Lieu de mémoire incontournable du Tarn-et-Garonne, le camp de Septfonds, non loin de Montauban, est, de 1939 à 1945, le théâtre de nombreux rassemblements d’internés venant d’horizons différents.
Présentation du camp
Durant cette période, ce camp rassemble, en effet, une multitude de nationalités pour des raisons multiples. Elles sont essentiellement politiques à cause du contexte historique des guerres (Guerre d’Espagne, Seconde Guerre mondiale), mais également raciales (politiques antisémites) ou encore liées au contexte xénophobe de l’époque. C’est pour cette raison que le camp change sans cesse de statut durant ses années d’activité.
C’est ainsi qu’Espagnols, Juifs, Autrichiens, Polonais ou encore Allemands se trouvent internés dans le camp de Septfonds, au lieu-dit de Judes.
C’est sur un immense terrain de 50 hectares, plat et facile d’accès, caché des regards mais proche du village, que la triste histoire du camp d’internement se déroule. Ce champ vide à l’époque, possède de nombreuses ressources aux alentours entraînant la décision d’installer un camp temporaire sur ce terrain-là. C’est le gouvernement Daladier qui prend la décision d’implanter un camp à Septfonds en raison de l’arrivée massive des Espagnols.
Le camp est construit très rapidement et méthodiquement. En une semaine et demie les travaux d’aménagement sont quasiment terminés (de fin février à début mars 1939). Architectes, entrepreneurs locaux, tirailleurs sénégalais et quelques réfugiés espagnols collaborent ensemble à l’achèvement des travaux.
Sur 50 hectares de terrain, on trouve 44 baraquements les uns en face des autres sur plusieurs kilomètres. Des miradors sont élevés aux quatre coins du camp afin d’assurer la surveillance des détenus. Plus de 50 km de barbelés entourent le camp d’une double rangée.
Lien vers le site de Septfonds
Le camp sur mesure pour les réfugiés espagnols (1939-1940)
On ne compte pas moins de 16 626 Espagnols. au total. Leur arrivée se fait en gare de Borredon, puis à pied jusqu’au village, par petits groupes, malgré leur mauvais état de santé. Ils ont tout perdu, la guerre, la liberté, leurs biens, leurs familles pour arriver dans un camp dénué de tout équipement minimal et de toute humanité. Pour les encadrer, les autorités affectent un millier de gardes : 6 pelletons de gardes mobiles, un escadron de cavalerie du 20e Dragons, un bataillon d’infanterie du 107e d’Angoulême, un bataillon du 16e régiment de tirailleurs sénégalais. Le camp est étroitement surveillé. En effet, une autorisation est nécessaire afin de pénétrer dans les lieux.
Les conditions de vie sont particulièrement rudes, d’abord en raison du climat, mais également à cause des couchages et des conditions sanitaires sommaires. C’est ce qui aurait causé 22 décès d’Espagnols au printemps 1939. Les maladies les plus courantes sont la fièvre, la tuberculose et autres problèmes pulmonaires.
L’environnement sonore est du camp est très important. Durant la journée, on pouvait entendre le bruit du micro qui était animé par 4 speakers espagnols qui traduisaient, annonçaient les visiteurs, donnaient des consignes, etc.
En ce qui concerne l’approvisionnement du camp, des tonnes de nourriture sont déversées chaque jour dans le camp pour être distribuées. Quant à l’eau, elle est puisée dans le ruisseau en bas du terrain, par un camion-citerne.
Représentant un groupe nombreux, les Espagnols ont rapidement été mis au travail, ils ont servi de main d’œuvre dans le cadre des compagnies de travailleurs étrangers (CTE). Ils pouvaient être employés à la journée par des particuliers ou intégrés pour des missions plus longues dans des entreprises. De ce fait, leur autonomie était conditionnée par l’obtention d’un travail ; ils ne pouvaient quitter le camp à la journée seulement s’ils étaient employés.
Un camp mis au service de la France en guerre
Dès 1940, les Espagnols quittent le camp au compte goûte, pour laisser place aux Polonais dans le cadre de la Seconde Guerre mondiale (mars 1940). Le camp devient alors un Dépôt de formation des Régiments de Marche Volontaires Étrangers ; 800 aviateurs de l’armée arrivent au camp pour s’entraîner.
Dans ce camp, les différentes nationalités qui y sont représentées se côtoient et ne sont pas cloisonnées dans des parties du camp spécifiques. En effet des rencontres sportives ont lieu par exemple entre les Espagnols et les autres internés.
