Suzanne a 22 ans. Elle travaille au café du village de Septfonds. En 1939, dans la salle du café, elle se retrouve au cœur de l’histoire européenne et notamment des déplacements de population. Lieu de rencontre et de discussion, le café est un centre d’échanges autour du camp de Judes, installé dans le village. C’est là qu’on prend connaissance des nouvelles, en lisant les journaux, comme La Dépêche.
Début 1939 : L’arrivée des réfugiés espagnols
A Septfonds, Suzanne connaît tout le monde. Elle est très impliquée dans la vie du village et de sa paroisse. Elle se rend, le 26 février 1939, avec les autres villageois à une réunion organisée par la préfecture. Les autorités tentent de rassurer la population au sujet de la construction du camp de Judes (près de Septfonds). Elles insistent sur les retombées économiques que peut espérer le village.
Au café, Suzanne est témoin, au jour le jour, des réactions des habitants. Elle entend parler des moindres évènements qui filtrent du camp. Cela commence dès l’arrivée au village des nombreux gardes affectés à la surveillance du camp (Gardes Mobiles Républicains, escadron de cavalerie ou encore tirailleurs sénégalais). Certains clients sont inquiets, voire hostiles, et d’autres sont plutôt soulagés et rassurés. Les commerçants, comme le patron de Suzanne, sont contents car tous, les ouvriers et les nombreux gardes qui logent au camp ou au village, consomment.
L’après-midi du 5 mars 1939, Suzanne voit le premier convoi de réfugiés traverser le village de Septfonds pour se rendre au camp. Ils arrivent escortés par des soldats français. Très vite, un regroupement de villageois se fait autour d’eux et des questions fusent : « pourquoi sont-ils autant surveillés ? », « est-ce qu’ils ont fait quelque chose de mal ? ». Néanmoins, c’est le seul convoi qui est passé dans le village.
Des compagnies de travailleurs étrangers sont créées au camps (CTE). Au café, Suzanne entend toutes sortes d’histoires : une chapelière ayant engagé un réfugié pour l’aider, un enfant accueillant un réfugié dans sa famille afin d’aider sa mère dans les travaux de la ferme.
Les discussions vont bon train au sujet des communistes espagnols. De nombreux habitants en ont peur tandis que d’autres les soutiennent pour avoir combattu le fascisme.
Suzanne entend l’abbé du village parler des conditions de vie des réfugiés : les baraques, du froid, de la maladie (une épidémie de typhus se déclare au printemps 1939), de la mort… Elle sait que le camp n’était pas prêt lorsque les réfugiés espagnols sont arrivés le 5 mars 1939.
Dans le village, il y a de nombreux lieux construits ou réquisitionnés afin de loger les réfugiés ou encore afin de les soigner (L’hôpital et plus tard, en 1940, Le Refuge qui accueillera quelques familles d’internés espagnols du camp). Les habitants apprennent doucement à vivre avec les Espagnols.
Pour le 150e anniversaire de la Révolution française, les Espagnols du camp ont transformé le camp. Le jour venu, Suzanne qui ne travaille pas au café ce jour-là, son mari et beaucoup des habitants du village se rendent au camp avec curiosité. Le Préfet vient aussi. Cet événement change un peu le point de vue des habitants hostiles.
Le début de la Seconde Guerre mondiale
En septembre 1939, les hommes du village sont mobilisés. Au café, on parle de l’invasion de la Pologne. Suzanne raconte aux clients que son mari et son frère sont partis au front.
Depuis le printemps 1939, Suzanne entend que de nombreux Espagnols sortent du camp. Ils s’enrôlent dans l’armée, retournent dans leur pays ou partent travailler en tant qu’ouvriers.
De nouveaux étrangers arrivent au camp. Cette fois, il s’agit de Polonais. Le 15 mars 1940, le camp est devenu un camp militaire de l’armée polonaise en exil, alliée à la France. Une petite fille raconte à Suzanne avec émerveillement le jour où elle a vu les soldats polonais marcher au pas dans le village. Ces Polonais viennent aussi à la messe et Suzanne ne tarde pas à les voir au café. Ils sont aussi effondrés qu’elle quand on apprend, le 14 juin, la prise de Paris et la Débâcle.
