Les mines de Carmaux au XIXe siècle [2022]

Le bassin minier de Carmaux est situé dans le département du Tarn. Il constitue un exemple parfait du processus de l’industrialisation. La mine de Carmaux est une mine houillère, installée dans un sol de type calcaire. Son réseau est caractéristique et reconnaissable par sa forme avec des fuseaux de plus de 2600 m. À travers elle, on est face à un enchevêtrement d’histoires : économique, sociale, technique, politique et syndicale.

DE PAYSAN À MINEUR

L’ouvrier du début du XIXe siècle est un artisan ou un paysan qui cherche d’abord à compléter son revenu par la pluriactivité, puisque jusqu’en 1820, la France est en très grande partie agricole et paysanne. Émerge alors la classe prolétaire ouvrière, qui comprend l’ouvrier moderne, qui travaille dans les usines avec les machines, mais également et c’est ce qui nous intéresse, le mineur de fond.

A Carmaux, cette émergence se perçoit aussi. La mine fournit, en effet, nombre d’emplois et la natalité locale (comme nationale) alimente les cohortes de mineurs. Peu à peu, la mine devient activité principale de beaucoup de ruraux.

Il faut alors repenser le logement, pour rapprocher les mineurs de leur lieu de travail et héberger la main d’œuvre nécessaire à la mine. Les nouvelles constructions se font à l’initiative du patronat, selon la logique du paternalisme. Le paternalisme est un comportement, une attitude, consistant à maintenir un rapport de dépendance ou de subordination tout en lui donnant une valeur affective à l’image des relations familiales. L’entreprise paternaliste pénètre tous les aspects de la vie privée et apporte aux ouvriers des avantages sociaux, notamment en ce qui concerne l’éducation, le logement, les soins médicaux, les loisirs, la protection sociale ou encore les allocations familiales. À Carmaux, le fait d’être mineur comporte beaucoup d’avantages puisqu’il y a par exemple un sursalaire familial, du charbon gratuit, une caisse de secours mutuels ou encore une pension annuelle de retraite.

MINEUR, UN TRAVAIL HARASSANT

La journée de travail du mineur commence très tôt. Il part de chez lui avec son briquet (sacoche repas). Arrivé à la mine, il s’équipe dans la salle des pendus (pic, lampe, casque et tenue de travail). Le travail au fond se découpe en 3 corps de métiers : le mineur qui casse la roche, le bouteur qui dégage les débris, et le hiercheur qui achemine les minéraux. Les conditions de travail sont exténuantes : chaleur, horaires de travail, salaire de misère, un rythme élevé, et des risques de mort permanents. Les femmes aussi travaillent à la mine, elles trient les minéraux remontés à la surface, et s’occupent de l’inventaire des lampes.

Au XIXe siècle, le travail du mineur est une tâche laborieuse et extrêmement dangereuse réalisée par des paysans non exercés dont les seuls outils sont la pelle et la pioche. Les progrès de fabrication, de traitement de l’acier et les nouvelles études sur l’exploitation des mines permettent l’apparition de nouveaux outils comme les masses, coins,… qui permettent de mieux exploiter la roche. L’extraction minière a également pu évoluer par l’apparition des premiers outils mécaniques et électriques qui viennent supplanter à des techniques plus rudimentaires. Les mineurs voient ainsi le taux d’accident diminuer bien que le danger reste omniprésent.

Avec les progrès techniques, les mineurs vivent un réel bouleversement dans leur mode de travail. L’utilisation d’explosifs agrandit les chantiers qui voient augmenter leurs rendements par la mise en place de chemins de fer dans la mine. Les gisements marquent le paysage avec de grandes haldes/puits, mais également de nouveaux engins comme des machines permettant le havage ou encore l’aération des mines. La mécanisation s’accroît ce qui transforme le travail du mineur. Le tri du charbon est fait de manière mécanique, l’éclairage électrique se généralise. L’arrivée des machines et le développement de l’ère industrielle permet la mise en place d’un nouveau rythme de travail à la chaîne ou chaque individu à sa place.

UNE LUTTE SYNDICALE

Malgré le bouleversement du système provoqué par l’obtention de droits (grève et syndicat), une crise explose dans les mines de Carmaux, en raison du licenciement de Jean-Baptiste Calvignac, élu le 15 Mai 1892 maire de Carmaux. Cet acte est vu comme un outrage au suffrage universel et aux droits d’expression de la classe ouvrière. Face à ce licenciement de la classe ouvrière, les mineurs agissent. C’est Calvignac et Jaurès qui galvanisent les mineurs, leur proposant une réaction plus pacifiste. Cette dernière entraîne une vague de grèves qui se déroule d’août à novembre 1892. Sur 3000 mineurs, 2350 participent à ce mouvement qui prône la lutte des classes. L’objectif n’est pas d’acquérir des droits, mais de réintégrer Jean-Baptiste Calvignac.

Suite à ces évènements, un détachement des ouvriers envers le parti républicain se fait ressentir. Pour eux, la question sociale est déjà réglée depuis l’instauration de l’école laïque, du droit de presse ainsi que les syndicats. Pourtant, le prolétariat souhaite passer un cap afin de s’affranchir de nouveaux droits légitimes. Jean Jaurès est alors choisi comme député du Tarn face à Solages et Camélinat, étant le plus convaincant envers les masses avec ses idéologies syndicalistes et socialistes. Il soutient grandement les mineurs dans cette grève jusqu’à la réintégration de Calvignac, et devient député en 1893.

Oeuvre d’Alfred Roll représentant la grève des mineurs de Carmaux de 1892-1895, tirée du Petit journal de Carmaux. ADT

Les grèves, solution de la lutte des classes, démontrent la situation critique des ouvriers de la mine de Carmaux. Mais le lien tissé entre ouvriers et socialistes, lors des grèves minières, permet de franchir un pas dans le rapprochement des partis socialistes. Avant ce lien il y avait un différend entre les deux groupes sociaux. Le soutien que Jean Jaurès apporte aux mineurs de Carmaux se concrétise par son éloignement des partis républicains pour adhérer aux idées socialistes. Il expose à travers des journaux les tensions et les problèmes au sein de la mine. Ce rapprochement des idées de la gauche et des partis socialistes, donne naissance à la SFIO qui vise à donner un rapport équitable entre les employeurs et les mineurs.

UN PATRIMOINE RENOUVELÉ

La mine de Carmaux a connu de nombreuses phases de troubles et de tentatives de restauration, elle a été plusieurs fois rendue inopérante. Cependant, le patrimoine carmausin est encore aujourd’hui d’actualité, car bien que le travail de mineur ne se pratique plus, un parc de loisirs a été construit sur l’ancien site de la mine à ciel ouvert. Il s’agit de cap découverte, idéal pour une après-midi en famille ou pour faire du sport. Si vous n’y êtes jamais allé, alors le visiter n’en sera que bénéfique.

POUR ALLER PLUS LOIN : une bibliographie non exhaustive.

Etudiants concernés : L2 : Armand DEWEZ, Lucas DOUAT / L1 Anna GRANDET, Jeanne BERNARDI, Faustin MOMESSO, Loris NOBILLOT