Un camp vichyste
L’année 1940 est une date emblématique dans l’histoire de la France, puisqu’elle correspond à l’avènement du régime dictatorial de Vichy avec à sa tête, le maréchal Pétain et à l’occupation d’une partie du pays par les troupes allemandes.
Après l’armistice-franco-allemande, les autorités militaires utilisent le camp comme centre de démobilisation pour :
-Les engagés volontaire étrangers (Juifs, réfugiés, Allemands, Belges, Autrichiens, Espagnols)
-Le reliquat de bataillons d’infanterie légère d’Afrique et de la légion étrangère
-Les militaires français communistes ou syndicalistes.
Conscients de la main d’œuvre que représentent les internés, les autorités font évoluer les CTE vers des GTE (groupement de travailleurs étrangers) qui fonctionnent comme des organisations militaires : rassemblement le matin, extinction des feux, quartiers libres etc.
En janvier 1941, le camp change de tutelle et est désormais placé sous l’autorité du ministère de l’Intérieur et du ministère du Travail et de la Production industrielle. Il devient, dès lors, un camp double. Il comprend d’une part un centre d’internement pour étrangers et d’autre part, une partie pour les groupements étrangers.
Deux ans après l’ouverture du camp, les conditions de vie restent toujours précaires pour la quasi-totalité des détenus hormis quelques privilégiés. Ils sont toujours entassés dans des petites baraques, en proie quotidiennement à la maladie. La toilette s’effectue dans un seul bâtiment, à la vue de tout le monde.
Au fil de l’année 1941, le camp n’arrête pas de brasser différentes populations, venant d’horizons différents. Il va, dès avril 1941, accueillir des étrangers en surnombre dans l’économie nationale de l’ordre de 2 500 personnes ; les officiers des armées ex-alliées (Polonais/Belges) et les communistes arrêtés en Tarn-et-Garonne.
Dès mai 1941, le camp va subir ses premiers épisodes de dissolution, les internés devront aller dans d’autre camps. La deuxième sera effective en juin 1942, le camp sera alors fermé définitivement et remplacé par un îlot de sûreté, rassemblant une centaine d’hommes dangereux.
Un camp de transit dans le cadre de la solution finale
En 1942, le camp de Judes devient une étape incontournable dans le processus de la Solution finale puisqu’en juillet, Laval propose l’évacuation des familles juives étrangères de la zone occupée. On compte deux déportations, l’une de 84 hommes du Groupe 302, l’autre de 211 Juifs raflés dans le Lot, ces convois vont vers Drancy puis vers les camps de la mort.
En mars 1943, le camp sert de lieu de rassemblement des étrangers astreint au travail obligatoire dans les chantiers de l’organisation TODT.
En février 1944, il subit une attaque par des maquisards, mais le camp n’est cependant pas libéré. Entre août 1944 et mai 1945, le camp devient un camp provisoire du gouvernement, puisqu’en effet, à partir du 19 août 1944, la Résistance prend le contrôle du camp qui va devenir le lieu de détention de 500 personnes accusées de collaboration.
Par la suite on va assister à l’instauration du gouvernement provisoire de la République française présidé par De Gaulle.
Fermeture du camp et création de lieux de mémoire
Quelques mois plus tard, en mai 1945, le camp est fermé et démonté, les baraques sont vendues et les archives brûlées. La même année, la famille Guérin achète le champ. les membres de la famille vivent ensemble dans l’un des bâtiments à l’entrée. Quelques années plus tard, le champ est recouvert de ronces et il n’est dorénavant plus un sujet concret de discussion dans le village.
Entre 1970 et 2017, le camp devient un lieu de mémoire avec la décision d’un lieu de souvenir. On va décider de quatre secteurs présents à Septfonds aujourd’hui, qui sont : le cimetière espagnol, la stèle érigée en mémoire des juifs, l’oratoire polonais et le mémorial du camp.
Cependant, les lieux de mémoires sont compromis par un projet récent qui consiste en l’extension de la porcherie du propriétaire des terres, sur lesquelles étaient le camp.
En 2017 s’ouvre la Maison des Mémoires dans le village de Septfonds ; à la Mounière plus précisément, afin que l’histoire de ce camp ne soit pas oubliée et qu’elle soit sans cesse racontée aux futures générations afin que l’histoire ne se répète pas une seconde fois.
Mémoire de Sylvain Zorzin
Étudiants : Léa SALLES, Nicolas AYMARD, Maïlys BERNAT