L’aéropostale [2021]

L’entreprise Latécoère.

Pierre George Latécoère eut l’idée trés ambitieuse de créer une ligne aéropostale reliant la France aux continents Africain et Américain. Ce projet fut semé d’embûches, de doutes, de remise en question mais Pierre George Latécoère n’a pas abandonné et a réussi.

Portrait de Pierre George Latécoère
L’ambitieux projet de Pierre-Georges Latécoère

La Compagnie Espagne Maroc Algérie (CEMA), ultérieurement renommée Lignes Aériennes Latécoère (LAL) puis Compagnie Générale d’Entreprises Aéronautiques (CGEA), est une compagnie aérienne française fondée le 12 novembre 1918 par l’industriel français Pierre-Georges Latécoère. Elle eut pour vocation, au sortir de la Première Guerre mondiale, d’effectuer le transport de courrier et de passagers de Toulouse par Buenos Aires via l’Espagne et l’Afrique du Nord.

Le projet découla d’une réflexion de l’ingénieur à la fin du conflit. Gérant puis propriétaire de de trois, puis cinq établissements familiaux, après un bref engagement volontaire au début de la Grande Guerre, dont il fut réformé pour motifs physiologiques et par besoin des industriels pour piloter l’effort de guerre à l’arrière, il produisit du matériel militaire comme des obus ou des cuisines de campagne, puis des avions de reconnaissance Salmson 2A2 dans l’usine de Montaudran, à Toulouse dès 1917. Par souci pour sa firme et ses employés en vue d’un retour à l’économie de paix et au regard du fort surplus d’avions réformés ou non livrés qui s’annonçait, il imagina la ligne aérienne. Il fut en cela très vite rejoint et secondé par son ami d’enfance Beppo di Massimi, noble italien naturalisé français durant la guerre, pendant laquelle il fut pilote de reconnaissance. Massimi recruta lui-même son ancien camarade d’escadrille Didier Daurat, un jeune vétéran endurci, rescapé de Verdun versé dans l’aviation de reconnaissance, qui se distingua en repérant en avril 1918 la “Grosse Bertha”, un canon allemand à longue portée qui pilonna alors Paris. Daurat gravit rapidement les échelons, de simple pilote à directeur technique en 1920.

“La Ligne” prend son envol (1918-1927)

Une aventure humaine et technologique sans précédent débuta alors. Après des premiers vols mouvementés vers l’Espagne puis le Maroc, Pierre-Georges Latécoère put combler les premières difficultés financières grâce à des relations haut placées et à l’arrêt de ses activités antérieures, devenant ainsi entièrement avionneur sur le plan manufacturier, en vue d’approvisionner sa ligne.

Les aviateurs, majoritairement d’anciens pilotes militaires, mécaniciens et autres membres de la “Ligne” affrontèrent divers dangers. Dangers notamment technologiques et environnementaux du fait des risques propres à l’aviation et des lieux au climat hostile traversés, mais également d’ordre culturel, puisqu’à plusieurs reprises, des pilotes furent capturés avec leurs mécaniciens et leurs interprètes par des tribus maures, libérés contre de lourdes rançons. Nombreux sont les aventuriers de la Ligne qui ont péri dans des accidents ou aux mains d’individus hostiles. Initialement, les pilotes volèrent sur des Salmson 2A2 et Bréguet XIV démilitarisés, dont quelques exemplaires affectés au transport de passagers sont modifiés par l’introduction de cabines fermées, capitonnées et pourvues de hublots, pour deux ou quatre passagers, et surnommés “limousines”. Par la suite, après plusieurs modèles infructueux, des avions dédiés spécialement au transport de passager et/ou de courrier apparurent, comme les Latécoère Laté-17 et Laté-25 qui connurent un grand succès, notamment pour le second en Amérique latine.

Mais la CGEA fut bientôt rattrapée par la difficulté, du fait des aléas politiques en Amérique latine – alors accessible par traversée de l’Atlantique Sud sur d’anciens avions militaires désarmés – et des préjudices dus aux mésaventures de ces “pilotes-facteurs”. Acculé, Pierre-Georges Latécoère vendit la CGEA à Marcel Bouilloux-Lafont, banquier français établi à Rio de Janeiro, qui la renomma en Compagnie Générale Aéropostale (CGA) ou simplement “Aéropostale”.

