L’Arsenal de Tarbes de 1870 à 1945 [2018]

   

L’Arsenal de Tarbes
carte postale de 1917
Source: http://www.archivesenligne65.fr

   En 1871, la guerre franco-prussienne fait rage et l’armée prussienne est supérieure aux forces de Napoléon III. Afin de pouvoir continuer la lutte celuici fait ordonner le déplacement de l’Arsenal de Meudon vers Tarbes en raison de son emplacement stratégique. Sa création est confiée à Jean-Baptiste Auguste Verchère de Reffye, un général d’artillerie français qui vécut entre 1821 et 1880.

Jean-Baptiste Verchère de Reffye, fondateur de l’Arsenal de Tarbes et inventeur du canon à balles. Photographie du milieu du XIXe siècle.
Source: Collection Robert Verchère de Reffye.

 Ainsi, après la défaite face aux Prussiens, la priorité est d’installer cet arsenal loin des Allemands, d’où le choix de Tarbes qui est un peu plus à l’intérieur des terres. Mais d’autres raisons légitiment ce choix comme le fait que Tarbes soit bien desservie au niveau des voies ferrées et qu’elle jouisse d’une certaine proximité avec Toulouse. Ainsi, l’arrivée de Verchère de Reffye et de son projet de constituer la première grande industrie de Tarbes, a, petit à petit, influencé le quotidien des Tarbais. De plus, quand on parle d’une activité industrielle, il est nécessaire d’insister sur les personnes qui ont fait cette industrie, c’est à dire les ouvriers et sur ce qui a été mis en place pour les inclure parfaitement dans la ville. L’évolution de l’Arsenal a permis la transformation de la ville notamment lors de la Première Guerre mondiale. La période qui nous intéresse correspond à la naissance de l’Arsenal jusqu’en 1945, année marquée par la fin de la Seconde Guerre mondiale et une diversification de son activité. Il s’agit d’autant de pistes de réflexion que nous pouvons nous poser quand on pense à l’installation de l’Arsenal de Tarbes et ainsi, il est nécessaire de faire un rapide tour d’horizon des thèmes inhérents à cette installation.

L’essor de la classe ouvrière de l’Arsenal.

  Les travailleurs viennent des quatre coins de la France accompagnés d’une main d’œuvre plus qualifiée venant de Meudon, Nantes, Paris et connaissant déjà le système de Reffye. La main d’œuvre locale est également utilisée pour des métiers variables d’ajusteur à menuisier en passant par simple forgeur. Ainsi, pour pallier le mécontentement des ouvriers lié aux conditions de travail, Verchère de Reffye met très rapidement en place des réformes sociales. Il lance notamment un projet d’école afin de former les fils d’ouvriers et ainsi pérenniser l’activité sur le long terme. A ces conditions de travail risquées s’ajoutent des conditions de vie rendues difficiles par l’augmentation des prix de certains produits. L’effectif ouvrier atteint son apogée en 1914 lors du déclenchement du premier conflit mondial afin d’assurer les commandes du front et de participer activement à l’effort de guerre. Le recrutement se fait très rapidement en quelques mois et atteint son niveau de production maximum avec plus de 10 000 ouvriers concernés.

Le travail des femmes à l’Arsenal de Tarbes. Sur cette photographie, elles usinent des obus.
Source: Archives A.T.S.

Cette période se caractérise à la fois par le nouveau rôle donné aux ouvrières qui doivent remplacer les hommes partis se battre sur le front, mais aussi par l’importance des travailleurs coloniaux qui ont également participé en nombre à cet effort de production. 

Sortie des ouvriers de l’Arsenal (photographie prise en 1917)
Source: http://www.archivesenligne65.fr
Archives départementales des Hautes-Pyrénées.

Cependant, la Première Guerre mondiale a entraîné une inflation des prix à l’arrière du front ce qui a eu des conséquences pour les ouvriers. De multiples grèves contre l’inflation et la dégradation des conditions de vie des ouvriers de l’Arsenal ont eu lieu. On peut donc dire que la Première Guerre mondiale, malgré sa violence extrême, a permis de multiples changements sociaux au sein de l’Arsenal de Tarbes, donnant notamment une nouvelle importance au travail des femmes. Cependant, lors de la Seconde Guerre mondiale, l’Arsenal est surveillé par l’Allemagne nazie. Les ouvriers se tournent plutôt vers la résistance comme en témoignent une production décevante, le sabotage des machines-outils ou même les taux d’absentéisme records des ouvriers sur cette période (entre 40 et 70 % d’absentéisme).

Une production dans l’armement en constante évolution donnant un rôle prédominant à Tarbes en la matière.

