte

La bataille de Toulouse du 10 avril 1814 se déroule vers la fin du Premier Empire, sur le front sud de la campagne de France de 1814, loin des grands engagements du Nord-Ouest où Napoléon et ses généraux tentent de défendre la route vers Paris. Cet engagement, à première vue inutile, permet d’illustrer le contexte militaire et politique précaire du Premier Empire en 1814 mais également les enjeux locaux et personnels lors de cette bataille. Dans quelle mesure la bataille de Toulouse de 1814, bien que représentative de la fin du Ier Empire, s’inscrit-elle dans des enjeux politiques, personnels et locaux à venir ?

Depuis 1792, la France fait face aux divers pays européens qui voient d’un mauvais œil la diffusion des idées révolutionnaires sur les territoires qu’elle contrôle. Malgré des premiers succès jusqu’en 1811, dès 1812, une suite de défaites réduit considérablement l’influence française sur l’Europe. Les armées autrichiennes et prussiennes convergent du Nord et de l’Est vers Paris.

Carte des forces en présence au 1er janvier 1814. Le Premier Empire est presque réduit à la France de 1792 et cerné par les troupes coalisées. Issu  de Vae Victis n°51 juillet-août 2003

Les troupes françaises du front sud étaient en replis depuis 1812. L’armée des Pyrénées, dirigée par Soult, retraite alors vers Toulouse.

C’est donc quatre jours après l’abdication de Napoléon Ier, le 6 avril 1814, que la bataille se déroule. La nouvelle de l’abdication n’étant pas encore parvenue dans le Sud. Cependant, elle influera la politique française et britannique des années durant.

Un contexte préoccupant pour le Premier Empire

L’Empire napoléonien perd en puissance dès 1812. Ce dernier fait alors face à une série de défaites lui coûtant de nombreux vétérans qui feront défaut jusqu’en 1815. Cette campagne porte également un coup fatal à la politique hégémonique du Premier Empire. Ainsi, les principaux alliés du Premier Empire, la Prusse, l’Autriche ou la Suède se détachent-ils de l’emprise française et rejoignent-ils le camp des coalisés.

C’est donc un empire affaibli militairement, politiquement et économiquement qu’affrontent les coalisés lors de la campagne de France de 1814.

Une bataille inutile ?

Les Français et les Anglais se battent dans la péninsule ibérique depuis 1807. L’intervention française en Espagne avait pour but d’envahir le Portugal, allié des Anglais, qui refusait d’appliquer le blocus continental. Usée, l’armée française perd Madrid en 1812 au profit de Wellington qui commande les troupes anglo-portugaises. Le maréchal Soult prend alors le commandement des troupes françaises battues, dont le centre logistique est basé à Toulouse.

Jean de Dieu Soult maréchal d’Empire, représenté par Louis-Henri de Rudder en 1856. (Exposé au Château de Versailles) Tenant son bâton de maréchal d'une main, Soult est représenté ici
Jean de Dieu Soult maréchal d’Empire, Louis-Henri de Rudder, 1856, Château de Versailles.

Toulouse est alors un enjeu stratégique de taille. La ville contrôle la route vers Paris ainsi que vers Montpellier et Narbonne. Elle détient également un arsenal, chargé notamment de fournir l’armée de Pyrénées en canons. La ville dispose également d’une poudrerie sur l’île du Ramier , indispensable pour approvisionner les armées en poudre.

Ainsi la retraite des troupes impériales vers Toulouse comme la position de celle-ci font de la ville de Toulouse un enjeu clé dans les stratégies militaires et politiques de Soult et Wellington. La bataille ne peut pas être considérée comme inutile car son issue est déterminante pour l’avenir de la France et des généraux.

Un tremplin politique?

Les généraux des armées coalisées et française, respectivement Arthur Wellesley de Wellington et Jean de Dieu Soult, ont tous les deux des objectifs militaires et politiques précis. En effet, Wellington n’est que lieutenant général quand il arrive au Portugal en 1808. Wellington cherchait donc à se faire reconnaître comme un chef militaire de premier rang envers Londres. Ainsi ses succès feront qu’il sera nommé commandant en chef des forces britanniques et portugaises en 1809, puis maréchal en 1813. Ainsi, à mesure que son prestige militaire grandissait, son influence politique croissait-elle. C’est donc tout naturellement qu’il essaya de capturer l’armée française, la poursuivant jusqu’à Toulouse.

