Qui suis-je ?
Bonjour à vous cher visiteur.
Je m’appelle Maksymilian Slowikowski. Je suis né le 23 septembre 1892 à Varsovie, et je suis décédé le 16 mai 1985 à Septfonds. Je suis marié à Eliska Kaminski, depuis 1940. Nous avons eu 2 filles, Alina en 1942 et Martyna en 1943. Je suis un officier de l’Armée de l’Empire austro-hongrois, puis de la Pologne indépendante à partir de 1918 (Suite à la Première Guerre mondiale, elle obtient son indépendance à partir du traité de Versailles, signé le 28 juin 1919). De confession catholique, je suis profondément attaché à mes racines de la noblesse polonaise.
Mes parents sont Henryk Slowikowski et Wislawa Penderecki. J’avais un frère, Stanislaw Slowikowski, né en 1895 et décédé le 25 septembre 1939 à Varsovie lors de la campagne de Pologne.
Ma vie dans le pays d’origine (1898-1939)
En 1911, je suis entré à l’école Wojskowa Akademia Techniczna im. Jarosława Dąbrowskiego, qui dans votre langue pourrait se traduire par l’Université militaire des Technologie de Warsaw, afin de devenir officier de carrière. Après trois années de travail acharné, je finissais ma formation en 1914, avec le grade de Lieutenant. J’avais 22 ans à l’époque.
Pendant, la première Guerre mondiale, je me suis battu pour le compte de l’Empire austro-hongrois sur le front de l’Est, contre les Russes. Suite au retrait de la Russie de la guerre en 1917 à cause des deux Révolutions communistes de février 1917 et d’octobre 1917. En outre, j’ai été transféré pendant la dernière année de guerre sur le front italien. Suite à ce Premier conflit mondial, j’ai été promu capitaine en 1919, et à la fin de la guerre russo-polonaise de 1919 à 1921, j’ai reçu le grade de commandant.
Avec les progrès croissants de la technologie, l’aviation s’est développée et l’on me proposa d’entrer dans l’Armée de l’Air en 1926. Je reçus diverses promotions, jusqu’à obtenir le grade de général de brigade aérienne à la veille du second conflit mondial.
La Deuxième Guerre mondiale en Pologne
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, l’Allemagne nous envahit sans déclaration de guerre le 1er septembre 1939. Cette guerre a été rapide. Nous nous sommes battus comme on le pouvait, nous avons été courageux et avons combattu férocement. Mais nous étions en sous nombre, mal équipés. L’attaque surprise de l’armée soviétique nous prit au dépourvu. En moins de 27 jours, les troupes de la Wehrmacht, armée de terre allemande, occupaient notre capitale, et en seulement un mois notre pays était occupé par les Allemands à l’Ouest et les Russes à l’Est. Notre pays était partagé sans avoir reçu d’aide extérieure des autres pays. Ce fut un épisode de ma vie très douloureux. Le 6 octobre 1939, notre pays capitulait. C’était à ce moment que j’ai pris la décision de m’exiler.
Exil et installation en France (10/10/1939 – 1940)
La décision de l’exil se prit en accord avec ma femme le 10 octobre 1939. Elle devait finir de régler nos affaires en Pologne avant de me rejoindre. Grâce aux navires anglais, nous avions prévu de nous retrouver en France rapidement.
J’ai fait, en réalité, un périple d’un peu plus d’un mois et demi pour arriver en France. Ainsi, j’ai traversé seul la Roumanie, la Bulgarie et enfin la Grèce jusqu’à Athènes. De là, j’ai pu prendre un navire marchand à destination de Marseille en France où je suis arrivé le 18 novembre 1939.