Juillet 1940 – août 1942 : Le régime de Vichy et ses changements
Au café, on parle des nouvelles arrivées au camp : des militaires français présumés communistes ou syndicalistes.
Le 11 juillet 1940, le maréchal Pétain prend la tête de l’État et le gouvernement s’installe à Vichy. Certains hommes rentrent vite. Au café, elle entend des chuchotements et devine que certains ne s’accommodent pas du nouveau régime, n’acceptent pas la défaite. Elle entend des clients qui parlent à mi-voix des nouvelles qu’ils entendent à radio-Londres.
En octobre 1940, la radio est allumée au café et les villageois entendent le maréchal Pétain annoncer la collaboration avec l’Allemagne. Une fois de plus, ce sujet alimente les discussions. Même si Suzanne entend des protestations contre la victoire de l’Allemagne, les gens sont plutôt favorables au Maréchal. Elle ne comprend pas bien ce que ça veut dire que « c’en est fini de la IIIe République ». Suzanne entend parler des lois contre les Juifs.
Les changements d’affectations du camp rythment les discussions du café. Le 26 août 1942, un jeune homme apprend à Suzanne qu’il y a eu une grande rafle de Juifs dans le département et qu’ils sont parqués au camp de Judes en attendant leur départ pour Drancy. Elle est choquée par ces rafles, surtout lorsqu’elle apprend qu’elles concernent également les enfants. Le 30 août, à l’église, l’abbé lit une lettre de l’évêque de Montauban qui proteste contre le traitement fait aux Juifs.
1942 – 1944 : Les Allemands à Septfonds
Le 11 novembre 1942, la zone « libre » est occupée par les Allemands. Suzanne croise un enfant dans le village qui les a vu arriver avec leurs chars et leurs camions . Il dit aussi que, certains soirs, il entend les bombardiers passer dans le ciel et il s’imagine avec terreur les bombes qui tombent. En lisant les journaux, elle apprend que c’en est fini de cette zone « libre » et qu’il va falloir apprendre à vivre avec les Allemands. Un couvre-feu est rapidement mis en place au village mais les habitants ne collaborent pas tout de suite, le maire passe en voiture dans le village afin de demander la coopération de tous. Certains Allemands sont hébergés au village même.
En février 1943, Suzanne entend beaucoup parler du Service du Travail obligatoire . Les travailleurs français sont envoyés vers l’Allemagne et beaucoup préfèrent se cacher pour y échapper.
Elle entend parler des gens de la Résistance sur le plateau de Caussade. Notamment un Espagnol qui est sorti du camp et qui s’est engagé dans la Résistance.
En Septembre 1943, le camp de Judes devient un Centre d’internement des femmes juives étrangères et sans ressources avec leurs enfants. Une jeune femme raconte qu’elle a vu plusieurs femmes juives venant de Paris. Peu à peu la crainte et le doute s’installent au village.
Durant l’hiver 1943, Suzanne est de plus en plus tendue quand les hommes de la Milice entrent dans le café, pour la plupart, ce sont des anciens camarades d’écoles. Comme ils savent qu’elle entend beaucoup de choses, ils n’arrêtent pas de lui poser des questions, avec insistance. Ils lui font peur.
1944 – 1945 : La Libération
Durant la nuit du 21 au 22 Février 1944, Suzanne apprend que la Résistance a attaqué le camp de Judes et a pris beaucoup de choses, mais n’a pas libéré les internés.
Le 6 juin 1944, les troupes alliées débarquent en Normandie et le 15 août en Provence en vue de la libération de la France. Un sentiment de joie et d’espoir règne au village.
Le 19 août, les Allemands se retirent de Caussade et la Résistance prend le contrôle du camp. Des villageois des environs ont été arrêtés par l’État-major de la Résistance et enfermés à Septfonds.
Le 8 mai 1945, Suzanne fête la Libération et l’armistice avec les clients du café. L’heure est à la fête. Le camp de Judes est fermé et démonté courant Mai 1945, Suzanne et les villageois ne s’en préoccupent guère.
L’après guerre :
Suzanne et son mari attendent un enfant, la vie a repris son cours normal. Certains réfugiés espagnols sont devenus des habitants du village et de ses environs. Ils se sont installés là et ont fondé une famille.
Étudiantes et étudiant : VERDEIL Aurélie, BILLECOCQ Luna, DJERMINE Ryan