Selon Jacques Verdier, le rugby est un sport à part, difficile d’accès avec des valeurs solidement affirmées comme le veut la légende. Mais, derrière cette discipline, parfois considérée comme dangereuse et brute, se cache un jeu beaucoup plus subtil qu’il n’y parait avec une histoire très particulière et fragilisée par différentes périodes de guerre.
1893-1940 : de son implantation à son expansion dans le Midi.
L’installation du rugby en France méridionale.
En 1893, la création du comité du Sud-ouest marque l’installation du rugby dans le sud du territoire français. Néanmoins, le rugby est apparu bien avant en France au Havre en 1872, dont le club s’appelle : le Havre Athletic Club. C’était alors une équipe d’ouvriers, originaires d’Angleterre qui avaient propagé cette nouvelle discipline.
Après la ville du Havre, l’implantation du rugby se développe essentiellement dans le sud-ouest, via la communauté britannique de Bordeaux qui met en place un vrai modèle de société avec un ensemble de valeurs (fraternité, amitié) et rites rugbystiques.
C’est en 1910, que l’équipe de France de rugby voit le jour en intégrant le Tournoi des Cinq Nations (Angleterre, Ecosse, pays de Galles, Irlande).
Le climat doux de la France méridionale, qui permet de jouer toute l’année, est un facteur prééminent dans l’expansion du rugby.
Première et Deuxième Guerres mondiales, crises majeures du XXE siècle.
La Première Guerre mondiale est à l’origine de la première crise majeure du rugby français, décimant les effectifs alors en pleine expansion, entraînant la fermeture de nombreux clubs. Certaines pertes sont emblématiques comme celle d’Aimé Giral de l’U.S.A Perpignan. Mais la Grande Guerre, permet aussi une « d’acculturation sportive » (Paul Diestchy), les soldats jouant pendant leur temps libre.
La Seconde Guerre mondiale (1939-1945) est tout autant une entrave au développement du rugby : championnat de France supprimé, difficulté d’organiser des rencontres entre zone occupée et zone libre, etc.. Georges Pastre, historien du rugby, appelle cette période le « rugby gazogène ».
Le rugby, moteur d’intégration et d’identité locale dans le Sud de la France.
En dehors des périodes de guerre, le rugby bénéficie d’un essor extraordinaire, tant il concilie sport et mode de vie, faisant dire à Jean Dauger, joueur français et bayonnais emblématique : « Le rugby s’était notre vie ».
Toulouse devient l’un des meilleurs clubs de France. Les années 1930 sont les années folles du rugby français, mais il est aussi de plus en plus violent; surnommé le « rugby de muerte ». Il sert aussi de support à certains mouvements fascistes, financés par le Gouvernement italien, ainsi dans le bassin de Briey.
Dans la France catholique, le rugby occupe une place nuancée, entre réticence face à ses aspects violents et adhésion des acteurs locaux.
1920-1970 : les temps de l’instrumentalisation.
Le rugby, par son importance grandissante et ses impacts, devient aussi un instrument qu’utilisent certains hommes politiques ou patrons de grandes entreprises, qui préfèrent voir leurs ouvriers jouer ensemble un dimanche plutôt que de fomenter des grèves. Le rugby véhicule, en outre, des valeurs compatibles avec celles du travail comme la combativité ou l’esprit d’équipe.
Le rugby sous le régime de Vichy est un outil de propagande, notamment celui à XV choisi par le régime contre le rugby à XIII.
Dans les milieux ouvriers et paysans, le rugby a une très forte influence car les gens n’ont pas beaucoup de distractions, pendant et après la guerre. Pour les Graulhétois, il n’y a pas eu de Brennus, mais une demi-finale mémorable en 1957.
1970-1995 : de l’instrumentalisation aux débuts du professionnalisme.
Jusqu’en 1995, le rugby représentait traditionnellement le sport des terroirs et le sport amateur. Son entrée récente dans le professionnalisme provoque une cassure dans le monde de l’Ovalie, certains craignant la désintégration du rugby des terroirs. L’apparition de la Coupe du monde marque considérablement ce changement de statut et la médiatisation, qui a joué un rôle primordial dans la diffusion du rugby, inquiète également.
Toutefois, il y a un soutien indéfectible de la population vis-à-vis de son club dans le Midi ; les individus défendent leurs couleurs. Des chansons, souvent considérées comme paillardes, voient le jour et certaines deviennent des hymnes comme la Pena Baionna de Bayonne. Le rugby n’est donc pas qu’un sport, il demeure, malgré les changements récents, un mode de vie.
Pour aller plus loin…
- Interview de Joseph Planés, ancien joueur du Sporting Club Graulhétois
- Bibliographies et sitographies complémentaires
Etudiants : L2 : Hugo Planès. L1 : Romain Couderc et Loris Toussaint.