Par la lecture de la presse, j’étais au courant que notre gouvernement avait trouvé refuge en France, et qu’une Armée Polonaise sur le sol de cette dernière se reformait. Ce gouvernement provisoire déclara le maintien de la République et s’installa à Paris, puis à Angers dès le 22 novembre 1939. Dès mon arrivée, je me suis dirigé vers le lieu de stationnement de mes camarades militaires : le camp de Coetquidan. J’atteins le dit-lieu trois jours après
mon arrivée dans ce pays. J’ai pu reprendre mon grade dans notre nouvelle armée, et je fus très heureux de retrouver quelques têtes familières, dont certains de mes officiers qui avaient pu s’enfuir et s’exiler en France. Nos troupes ont participé à la bataille de France de mai à juin 1940. C’est dans le cadre de cette alliance militaire avec la France en guerre que j’ai été envoyé au camp de Septfonds dans le Tarn-et–Garonne, en mars 1940, afin de suivre une formation complémentaire d’« aviateur ». Je me rappelle que nous sommes arrivés à la gare de Caussade. Les gens y étaient très accueillants et nous ont bien reçus.
Pendant trois mois, nous avons été 800 Polonais à occuper une partie du camps. Nous avons été formés à tout ce qui touchait à l’aviation selon nos spécialités respectives (ingénieur, mécanicien, radios, officiers, aviateurs). A ce moment-là, j’ai pris conscience de notre retard technologique dans l’aviation elle-même et dans les techniques de combat dites « modernes ».
Ce premier passage a Septfonds a été une vraie bouffée d’air frais dans cette période de tempête. Ma femme et nos deux filles ont pu nous rejoindre, logeant dans une petite maison du village. Nos filles ont pu apprendre le français dans les cours qui étaient dispensés au Refuge. C’était un lieu d’accueil des familles des internés espagnols du camp. Cet édifice, ancienne chapellerie de Fortuné Cantecor, petit-fils de Pétronille Cantecor, est communément appelé « Le Refuge ». Un bureau de bienfaisance assistait les femmes et des cours étaient données aux enfants. C’est ce dernier qui avait pu entrer en contact avec ma femme, et pour qu’elle puisse arriver jusqu’au village.
Nous avions une vie en communauté relativement agréable. On pouvait jouer au football avec les quelques Espagnols encore présents dans le camp. C’est que le camp avait d’abord été mis en place pour eux et leur présence massive (ils ont été 16 000 en tout), a forcément marqué le camp et le village. Catholiques, nous avons tous eu des relations fortes avec l’église et la paroisse Le prêtre du village nous a accueillis. avec bienveillance. Notre orchestre militaire jouait même régulièrement lors des messes que la communauté polonaise fréquentait avec beaucoup de ferveur. Avec mes camarades, on pouvait aussi se retrouver au bistrot, puisque nous étions libres de nous promener dans le village et dans la campagnes avoisinantes. Ceci, nous rendait souvent nostalgiques de notre terre…
J’ai été ensuite envoyé en mai 1940 à Lyon-Bron, où un CIC (Centre d’Instruction de la Chasse) fut créé. Avec 138 autres pilotes, nous avons pu nous perfectionner, et participer à quelques opérations lors de la bataille de France. Nous avons été tenus au courant que notre gouvernement s’était exilé à Londres le 12 juin 1940, avec 20 000 des nôtres. Deux jours plus tard, nous avions compris pourquoi : la France était battue. Ainsi, le 17 juin 1940, Pétain formait un gouvernement et demandait à signer l’armistice avec l’Allemagne nazie qui avait écrasé la Pologne. Ce fut un terrible choc.
Accompagnés cette fois-ci, nous avons tenté de rejoindre un port de la façade atlantique pour partir au Royaume-Uni. Mais nous avons échoué, les Allemands ont occupé très rapidement le territoire.
La Seconde Guerre mondiale : défaite de la France (22/06/1940 – mars 1941)
Du 10 au 12 juillet 1940, le régime de Vichy a fait voter les pleins pouvoirs à Pétain, mettant fin à la IIIe République en la remplaçant par une dictature. De Juin 1940 à mars 1941, j’ai donc été emprisonné avec d’autres Polonais qui n’avaient pas pu, eux non plus, s’enfuir au Royaume-Uni. Ironiquement, nous avons été cantonnés à notre ancien camp de Coëtquidan.
