Vabre la vallée des Justes

« Le Juste est un non-juif qui craint Dieu comme les juifs le craignent »

 

     A l’origine, le terme de Juste est religieux, se rapportant à tout homme non-juif craignant Dieu comme les juifs le craignent. Par la suite, il s’étend aux non-juifs qui ont sauvé ou aidé un juif sans contrepartie, et parfois au péril de leur vie, durant la Seconde Guerre mondiale. En 1953, c’est un titre honorifique décerné par l’Etat d’Israël à ceux qui ont sauvé des juifs durant la guerre. Ainsi, certaines personnes ou même des villages entiers ont pu se voir attribuer le titre de « Juste entre les nations ». C’est le cas de Vabre, un petit village peuplé d’un peu plus de 1800 habitants en 1936, il se situe dans la région du Sidobre, au cœur de la montagne noire, dans le sud-est du Tarn. C’est un village enclavé, entouré de forêts, au fond de la vallée du Gijou, du nom du ruisseau qui la traverse. En 2015, Vabre a obtenu le titre de « village des justes ». Il a, en effet, accueilli des juifs durant la période de l’occupation. Ils ont tous survécu et tous les habitants ont œuvré en leur faveur, ce qui est plutôt rare. Le 3 septembre 1939, la guerre entre la France et l’Allemagne est déclarée. Après la période de la “drôle de guerre” où aucune offensive n’est menée, l’Allemagne met en place sa “guerre éclair” et la France est forcée de capituler le 22 juin 1940. Dès lors, une partie de son territoire est occupée et le régime de Vichy collabore avec le régime nazi. Il s’aligne sur sa politique antisémite et fait du zèle au niveau des rafles. Cet état de fait pousse à l’exil de nombreux

La région 4 (R4) et le Tarn en France
source: maquisdevabre.fr

 juifs. Dès 1933 et la montée du régime nazi, des juifs allemands avaient déjà émigré mais lorsque la partie nord du territoire français est occupée, nombreux sont ceux qui passent la ligne de démarcation pour se cacher dans la zone libre, souvent à la campagne, comme dans le village rural de Vabre qui aurait caché 79 juifs officiellement, bien que dans la pratique ce nombre soit plus élevé. Mais comment Vabre a-t-il pu acquérir ce statut de village des justes ? A-t-il eu un lieu avec la résistance locale ? Qui étaient les juifs accueillis et comment ont-ils été protégés par les habitants ?

 

 

   Un territoire historiquement résistant

Chemin de fer et routes menant à Vabre, Photo d’une carte postale de Vabre 1943  ©

     Le village a, en effet, été le refuge de plusieurs peuples au cours de son histoire. Les cathares lors de la croisade des albigeois, les camisards, les protestants, les espagnols lors de la Retirada et enfin, les juifs. Lorsque les persécutions contre ces derniers ont commencé, les habitants du village qui possédaient une mentalité de résistants ont secouru et aidé les juifs. Ces actions leur paraissaient naturelles. Mais cette résistance a aussi été facilitée par la localisation du village dans une zone rurale. Le village était relié uniquement à la plaine par une route étroite et une petite voie ferrée, ce qui permettait de limiter les déplacements vers le village. Un autre élément explicatif tient à l’activité économique du village, tourné vers l’industrie du textile depuis le XVIIe siècle. Outre que celle-ci a permis de faire vivre de nombreuses familles: protestants, juifs et résistants ont ainsi été mis en contact. 

Le maquis de Vabre prend les armes

 

Le général de Gaulle au micro de la BBC le 18 Juin 1940, source: image d’archive INA

L’histoire de la résistance intérieure est indissociable de celle de la France libre. En effet, lorsque lgénéral de Gaulle, chef des Français libres, réfugié à Londres, appelle la résistance française lors de son fameux appel du 18 Juin, Vabre ne manque pas à l’appel. Les grands chefs de la resistance reçoivent la charge d’unifier tous les mouvements de la Résistance intérieure, sous l’égide de Londres puis d’Alger. La création du Conseil national de la Résistance est lancée par Jean Moulin, le 27 mai 1943, puis celle des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) par Jacques Bingen, le 1er février 1944. Cela marque les jalons essentiels de ce processus d’unification parfois difficile.

Le maquis de Vabre, quant à lui, a été progressivement formé dès 1943 par Guy de Rouville, alias “Pol Roux”. Les maquis vabrais ont rapidement été intégrés au réseau de la résistance intérieure française. Cependant, ils n’ont jamais fait partie des réseaux tels que Combat, Libération, ORA ou FTP. Leurs membres ont voulu conserver leur identité de combattant montagnard. Ils n’étaient donc pas seuls dans le combat contre les forces de l’Axe.

Lors de la phase armée du conflit face à l’occupation allemande,  des parachutages d’armes, de vivres et de matériel sont réguliers à Vabre. Le terrain de parachutage est appelé “Virgule”, et celui-ci succède au terrain Chenier (Lot). Le maquis est aussi aidé par les Américains, en effet la BBC annonce une après-midi, par cette phrase très connue « 15 amis vous diront ce soir que le chargeur n’a que 20 balles ». Ce message codé annonce à Guy de Rouville que la section PAT les rejoint (commando des forces spéciales américaines) et qu’ils seront parachutés dans la montagne noire pour aider les maquisards.

