Les constructions en pierres sèches sont un type spécifique d’architecture qui n’utilise aucun liant, ces dernières tiennent simplement par leur orientation et leur positionnement les unes par rapport aux autres, c’est un jeu d’équilibre et de placement qui permet de faire tenir un ensemble. Ainsi, par le terme « constructions », nous englobons différents types de structures et édifices pouvant être porteuses (tel que des abris ou des maisonnettes) ou non porteuses (comme des murets). Ce type de construction est visible depuis le Néolithique et encore jusqu’à nos jours notamment dans le Lot. En effet, les différentes constructions en pierres sèches sont des types d’aménagements non monumentaux qui sont devenus des éléments dignes de s’intégrer dans le patrimoine local, ce sont mêmes devenus de vrais enjeux pour leur valorisation et leur promotion de nos jours.
Les constructions en pierre sèche découlent naturellement d’un savoir faire ancestral qui requière des techniques et des méthodes précises que nous avons hérité de nos ancêtres. Au lendemain de la guerre de Cent ans, les compagnies anglaises sont rentrées chez elles, des colons sont venus repeupler le Quercy dont les migrations perdurèrent jusqu’au XVe siècle. De ce fait, les nouveaux arrivants défrichent les cultures et eurent naturellement besoin de se débarrasser de l’abondance des pierres, c’est donc la naissance d’un vrai réseau de cayrous et de murettes en Quercy. Les constructions en pierres sèches, font logiquement partie de l’architecture et du paysage rural dans le Lot mais elle se dégrade rapidement à cause de l’absence d’entretien. Par ailleurs, il y a un mouvement « d’enclosure », on utilise ces pierres pour clore l’espace qui entoure une habitation de manière esthétique comme fonctionnelle. On a donc eu cinq siècles, du XVe au XXe siècle, une structuration du paysage et l’espace par la pierre sèche.
L’émergence de la pierre sèche est suivie de près par l’apparition de la charrue un outil agricole qui surpasse l’araire. En effet là où l’araire ne faisait qu’effleurer la terre, la charrue la retourne faisant sortir des cailloux, la nécessité de stocker ce surplus de pierre était inévitable ainsi on fait des tas de pierre qu’on appelle des cayrous. Par la suite, l’apparition de la voiture et du tracteur rendent inutiles ce mode de construction grâce aux machines qui peuvent maintenant réduire en poussière les pierres et/ou avec la voiture qui rend inutile les abris dispersés.
L’histoire de la pierre sèche est plutôt simple, les constructions de ce type ont pris une vraie place dans la vie des populations rurales et agraires. Les constructions en pierres sèches n’étaient pas réellement réglementées par des chartes et des lois, il n’y avait que très peu de guides les régissant. A l’époque moderne nous sommes même amenés à croire que ces constructions ignoraient complètement les normes administratives et tracasseries actuelles. Les constructions sont mentionnées dans les actes notariaux nous amenant à penser à un nouvel essor au cours des années 1850 à 1900 témoignant ainsi que l’efflorescence de ces constructions du XVe siècle au XXe siècle dans la localisation du Lot était bien réelle. Il ne faut pas oublier que les constructions en pierre sèche ont connu un intérêt stratégique durant la résistance, elles ont servi de boite aux lettres aux résistants.
Les constructions en pierres sèches demandent une technique de construction spécifique puisqu’elles sont réalisées sans liant. On joint les pierres en fonction de leurs formes en évitant que les jointures soient alignées pour éviter les effondrements. Le poids des pierres les unes sur les autres font tenir les murs, il faut serrer les pierres le plus possible. Les murs des cabanes en pierres sèches sont épais d’environ 1 mètre et ces cabanes sont construites sur des Ayral qui sont des terrains dégagés pour construire. On remplit les interstices avec des éclats de cailloux ou de la terre afin de combler les trous pour ne pas laisser passer l’air.
