Les troubadours en Occitanie [2020]

Lieux de production et de diffusion de la culture courtoise
Source : Destemberg A., Le Goff F., Atlas de la France médiévale. Hommes, pouvoirs et espaces, du Ve au XVe siècle, Paris, Autrement, 2017, p.45.

Le cliché du troubadour prend son essence au XVIe siècle, période où la culture du Moyen-Age est perçue comme sombre et brutale. Il est souvent présenté comme un personnage errant de cour en cour afin de chanter, de jouer de la musique et d’animer les habitants des châteaux. Ces poètes-musiciens médiévaux s’établissent dans la région occitane. Leur terre d’origine s’étend en réalité des Pyrénées aux Alpes d’Auvergne et du Limousin jusqu’au Nord de l’Espagne et de l’Italie. Aujourd’hui, le nombre de troubadours connus atteint les 450. Les troubadours sont les inventeurs d’un art d’aimer et d’une nouvelle façon de se comporter en société. Le troubadour, de l’ancien occitan trobar, c’est-à-dire trouveur, est un compositeur, un poète et un musicien. Il réunit en sa personne des fonctions intellectuelles, de technicien et d’artiste, en lien avec le lieu de la communication des idées et des modes : la cour. La culture du troubadour a profondément influencé la poésie.

 

Le XIe siècle : siècle de naissance de la figure du troubadour

La figure du troubadour se développe grâce à Guillaume IX, duc d’Aquitaine, considéré comme le “père des troubadours”. 

Dès la formation des langues romanes, des chansons amoureuses circulaient dans le peuple. L’Église en était scandalisée. La poésie des troubadours est crue et brutale, dans l’objectif de montrer ses exploits et donc pas assez délicate et raffinée pour l’Église chrétienne. La poésie en langue d’oc s’impose dans les cours méridionales, imitée au Nord de la France par les trouvères dès la seconde moitié du XIIe siècle. Les trouvères se montrent plus réservés dans le cadre du chant courtois. Ils utilisent avec habileté les ressources de la versification et de la rhétorique. Ils utilisent la langue d’oïl et contribuent à la création d’une poésie en langue française.

Extraits de textes rédigés par les troubadours.
Source : Zink P., Littérature française du Moyen Age, Paris, Presses Universitaires de France, 2014.

La vie du troubadour

Les conditions de vie du troubadour

Le troubadour vient de tous les horizons sociaux. Il peut être seigneur, pauvre, clerc, marchand, ancien jongleur, bourgeois, etc. Être troubadour est un moyen de s’élever socialement pour une personne étant issue des classes populaires. La fin du XIIe siècle a vu se développer un nombre impressionnant d’intellectuels. Le troubadour a le choix entre deux parcours bien distincts. Soit il reste sur place car il a un deuxième métier pour subvenir à ses besoins (peintre, enlumineur…), soit il devient itinérant, en constante recherche d’emploi et de cachets, se déplaçant de cour en cour. 

Les cours des troubadours
Source : Brunel-Lobrichon G., Duhamel-Amado C., Au Temps Des Troubadours XIIe-XIIIe Siècles, Paris, Hachette, 1997.
La formation du troubadour

Le jongleur ne peut pas égaler le troubadour, celui-ci n’a pas une bonne réputation. Le jongleur désigne plutôt un animateur de taverne et un coureur de filles. Alors que le troubadour bénéficie d’un certain prestige, grâce à sa formation intellectuelle, artistique et musicale lui permettant d’accéder aux milieux aristocratiques des cours. Le troubadour créé tout seul ses chansons, il écrit ses propres poèmes. Cependant, il confie l’interprétation et la mélodie à des jongleurs, spécialisés dans cette discipline. Le troubadour est un homme lettré qui se forme dans des écoles monastiques ou bien dans des écoles de châteaux s’ils viennent de milieux aristocratiques. 

L’art et la littérature du troubadour
Tympan de Moissac, représentation d’une vièle.
Source : photo prise sur place, par nos soins.

L’art troubadour s’exprime à travers la langue d’oc. La littérature troubadouresque suit le plan d’un Ars amandi, c’est-à-dire un art d’aimer et d’un Remedia amoris, un remède contre l’amour. Les troubadours sont musiciens, ils utilisent des instruments à cordes pincées comme la harpe, le psaltérion et le luth ou encore des instruments à archet tel que la vièle, ou sa version orientale, le rebec qui atteste d’une probable influence arabe. Il utilise aussi la flûte ou la cornemuse pour les instruments à vent et le tambourin comme percussion.

 

La place du troubadour dans la société

Le rôle artistique du troubadour

La Renaissance du XIIe siècle, qualifié de “siècle de grand progrès” met en avant le fin’amor qui propose une nouvelle façon d’être. Le mouvement poétique des troubadours laisse également de la place à des femmes, entre 1150 et 1250, connues sous le nom de trobairitz. Elles étaient environ une vingtaine. Elles maîtrisent parfaitement le code courtois et la technique littéraire. Elles n’expriment que l’affectivité et ne composent pas de texte en rapport avec la politique ou la morale.

Les thèmes défendus par le troubadour

L’amour est la thématique essentielle des chansons de troubadour. L’originalité de la courtoisie est d’attribuer à la femme une place essentielle afin de lui témoigner un respect et une dévotion extrême. Le troubadour prône aussi des valeurs féodales : la prouesse, l’honneur, la fidélité, et attire l’attention de l’aristocratie grâce à la ruse de leurs paroles enjouées. Les troubles politiques et religieux du temps participent à la composition de sirventès, qui dénoncent par l’ironie certains aspects politiques. Mais les troubadours, a contrario des trouvères, se rapprochent davantage d’une poésie populaire.

La culture du troubadour dans la région occitane 

L’influence du troubadour qui s’essouffle à la fin du XIIIe siècle

L’élément déclencheur de ce changement est la croisade contre les Albigeois qui fait s’effondrer l’élan Cathare et sa culture, dont celle des troubadours. Le troubadour se fait le porte-parole de l’identité déchue des cours du Sud, à travers la composition de sirventès. Les troubadours partent des cours occitanes pour s’établir dans les cours italiennes, espagnoles et les cours du Nord de la France. La langue d’oïl finit par être prédominante. L’art troubadour permet donc à d’autres arts de naître ou d’enrichir les mouvements artistiques déjà existants.

L’héritage du troubadour dans la culture occitane

Le troubadour participe activement à l’éclosion d’une nouvelle culture savante, mais dans une langue dite vulgaire, la langue d’oc, qui se hisse ainsi au statut privilégié de langue écrite. Cette culture se proclame profane, puisque les troubadours mettent en musique et en vers l’amour. 

Géographie des langues et des dialectes, XIIe – XIXe siècle.
Source : Guyotjeannin O., Balavoine G., Boutier J., Atlas de l’histoire de France, La France médiévale IXe-XVe siècle, Paris, Autrement, 2005, p.88.

La figure du troubadour laisse aussi des traces dans la littérature romantique du XIXe siècle, avec l’utilisation du champ lexical troubadouresque : l’amour, la nature, la femme, mais aussi par le genre, composé principalement de l’épopée et de la poésie lyrique.

Enfin, la culture des troubadours se retrouve également avec l’Académie des Jeux floraux à Toulouse. Cette Académie a été créé en 1323, par des troubadours afin de maintenir les grandes traditions du lyrisme courtois.

Pour aller plus loin…

Bibliographie

Réalisé par Clavere Nathan (L1), Gaziglia Océane (L2).