APSLEY HOUSE, London. « Arthur Wellesley, First Duke of Wellington » portrait par Sir Thomas Lawrence (1769-1830).

Soult tentait, lui, de préserver son armée et de contenir l’avancée britannique, malgré les différents revers qu’il a subi. Soult était conscient du contexte militaire et politique précaire du Premier Empire en 1814. Pragmatique, il voulait préserver sa position lors de la potentielle restauration de Louis XVIII. Ainsi, conserver le contrôle d’une armée de plus de 35 000 hommes pendant les négociations de paix serait un avantage considérable.

La bataille de Toulouse comprend donc, autre que les simples enjeux militaires, des ambitions personnelles et politiques des deux généraux, Wellington et Soult.

Les généraux français comme Soult étaient lassés par les conflits. Les maréchaux étaient conscients de la faiblesse militaire de l’Empire est cherchaient à préserver leurs intérêts personnels ainsi que les titres que Napoléon leur avait donnés. Leur loyauté envers Napoléon s’est étiolée au fur et à mesure des années de guerre et surtout après les campagnes de 1812 et 1813. La population française, rurale mais aussi urbaine était fatiguée des guerres. Les Toulousains souhaitaient ainsi la fin du conflit et le retour de la stabilité de leur mode de vie.

Quelles conséquences ?

Nous pouvons voir les dispositionnement des forces coalisées et françaises ainsi que les diverses redoutes défendant la ville.
Carte de bataille issue du livre d’Oman Charles William Chadwick, A history of the Peninsular War, Oxford : Clarendon Press, 1902, 634 p.
Nous pouvons voir les dispositions des forces coalisées et françaises ainsi que les diverses redoutes défendant la ville.

La bataille de Toulouse se déroule sur plusieurs secteurs d’affrontements autour de Toulouse. L’armée de Soult arrive dans la ville le 24 mars. Soult dispose alors de 36 000 soldats. Wellington dispose lui de 54 000 hommes avec l’appui des divisions espagnoles et portugaises. Les objectifs de Soult sont plutôt clairs : retarder le plus longtemps Wellington, préserver son armée puis battre en retraite pour rejoindre l’armée de Catalogne. Il fît construire des redoutes, notamment au nord et à l’est de la ville.

Wellington décide d’avancer sur Toulouse pour capturer l’armée française intacte afin de peser dans les négociations de paix. Wellington contourne la ville et traverse la Garonne la nuit du 4 avril. La bataille s’engage le 10 avril, jour de Pâques, à 6 heures. Les coalisés attaquent les ponts du canal du midi qui tiennent face aux assauts coalisés. Vers 9 heures, Wellington entame un mouvement de flanc depuis la vallée de l’Hers mais ses troupes sont ralenties et fatiguées à cause de la boue. Soult finit par faire évacuer les redoutes ainsi que les positions françaises du nord-ouest vers 16h. Les derniers coups de feu sont échangés au Pont des Demoiselles vers 21h.

L’affrontement fait 312 morts et environ 2400 blessés dans le camp français. Les pertes coalisées sont plus fortes : 600 tués et plus de 4 000 blessés. Le lendemain, le 11, aucun engagement n’est fait. En effet, les troupes coalisées auraient été trop fatiguées. Soult en profite pour faire évacuer la ville la nuit du 11 au 12 avril. Wellington rentre triomphalement dans la ville le 12 avril. Cette bataille a été revendiquée comme une victoire par les Anglais comme par les Français. Elle a été contestée. En effet, malgré la prise de la ville, Wellington échoue dans son plan de capture de l’armée de Soult et laisse plus d’hommes sur le champ de bataille. C’est donc potentiellement une victoire tactique française mais également une victoire stratégique pour les coalisés.
La ville acclame Wellington pendant son entrée, presque comme un libérateur. La prise de la ville sonne en effet comme la fin des guerres et des conflits associés au Premier Empire.

La bataille de Toulouse est donc loin d’être une bataille inutile. Elle comporte des enjeux stratégiques et politiques de premier plan dans un contexte de reddition de Napoléon. Le résultat de la bataille a été également déterminant pour l’avenir de Wellington et de Soult. Ils feront des carrières militaires et politiques de premier rang. Pour Toulouse, cette bataille marque le retour en force de la présence royaliste dans la ville.

 

 

Guilhem Carbonne, Mélissa Heran

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