UN POLONAIS DE CONFESSION JUIVE « JACOB »

Etudiantes : Elsa MAILLÉ et Naoko SAVIDES-CALMETTES

 

 

Vie en Pologne

Jacob Slowinski est un Polonais de confession juive né le 17 juillet 1903. Il vit avec sa mère qui est couturière, son frère et ses sœurs à Varsovie, dans un quartier populaire à majorité juive, ce qui implique une vie repliée sur la communauté. Sa langue est le yiddish et il étudie dans les écoles juives. Il commence à travailler très jeune pour subvenir aux besoins de sa famille (le père étant mort). Il est employé dans une menuiserie dès l’âge de 14 ans, en 1917.

Carte de la Pologne après la Première Guerre mondiale.

En Pologne la Seconde République est instaurée dès la fin de la Première Guerre mondiale. Toutefois, elle est mise à mal par de nombreuses crises d’ordre social et économique, notamment des vagues de violences à l’encontre des Juifs qui représentent environ 10 % de la population. En novembre 1918, Jacob et sa famille se retrouvent ainsi à la rue à la suite à un pogrom. L’insalubrité de la situation dans laquelle ils se retrouvent, entraîne la mort de ses deux sœurs. Le coup d’État de Pilsudski en 1926 améliore légèrement la situation des Juifs.

Jozef Pilsudski, président de Pologne de 1918 à 1922, puis il revient au pouvoir après son coup d’État en 1926. (lieu de conservation inconnu)

 

Mais la crise économique des années 1930 accroît les tensions. Nombreux sont les Polonais qui partent vers la France, d’autant que les deux pays ont signé des accords prévoyant l’envoi de main d’œuvre vers l’hexagone et notamment dans le Nord. La situation des Juifs en Pologne n’est pas enviable, et en 1931, le pays compte plus de 1 million de chômeurs de confession juive, parmi lesquels la mère de Jacob qui perd son travail.

Après le décès de Pilsudski (1935), l’antisémitisme augmente de plus en plus en Pologne. Jacob est licencié en 1935. C’est alors qu’il décide de partir pour la France, seul, faute de moyens suffisants et de certitudes pour partir avec sa famille.

Le « rêve français »

Il arrive dans le Nord-Pas-de-Calais et trouve un travail peu payé dans une mine de charbon, à Lens en juin 1935. Il habite dans une des cités ouvrières de la ville et a des relations amicales avec les autres mineurs. En arrivant en France, il ne parle pas français, ce qui complique son intégration. Les Polonais présents ne sont pas forcément juifs et donc ne parlent pas le yiddish. Petit à petit, il arrive à apprendre la langue et à nouer des liens avec des gens de la même condition sociale que lui.

En septembre 1939, la Pologne est envahie par l’Allemagne et Varsovie tombe. Jacob est effondré par cette nouvelle. La guerre qui s’ensuit l’inquiète énormément. En Mai 1940, la Belgique capitule face à l’Allemagne ; les étrangers de confession juive installés dans le nord de la France prennent peur et décident de s’enfuir vers le sud. Le 2 Juin 1940, Jacob décide de partir pour Paris où il trouve refuge quelques jours au Pletzl, un quartier juif situé dans le 4° arrondissement. Là, il demande des nouvelles de sa famille restée à Varsovie. Il apprend que sa mère vit dans le ghetto de Varsovie et que les conditions de vie y sont très dures.

Le Pletzl, quartier juif de Paris durant la Seconde Guerre mondiale. (coll. privée)

La désillusion

Avec l’invasion allemande, craignant pour sa vie, il part pour Montauban le 8 Juin 1940. Le 11 Juillet 1940, le gouvernement de Vichy est officiellement créé avec Pétain à sa tête. En septembre, une ordonnance oblige les Juifs à se faire recenser. Comme de nombreux coreligionnaires, Jacob s’y rend le 10 Octobre et sa carte d’identité comprend la mention « Juif ». Sa vie à Montauban est difficile. A cause des lois anti-juives, autant que de l’antisémitisme, il a du mal à trouver un emploi stable. Il habite dans une chambre en périphérie de la ville dans des conditions précaires.

Carte d’identité portant la mention « Juif ». (conservée au mémorial de la Shoah)

Au printemps 1942, les Juifs étrangers sont assignés à résidence. Jacob est assigné dans une maison avec d’autres Juifs à Caussade. Il a peu de ressources et sera donc parmi les premiers à être interné car les personnes sans moyen financier sont les premières arrêtées.

L’internement

Jacob arrive à Septfonds en mai 1942. Il sera assigné au 302 Groupement de Travailleurs Étrangers (GTE), qui comprend majoritairement des Juifs et quelques Espagnols. Il effectue des travaux d’entretiens et de jardinage à l’intérieur du camp. Le travail est dur. En dehors des heures de travail, les Travailleurs Étrangers ont la possibilité de sortir dans les limites de la commune de Septfonds.

Camp d’internement de Septfonds. (coll. privée)

Jacob a très peur quand il voit débarquer au camp, à plusieurs reprises, les délégués allemands de l’organisation Todt, en uniforme, qui viennent choisir des travailleurs. Les départs ne cessent plus.

Dans le camp, les gardes sont tyranniques, l’hygiène est précaire, les rats et la vermine pullulent, les latrines sont extérieures. Les repas sont composés de topinambours, de raves et de féculents. Jacob a des relations avec les Juifs polonais qui parlent de yiddish, ou alors il communique en français, notamment avec Isaac Kittosser, un photographe.Mémorial de la Shoah/coll. Allaux

Dans la nuit du 24 août 1942, Jacob voit arriver à Septfonds des coreligionnaires. Il apprend que des rafles de juifs ont eu lieu dans tout le département du Tarn-et Garonne et dans le Lot (qui n’a pas de camp). Il voit aussi des femmes et des enfants qui arrivent à Septfonds. Il les côtoie pendant quelques jours.

Dans la nuit du 2 au 3 Septembre 1942, Jacob ainsi que 210 Juifs partent en train pour Drancy, un camp de transit. De là, il sera envoyé à Auschwitz par le convoi n°27 où il sera gazé.

Bibliographie :

Beauvois D., Histoire de la Pologne, Luçon, Hatier, 1995.

Benbassa E., Histoire des Juifs de France, Paris, 1997.

Kaspi A., Schor R. et Piétri N., Chronologie commentée de la Seconde Guerre Mondiale, Paris, Perrin, 2010.

Ponty J., Les Polonais du Nord ou la mémoire des corons, France, Editions Autrement, 1995.

Cabanel P. (dir.) et Fijalkow J. (dir.), Histoire régionale de la Shoah en France, Paris, Les Éditions de Paris, 2011.

Berthes C., L’exil et les barbelés (essai), Paris, Éditions Riveneuve, 2011.

Délégués à la mémoire Combattante des Services Départementaux. Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre : « Août 1994 : la liberté retrouvée ». La libération de Midi-Pyrénées, 2004.

Sites web de référence

http://www.histoire-immigration.fr/dossiers-thematiques/caracteristiques-migratoires-selon-les-pays-d-origine/la-retirada-ou-l-exil

http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/camp-dinternement-de-septfonds

http://www.ajpn.org/internement-Camp-de-Judes-de-Septfonds-234.html