D’un point de vue plus technique les toitures en voûte d’encorbellement sont construites grâce à des sortes de tuiles de pierre sèche constituant la toiture, ces pierres font environ 6 cm d’épaisseur et la toiture pèse en général 3 tonnes par mètre carré. Les pierres utilisées pour construire ces cabanes sont le plus souvent extraites lors de l’épierrement des champs. Les voûtes clavées en berceau sont réalisées à l’aide de plaquettes rectifiées au marteau, un cintre hémisphérique est réalisé temporairement, une fois la voûte terminée, le cintrage est démonté. Le système de fermeture est une clé de voûte, les joints sont donc en « coupe concentrique ».
Il y a aussi les boutisses qui sont des pierres de liaison qui s’enfoncent dans toute l’épaisseur du mur, à la différence des pierres de liaison simples qui elles ne s’enfoncent pas en entier dans le mur. Il y a différents types de tailles de pierres comme le fruit, le contre-fruit, le talus, et l’aplomb, ce qui permet d’orienter le centre de gravité de la cabane pour éviter sa destruction avec les mouvements de la nature environnante (arbres, sol qui bouge…). Ces cabanes servent généralement de remise à outils notamment pour les vignerons, d’abris pour les éleveurs, d’enclos à moutons, de postes de chasse ou encore des abris de cantonniers.
Ce qu’on appelle l‘épierrement est une opération qui consiste à débarrasser les terres agricoles des pierres qui gênent. Cette opération se fait soit lors du défrichement d’une nouvelle parcelle, soit lors des façons culturales. Toutes les pierres enlevées des champs doivent être stockées d’où la construction des murs en pierres sèches. Un mur de soutènement est épais en moyenne de 70cm et mesure environ 1.10m avec une taille de pierre en fruit à 10% vers l’intérieur. Hormis les cabanes, on construit des murs de soutènement, qu’on peut aménager par des talus (motte de terre) en banquettes de plantation. On peut aussi construire pour décorer ou pour faire barrage à l’eau en voulant éviter que les cultures soient inondées, notamment dans certaines zones très pluvieuses.
Pour poursuivre, nous pouvons dire que les constructions en pierres sèches sont devenues pour nous un vrai héritage historique qui se répercute sur le patrimoine local. Suite à la mécanisation progressive, la construction en pierre sèche est passée d’une construction utilitaire à une construction de type plus artistique. A présent, les cabanes et autres constructions deviennent une matière de travail pour les historiens et archéologues. On cherche à mieux connaître la vie rurale, les méthodes et les manières de vivre de nos ancêtres. L’histoire de nos ancêtres nous intrigue particulièrement, à présent on désire mettre en valeur ce patrimoine rural en le réintégrant dans la vie urbaine. Les constructions intriguent aussi les associations qui ont fait naître un désir de conserver ces constructions non monumentales et de les intégrer au patrimoine local en faisant par la même occasion de ces constructions des lieux plus touristiques que nous mettons en avant pour promouvoir notre patrimoine.
De nos jours, les constructions en pierres sèches deviennent un effet de mode mais aussi une cause à protéger. En Europe, on retrouve d’autres types de constructions tels que des sites formant des terrasses permettant le soutènement de vignes par exemples qui sont visibles dans la vallée du Douro au Nord Ouest du Portugal. Hors des frontières Européennes les constructions en pierres sèches sont visibles au Japon dans la région du Kansai, situé dans le Sud Ouest, sous la forme de soutènement et de clôture. Outre le fait que les constructions en pierres sèches reviennent à la mode pour leur aspect historique et patrimonial, un aspect environnemental permet la conservation et la restauration. En effet de nombreuses espèces protégées vivent dans ces constructions, c’est le cas des lézards de murailles, de la musaraigne. Ainsi, nous pouvons dire que les constructions en pierres sèches sont un élément majeur du patrimoine qui ont su s’intégrer dans la vie rurale jusqu’à nos jours.