Les années Bouilloux-Lafont (1927-1933)

Sous Bouilloux-Lafont, l’Aéropostale vit l’aventure se poursuivre. Sur le plan matériel, afin de remplacer progressivement les Salmson et Bréguet qui montrèrent leurs limites, de nouveaux modèles, notamment les réussis Laté-26 et Laté-28, à l’autonomie et à la robustesse remarquables firent leur apparition, ainsi que le petit biplan Potez 25, davantage adapté à la difficile traversée des Andes. L’année 1930 fit rentrer ces avions et surtout leurs pilotes dans la célébrité, puisque le 12 mai 1930 se déroulèrent la traversée de l’Atlantique Sud par Jean Mermoz sur l’hydravion Laté-28-3 Comte-de-la-Vaulx, ainsi que l’extraordinaire survie de Henri Guillaumet, un mois plus tard, après sept jours de survie dans les Andes, suite au crash de son Potez 25, en plein hiver andin. Mais les difficultés financières, mais aussi économiques et politiques persistent. Il fut par exemple proscrit à la compagnie de traverser l’Atlantique Sud sur des hydravions monomoteurs, la majorité des

liaisons transatlantiques continua alors de s’effectuer par avion jusqu’à l’arrivée de l’hydravion postal quadrimoteur Latécoère Laté-300. Tandis que l’Aéropostale est confrontée sur le continent sud-américain à la concurrence redoutable de compagnies commerciales soutenues par les gouvernements locaux et surtout l’aéronautique marchande allemande, comme en témoigne l’essor de la compagnie germano-brésilienne Syndicato Condor, filiale de la Luft Hansa et équipée des très modernes avions Junkers, ou l’établissement d’une liaison par Zeppelin de l’Allemagne eu Venezuela. Bien évidemment, la crise des années 1930 vint porter un coup fatal à l’Aéropostale. L’atmosphère hostile dans laquelle se trouva la compagnie en Amérique latine déboucha sur le procès de l’Aéropostale, où des dirigeants industriels et politiques français furent accusés des lourdes charges de corruption et même d’atteinte aux intérêts de l’aviation française au profit de l’Allemagne. L’issue fut la disgrâce de Marcel Bouilloux-Lafont, tandis que l’Aéropostale fut placée en liquidation judiciaire en 1931.

La Ligne au sein d’Air France (1933-1939)

Toutefois, la Ligne connut une rapide renaissance avec son rachat par l’Etat en 1933, au sein de la toute jeune Air France. En son sein, la Ligne connut un renouveau dans son organisation et ses techniques, par une restructuration du transport du courrier sur les liaisons les plus importantes, et par un renouveau technologique considérable, par l’arrivée de grands avions multimoteurs tels que les Dewoitine D.333, un appareil trimoteur au design aérodynamique novateur, et Couzinet 70 Arc-en-Ciel, à la remarquable autonomie maximale de 6400 km. S’ajoutèrent également des comprenant également des grands hydravions transatlantiques comme le Laté-521, qui effectua en 1937 un record de vol en ligne droite au départ de Port-Lyautey, au Maroc, à Maceio, au Brésil, soit 5780 km, avec Henri Guillaumet aux commandes. Cet hydravion montra que Pierre-Georges n’eut jamais totalement abandonné sa ligne. Bien évidemment, comme avant, la Ligne resta dangereuse, comme en témoigne la disparition de Jean Mermoz en 1936, à bord de l’hydravion Laté-300 Croix-du- Sud. Le renouveau organisationnel et technique fit de “la Ligne” le troisième plus vaste réseau aérien commercial au monde, dont l’élan fut stoppé en 1938 à la veille de la Seconde Guerre Mondiale par le contexte économique et surtout politique tortueux.

PhotographiePierre George Latécoère devant son avion.
Affiche publicitaire valorisant l’aéropostale
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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