“La nervosité propre au caractère féminin marque, avec la chaleur, une certaine recrudescence”. Ces mots sont prononcés par le responsable du camp de Brens dans le sud de la France. Comme pour les hommes, la résistance faisait partie du quotidien des femmes durant la Seconde Guerre mondiale. Ce conflit est provoqué par les ambitions d’expansion des trois principales nations de l’Axe : l’Empire japonais, l’Italie fasciste et le Troisième Reich. La France, vaincue par l’Allemagne en 1940, instaure un régime dictatorial pendant l’occupation d’une partie du territoire par les nazis : Le Régime de Vichy. Ce régime, qui signe la fin de la démocratie, est basé sur la xénophobie et l’antisémitisme. Il est mené par le Maréchal Pétain, le “chef de l’État français”. La collaboration de la France avec l’Axe amène à de nombreuses arrestations de résistants, de juifs ou encore d’opposants politiques. Ces personnes sont amenées dans des camps d’internement où elles sont privées de leur liberté, dans des camps de concentration où elles sont obligées de travailler mais aussi dans des camps d’extermination (plutôt à l’étranger) où elles sont tuées. Les femmes sont, comme les hommes, internées par mesures administratives dès 1939 uniquement dans les camps du sud de la France. Elles sont internées à Rieucros puis à Brens près de Gaillac jusqu’à la libération. Le contexte de la guerre permet aux internées d’être solidaire, d’autant plus que dans les camps de Rieucros et de Brens. La culture fait partie du quotidien des femmes. Elle leur permet de s’aider et de résister.
Camps de femmes : Chroniques d’internées, Rieucros et Brens, 1939-1944 par Mechthild Gilzmer offre un complément détaillé pour ce sujet.
La culture dans les camps pour exprimer ses idées.
Les femmes vivent dans des camps réalisés dans l’urgence. Les baraques ne sont ni hermétiques ni étanches. Le climat est rude, en particulier pendant l’hiver qui est très rigoureux. Si parfois elles possèdent un poêle, elles ne peuvent pas l’alimenter à cause du manque de matières premières. À Gurs, par exemple, le sol est extrêmement boueux avec les pluies et rien n’a été construit pour y remédier. Les internées doivent faire face à la saleté, à la vermine et à l’insalubrité. La promiscuité et la pollution de l’eau engendrent aussi un bon nombre de maladies. La mortalité est très élevée à cause du manque d’hygiène et de la famine. Avec la pénurie de médicaments la situation ne peut pas s’améliorer. Il faut savoir que la plupart des femmes sont aménorrhées à cause notamment de la famine mais aussi du stress.
La culture et l’art permettent aux femmes internées pendant la Seconde Guerre mondiale de fuir l’horreur des camps. Dans certains, il peut y avoir plus de 25 nationalités différentes, comme à Rieucros, situé en Lozère. Ces femmes avaient des tâches à effectuer, comme, la cuisine ou bien le nettoyage des baraques. Pour s’occuper, le dessin à l’aquarelle ainsi que l’écriture sont indispensables. L’art est une façon de dévoiler une qualité humaine dans un contexte inhumain. Pour la création d’objets, ces femmes se devaient d’être ingénieuses, comme couper des rondelles de bois pour la fabrication de boutons de vêtements. Les jours de fêtes, des pièces de théâtre peuvent être organisées, comme, celle de Blanche-Neige ou en réalité c’était une parodie de la Collaboration entre la France et l’Allemagne nazie. Écrire des chansons sur le refrain de l’Internationale permettait à toutes ces femmes de reprendre espoir et de créer des moments de communion. L’imagination était « le huitième jour de la semaine » selon une internée. Le 25 mai 1941, jour de la fête des Mères, chacune chantait une berceuse dans sa langue maternelle pour essayer de compenser le manque d’enfants qui leur ont été arrachés. Cela se finit par une manifestation où toutes s’exclamèrent « Libérez les mères ! ». Dans ce camp, ces femmes partagent les mêmes idées politiques et cela contribue donc à renforcer la solidarité qui existe entre elles.
Les luttes et la solidarité féminine dans les camps
Internées politiques, Françaises, et d’autres venant de partout en Europe sont rassemblées pour une durée indéterminée. Deux autres rafles, organisées par le Régime de Vichy, ont eu lieu entre 1943 et 1944, avant que les femmes restantes soient menées au camp de Gurs, dans le Béarn. Dans un extrait d’une émission diffusée en avril 1967 consacrée aux témoignages d’anciennes déportées du camp de Ravensbrück, Marie-Claude Vaillant-Couturier décrit la solidarité à l’œuvre à l’intérieur du camp de Ravensbrück entre les Françaises mais aussi envers les victimes d’expériences médicales inhumaines pratiquées par les médecins nazis. Elle est déportée de Compiègne le 24 janvier 1943, puis elle arrive au camp d’Auschwitz le 27 janvier 1943. On l’envoie au camp de Ravensbrück le 3 août 1944, d’où elle revient le 25 juin 1945 en France. La fraternité s’exprimait fortement entre les résistantes-déportées françaises. Arrivées tardivement et peu nombreuses, les Françaises étaient particulièrement maltraitées au sein du camp.
La solidarité et l’opposition des femmes face à l’occupant débutent souvent par des gestes infimes, qui laissent peu de traces : vêtements discrètement tricolores, mise en quarantaine d’un voisin affichant des sympathies pour l’occupant et tant d’autres. Le refus de se soumettre à la situation crée peu à peu des réseaux d’entraide de proximité afin de permettre la survie des plus démunis et cacher les persécutés.
Les femmes au cœur de la résistance
L’importance des liens sociaux et le développement de la culture servent des idées de rébellions et de résistance au sein des camps. Avant tout, les femmes résistent pour rendre hommage et honorer la mémoire de leurs camarades disparues, par patriotisme et volonté acharnée de survivre dans les camps. C’est principalement par le sabotage, que les femmes résistent. Par exemple, dans le camp de Brens, les femmes sabotent les machines de fabrication des fusées V2 ou font une minute de silence et s’arrêtent de travailler tous les 11 novembre de 11h à 11h01, heure de la signature de l’armistice 1918. Un moment court plein de solidarité et d’espoir dans les moments difficiles. Enfin, résister peut consister en de petites actions au quotidien comme le vol d’objets ou de livres allemands qui permettent aux femmes d’apprendre la langue. Le livre Résistante de Jacqueline Fleury offre un témoignage précis de son expérience dans le camp de Rieucros.
Les internées ne sont pas toutes Françaises. En 1939, entre 75 000 et 95 000 femmes espagnoles de la Retirada, l’exode des réfugiés de la guerre civile espagnole, émigrent en France. Parmi elles, on trouve des anarchistes qui se révoltent contre les autorités françaises qui les internent. A Rieucros, elles se rassemblent pour créer des organisations révolutionnaires de femmes intellectuelles aux idées antifascistes. La résistance prend alors une dimension politique. Celle-ci s’exprime notamment au travers du théâtre où sont jouées des scènes représentant leur quotidien dans les camps. La parole des révoltés peut aussi sortir des camps. Les articles d’Adela Carreras, membre des Mujeres libres, par exemple, sortent du camp d’Argelès. Même enfermées, les femmes restent des protagonistes de la résistance.
En ouverture :
L’internement des femmes dans la France des années noires par Denis Peschanski
Louis Tartaix et Camille Latcher – L1: Agathe Degremont, Prescillia Delmas, Clara Combes.