   La production de l’Arsenal de Meudon avait un rôle majeur dans la lutte contre les forces prussiennes à la fin de la guerre en 1870. Mais son implantation trop proche du front poussa le gouvernement à prendre la décision de continuer la production à Tarbes. Cependant l’Arsenal de Tarbes n’est opérationnel qu’en janvier 1871. La production de l’Arsenal fut faible et n’eut pas d’impact sur la fin de la guerre. Mais Tarbes alimenta tout de même les forces françaises en armes et en munitions jusqu’à la fin de la guerre le 27 février 1871. L’Arsenal de Tarbes fut conservé après la guerre par le gouvernement d’Adolphe Thiers (président de la République française entre 1871 et 1873). Cet Arsenal constituait à l’époque le laboratoire militaire de la France dans l’expérimentation et le développement de nouvelles armes. Il prit le nom en 1872 d’ « Atelier de Construction de l’Artillerie ». Cependant, il perdit peu à peu son rôle de laboratoire, mais il continua d’avoir une production d’armes constante jusqu’en 1914. Durant la Première Guerre mondiale, l’activité de production de l’Arsenal fut poussée à son maximum, la fabrication de matériel atteignant une cadence très élevée grâce à l’augmentation du nombre d’ouvriers. Mais la fin de la Première Guerre mondiale ralentit fortement la production d’armes. Si l’entre-deux-guerres se caractérise par une reprise de la production militaire avec la montée d’Hitler en Allemagne, à laquelle s’ajoute une production dite de « paix », l‘armistice de 1940 met fin à la production de l’Arsenal hormis la confection de munitions pour l’armée de Vichy ou pour l’occupant nazi. Ainsi, le 11 novembre 1942, l’armée allemande occupe Tarbes. La Pyrotechnie et les Poudrières sont surveillées et doivent fabriquer du matériel de guerre pour les occupants. En 1944, la production est relancée par un comité de libération qui a pris la tête de l’Arsenal. Les commandes d’armement assez limitées sont remplacées par les commandes civiles bien plus nombreuses au moment de la reconstruction de la France. Finalement, l’Arsenal de Tarbes n’est pas le seul à avoir joué un tel rôle. En effet, d’autres arsenaux dans la région ont également participé à cet effort de production.

Canon de 5 modèle 1873
Source: BNF Bibliothèque Nationale de France.

Vers une transformation progressive de la ville tout au long de la période.

   La ville de Tarbes s’est développée sous l’Ancien Régime, mais ne fut pas vraiment touchée par la Révolution Industrielle, jusqu’à l’implantation de l’Arsenal. Tarbes est alors une ville rurale avec un passé riche et une production culturale d’haricots tarbais ou d’élevage de chevaux. Elle possédait aussi, plus tard, une industrie de tabac à partir de 1869. En 1859, dans le projet de désenclaver les provinces, Tarbes est reliée à Paris par voie ferrée. Il est intéressant de souligner qu’en 1871, avant l’implantation de cet arsenal, Tarbes ne possédait que des industries traditionnelles déjà en déclin. L’Arsenal de Tarbes, de par son importance, a modifié profondément la ville, passant d’une ville à dominance rurale vers une ville beaucoup plus industrialisée. 

Bâtiment 103, anciennement Magasin aux Tabacs sous Napoléon III, à partir de 1869.
Source: travail personnel
photographié par Florent Pécassou (8 mars 2013).

Le seul bâtiment de l’Arsenal en 1871 était l’ancien Magasin aux Tabacs, puis il n’a cessé de s’agrandir par de multiples acquisitions dans les années qui suivirent. Cette expansion de l’Arsenal provoque une dépendance de la ville vis-à-vis de son industrie, modelant ainsi le paysage urbain (création de bâtiments pour les travailleurs, émergence de l’aspect militaire, etc.). Ainsi, d’autres entreprises se sont également implantées à Tarbes, grâce notamment aux prédispositions obtenues avant l’arrivée de Verchère de Reffye (chemin de fer bien desservi, etc.), mais aussi grâce au développement de l’Arsenal à la fin du XIXe siècle. Tarbes est devenue plus attractive du fait de son industrialisation, et quatre grandes industries à Tarbes, nommées les “4 grands” tarbais, dont fait partie l’Arsenal de Tarbes, ont vu peu à peu le jour. L’arrivée de l’Arsenal de Tarbes et l’implantation d’industries nouvelles ont profondément changé le territoire, se matérialisant notamment par la création de nouveaux quartiers (Soult, Larrey, etc.). La ville de Tarbes joua également un rôle militaire de la fin du XIXe siècle jusqu’en 1945. Celle-ci se dota de casernes, de quatre champs de manœuvres, d’une école d’artillerie, d’un parc à fourrage, et d’un cercle d’officiers. La plupart de ces infrastructures sont encore présentes et ont été réaménagées après 1945.

Pour aller plus loin