Deuxième passage à Septfonds (avril 1941 – août 1941)
Dès avril 1941, un Centre spécial pour les officiers des armées ex-alliées est basé à Setpfonds. J’y étais transféré à partir de juin 1941. Notre bateau, la Bouline, qui nous emmenait vers Gibraltar avait en effet été arrêté. Après un mois à la Maison d’arrêt d’Aix-en-Provence, mes compatriotes et moi-même avons été condamnés et transférés dans des
camps. Ironiquement encore, c’est au camp de Judes, à Septfonds qu’on nous a envoyés, pour la deuxième fois mais avec un statut bien différent. Nous avons été six à aller à Judes, et huit autres nous ont rejoints. Ils avaient été arrêtés en Tunisie. Au total, nous avons été 20 hommes et 1 femme à être détenus.
Pour décrire notre vie durant le printemps et l’été 1941, nous pouvons la qualifier d’une longue attente angoissante, à l’inverse du premier passage à Septfonds. Il y a avait d’autres Polonais à Septfonds, des Juifs, mais nous ne les fréquentions pas. On restait entre militaires polonais et belges. J’étais très inquiet du sort de mon pays, et du sort de ma famille. C’est à partir de ce moment-là, que je pensais à m’engager dans la Résistance. Le soutien du curé du village et ma foi n’ont fait qu’appuyer mes réflexions lors de ces longs mois. J’étais pourtant chanceux car ma femme et mes filles étaient restées à Septfonds et je pouvais donc les voir.
Durant toute cette période nous avons été soutenus par la Croix-Rouge polonaise et par des offices polonais proches. Le 29 juillet 1941, c’était la présidente de l’Association des Amis de la Pologne, Rosa Bailly, qui nous suggéra de construire, avant notre départ imminent, un petit oratoire, dans lequel, nous avons déposé des documents. La chapelle votive est dédiée à Notre Dame-de Czestochowa. Le sanctuaire polonais de Jasna Gora, situé à Czestochowa, doit sa renommée à la présence de l’icône de la Sainte Vierge, qui selon la tradition aurait été peinte par l’évangéliste Luc sur la planche de la table sur laquelle priait et mangeait la nourriture de la Sainte Famille.
Enfin, sur intervention de la Croix-Rouge polonaise et de l’office polonais de Toulouse, nous avons pu être libérés le 1er août 1941 sur délivrance des certificats d’identité.
La Résistance (1941 – 1944)
De fin 1941 à octobre 1944, j’avais pris la décision ferme de rejoindre la Résistance française. En quittant Septfonds, j’ai pu réussir à passer dans la clandestinité et à rejoindre les rangs de la Résistance. J’ai dû me séparer de ma famille pendant trois longues années.
Reprise des combats et Fin de la Guerre
J’ai pu rejoindre les forces combattantes avec l’Armée Polonaise débarquée en Provence, commandée par mon compatriote le Général Anders. J’ai continué les combats jusqu’à la reddition de l’Allemagne.
Après-guerre, je ne suis pas rentré en Pologne, désormais aux mains des communistes. C’était trop risqué pour nos vies et je ne pouvais pas vivre dans un régime tel qu’il s’est mis en place. Ça a été une décision très dure. J’ai dû accepter que la Pologne que j’avais connue avait disparu. Entre mai 1945 et 1979, je me suis donc installé en France avec Eliska et nos deux filles.
Le 8 mai 1995, j’ai assisté en compagnie de mes proches à la Cérémonie en l’honneur de la Pologne à Setpfonds. Nous avons pu célébrer une messe, lire deux documents que nous avions laissé dans l’oratoire, retrouvés lors de sa restauration. L’émotion a été très forte. Enfin, le maire nous avait rendu hommage, nous, tous les internés du camp, mais particulièrement un hommage à la Pologne combattante, aux Polonais internés, soldats de l’Armée de l’Air de 1940 et les officiers internés l’année d’après, en 1941. J’ai pu constater la présence de l’ancien président de l’Association des anciens combattants polonais en France, un vieux camarade que je n’avais pas vu depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Etudiant : TAPPREST JORDAN