« La plus profonde mutation qui ait jamais affecté les hommes depuis le néolithique, c’est la révolution industrielle.” (Jean-Pierre Rioux, 2017)
A la fin du XVIIIe siècle l’essor de la production et la multiplication des mutations techniques surviennent en France, transformant tous les secteurs de production. Les villes de Castres et Mazamet se retrouvent au centre d’un réseau commercial mondial . Ainsi sont créées des usines de plus en plus nombreuses, mettant en place le travail à la chaîne. Le travail est éreintant, les conditions de vie très difficiles : les ouvriers sont sous-payés et, parmi eux, il y a des enfants. Dans ce contexte difficile, les ouvriers se lient, se forgent une identité pour survivre. Ils vont se soulever, se rebeller progressivement contre les machines, le capitalisme et le patronat. Ce qui nous intéresse dans cette partie de l’histoire de la manufacture lainière sont les conditions de vie et de travail des ouvriers ainsi que leur culture au XIXe siècle. Ce qui va suivre témoigne de l’évolution et du bouleversement frappant de la vie ouvrière dans son quotidien et ses techniques de travail.
Le XVIIIe, siècle de transformations
On distingue trois grandes catégories dans la hiérarchie du travail des manufactures :
- Les marchands, qui achetaient et vendaient ;
- Les fabricants (ou facturiers) : qui faisaient fabriquer, qui dirigeaient la fabrication ;
- Les ouvriers, fileurs et tisserands ou encore foulonniers qui travaillaient souvent à domicile.
Dans cette hiérarchie, les marchands-fabricants appartiennent à une classe bourgeoise, constituée d’hommes instruits et très souvent de confession réformée. Ce sont les marchands-fabricants du XVIIIe siècle qui allaient donner naissance au patronat des XIXe et XXe siècles. Au sujet de Mazamet, les archives nous apprennent que :
« Dans cette ville, tout le monde est employé pour les manufactures, les enfants à l’âge de quatre ou cinq ans commencent à filer et les hommes et les femmes continuent de travailler jusqu’à l’âge le plus avancé » (Rémy Cazals, 2017).
La vie ouvrière et la révolution industrielle : la naissance d’une conscience de classe
Le travail dans la première moitié du XIXe est rude : en effet, la plupart des jours fériés sont supprimés et le travail effectif compris entre 12 et 14 heures par jour. De plus, les conditions de travail sont déplorables. Les enfants travaillent dès l’âge de 4 ou 5 ans, et ce malgré les réglementations de 1841 qui visaient à réduire l’emploi des enfants dans l’industrie. Les logements des ouvriers sont insalubres : des témoignages évoquent jusqu’à 7 ou 8 personnes partageant la même pièce et parfois même avec des animaux. Le préfet du Tarn s’exprime sur ce sujet en 1856 en ces termes :
“Les patrons ne rémunèrent pas assez bien leurs ouvriers. Les villes de Castres et Mazamet présentent le spectacle affligeant d’une population ardente au travail, constamment occupée et cependant toujours misérable, tandis que les chefs des établissements augmentent sans cesse leur fortune déjà considérable.” (Rémy Cazals, 2017).
Avec l’essor de la production industrielle, il y a la concentration des activités. Ainsi, au lieu d’être dispersés et d’effectuer leur travail individuellement à domicile, les travailleurs sont regroupés dans les usines. L’usine fonctionne selon une très forte hiérarchisation des professions : en haut de la liste, on trouve bien sûr les patrons.
Les techniques de travail se mécanisent lors de la révolution industrielle, permettant une production en masse de textile pour répondre à la demande grandissante.
Dès lors, on constate que cette mécanisation entraîne des troubles, et suscite des révoltes au sein des ouvriers.
En 1845, on observe à Mazamet l’apparition de premiers mouvements de grève. Monsieur Houlès, le principal industriel de la ville, baisse les salaires des tisserands à la Jaquard de son usine. Cet événement marque le début d’une importante période d’agitation ouvrière : grèves, émeutes, contestations, attentats. C’est le début d’une violente opposition à l’introduction du progrès sous forme de machines. Cette diminution des salaires entraîne une désertion des ateliers, les ouvriers refusant de reprendre le travail avant d’avoir obtenu gain de cause. Les soulèvements sous diverses formes apparaissent ponctuellement entre les années 1845 et 1852. Cependant, dès 1852, les ouvriers du textile mazamétain font face à la répression des mouvements de révolte. Vingt-neuf d’entre eux sont lourdement condamnés, au bagne de Cayenne, à migrer en Algérie ou bien seront internés sous haute surveillance.
Le caractère policier du nouveau régime, ainsi que la répression violente, font peu à peu disparaître l’agitation ouvrière. De plus, l’augmentation des salaires dans les années 60 contribuent à maintenir une situation sociale plus paisible. Après cela, la constance de liens entre les ouvriers, de revendications malgré un net apaisement des tensions, montre la naissance d’une véritable culture ouvrière et d’une grande solidarité entre les ouvriers du secteur textile.
La révolution du délainage et l’affirmation de la culture ouvrière
L’industrie du textile, dans les années 1860-1880, connaît une profonde révolution. En déclin, elle est relayée par l’activité du délainage à partir de 1861-1865, puis la mégisserie va apparaître en 1871-1875. À Mazamet, les usines se reconvertissent et la ville devient rapidement le centre mondial du délainage connu par les pays producteurs de moutons comme l’Argentine, l’Afrique du Sud et la Nouvelle-Zélande, ainsi que les pays acheteurs comme toute l’Europe, la Russie, les États-Unis. Cette période est relativement favorable pour les ouvriers : en effet, on remarque que de 1858 à 1873 les salaires augmentent et le prix des denrées baisse. Le niveau de vie de la classe ouvrière s’améliore, comme on peut le constater avec l’introduction de la viande dans leur alimentation ou une légère amélioration des logements même s’ils restent très précaires.
Depuis la première révolution industrielle, une nouvelle classe sociale a vu le jour. En effet avec l’industrialisation, les travailleurs des usines ont été appelé les « ouvriers », qui constituent une nouvelle classe, celle de la classe ouvrière. Grâce aux multiples réformes sociales qui leurs sont avantageuses, les travailleurs industriels ont eu l’occasion d’arrêter de vivre en fonction de leur activité professionnelle et donc s’ouvrir au monde avec cette culture ouvrière.
Avec l’émergence de cette classe ouvrière, une culture ouvrière a vu le jour. Les ouvriers s’organisent en syndicats. Même si les réponses à une culture spécifique sont divergents, la culture ouvrière s’affirme, les ouvriers s’organisent en syndicats, ils se rassemblent et commencent à pratiquer les mêmes hobbys comme le sport. C’est un vecteur important de la solidarité ouvrière tel que le football. De plus, pour témoigner de l’appartenance à cette classe, ces membres s’affublent de plus en plus d’un couvre-chef spécifique à eux, la casquette. Plus tard, au XXe siècle, elle sera l’élément qui représente la classe ouvrière.
Dès la fin du XVIIIe siècle, la production de la région de Mazamet et Castres augmente considérablement afin de répondre à la demande du marché. La bourgeoisie protestante mazamétaine (les marchands-fabricants qui deviendront les patrons du XIXe prend alors une série d’initiatives qui entraînent alors le “décollage” de la révolution industrielle. C’est alors que naît une véritable classe ouvrière.
Bibliographie:
Étudiantes : L2 : CAUCHOIS Léa (L2), REPAUX Inès (L2), Roques Cyrielle (L1), Jacquet Clarisse (L1)