Le maquis juif

Le maquis juif a été progressivement constitué sous l’impulsion de personnalités locales. Mais tout cela a commencé avec l’aide des Éclaireurs israélites de France créés par Robert Gamzon. Par la suite, les éclaireurs unionistes (protestants) forment les éclaireurs israélites dans l’art de combattre en montagne en leur donnant des armes. L’intégration des juifs de Vabre a été impulsé par l’AS. Celle-ci est un regroupement de résistants français pendant la Seconde Guerre mondiale, créée en septembre 1942. Une de leurs actions les plus significatives a été l’intégration de jeunes filles juives, qui ont eu un rôle non négligeable dans l’organisation du maquis (confections d’uniformes ou de brassards).

Des actions armées sont également menées. Le 19 août 1944, les résistants juifs avaient su que la garnison allemande de Mazamet se repliait sur Castres.

Croquis de l’attaque du train à Mazamet (19-22 Août 1944), source: maquisdevabre.fr

Le commandant Hugues décide d’une embuscade Au matin, les 57 Allemands se rendent et les résistants ont plaisir à leur dire que ce sont des Juifs qui les ont vaincus. Ils sont fait prisonniers, à leur grand étonnement, s’attendant alors à être fusillés.

 

 

 

Les juifs de Vabre qui sont-ils ?

Camp des éclaireurs de la Jasse: accueil d’un groupe de jeunes filles juives, source: maquisdevabre.fr

Vabre étant un haut lieu de la résistance et de cache de juifs. Les réfugiés qui composaient ce village venaient d’horizon divers.

Nous avons tout d’abord, des réfugiés du nord ce sont des personnes ayant fui l’expansion du régime nazi en Europe. Ces fugitifs sont de plusieurs nationalités (française, allemande ,polonaise ,ou hongroise… ). De plus Vabre va accueillir temporairement le camp de l’étoile. Il s’agit d’un camp de scoutisme unioniste, qui pendant la seconde Guerre Mondiale va héberger des jeunes filles juives pour les sauver. Par ailleurs, une grande partie des Juifs était des ouvriers car Vabre était une ville industrielle lors de la seconde Guerre mondiale. Elle va profiter des liens entretenus par ces activités pour transférer des ouvriers juifs à Vabre afin de les cacher. De plus, ils appartenaient à un mouvement clandestin regroupant les anciens mouvements juifs supprimés par le régime de Vichy. Les hommes de ce mouvement sont hébergés dans le village.

Les actes qui ont des faits des Vabrais des « Justes entre les nations »

Les principaux actes qui ont été permis aux Vabrais d’obtenir ce titre, sont dits « civils ». Cela signifie que la resistance s’effectue par des actions armées mais aussi se traduit par l’aide apportée aux résistants, par le partage d’informations ou encore la cache de Juifs. 

De plus, une des particularités de Vabre est le fait que de nombreux fonctionnaires de l’État ont participé à la résistance civile. 

Lieux principaux de la resistance civile de Vabre, le temple de Vabre et la gendarmerie en 1930. source: maquisdevabre.fr

Parmi ces fonctionnaires on pouvait par exemple retrouver des gendarmes. Ceux-ci tenaient un rôle important dans la protection des juifs de Vabre. D’une part en collaborant avec la population, puis en participant à la résistance en leur livrant des informations capitales.  De même que le maire de l’époque, de Vabre,  Pierre  Gourc, a également eu un rôle important puisqu’il fabriquait de fausses cartes d’identité. De plus il a demandé aux habitants d’héberger des juifs chez eux. Le chef de gare s’est impliqué dans le réseau du maquis en s’occupant  du réseau ferroviaire qui était l’unique accès à Vabre (le tortillard) reliant Vabre à Mazamet. Il prévenait les élus à l’avance dans le cas où le train transportait des Allemands. Nous pouvons en dire de même pour les personnes religieuses. Ces personnes vont aider les juifs à se cacher au sein du village en les accueillant dans leurs monastères. Et ils aidaient aussi les nouveaux réfugiés juifs à trouver un logement et du travail pour subvenir à leurs besoins.

Les raisons du choix des habitants de Vabre d’aider ces réfugiés juifs.

Tous les vabrais ont dû faire face à un dilemme personnel. En effet, participer aux actes de résistance ou héberger des juifs était risqué. Ces choix impliquent certains engagements, car une fois qu’on les a acceptés, on ne peut plus revenir en arrière, et il faut en assumer toutes les conséquences.  Ces décisions ont montré une réflexion complexe au sein de chaque individu. 

Mais ces choix ont été surtout pris en accord avec la foi de chacun: par des habitants de confession chrétienne qui agissaient pour être des “bons chrétiens”, et par des protestants qui menaient des actions en petits comités et entre eux (en rapport avec leur propre passé de minorité persécutée).

Etudiants : AUDOURENC Simon , BARTHES Andréa , RADAELLI Quentin, VANTAUX Victor