La trêve en Ukraine : une reconfiguration des rapports de force entre l’OTAN et la Russie ?

L’Ukraine est marquée par un conflit armé depuis 2014, suite à la révolution de l’Euromaïdan. Débutée en novembre 2013, la révolution de l’Euromaïdan visait à la destitution du président alors en place, le pro-russe Viktor Ianoukovytch, après que celui-ci a refusé de ratifier un traité visant à la conclusion d’un accord économique entre l’Union européenne et l’Ukraine. L’Euromaïdan provoque la destitution de Ianoukovytch en février 2014. Il est alors remplacé par Petro Porochenko, un homme politique européiste, atlantiste et pro-américain.
L’annexion de la Crimée par la Russie en mars 2014 suite à un référendum de la population Est-ukrainienne majoritairement russophone et russophile, l’envoi de troupes russes dans le Donbass, d’abord démentie par le Kremlin, et la constitution de deux républiques autonomes de Donetsk et de Lougansk, autour d’un projet d’une « Nouvelle Russie », provoque le conflit entre l’Ukraine et la Russie, bien qu’aucune déclaration de guerre ne soit pour autant entrée en vigueur. L’armée ukrainienne, bénéficiant d’un soutien logistique de l’Union européenne, notamment de la France et de l’Allemagne, et de l’OTAN, en particulier du Royaume-Uni, des États-Unis et du Canada, et appuyée de surcroît par des milices nationalistes ukrainiennes telles que le bataillon Azov, entreprend de combattre les séparatistes pro-russes de la région du Donbass et de Crimée inféodés aux deux nouvelles républiques indépendantes autoproclamées.

Volodymyr Zelensky, Trump et le tournant des relations ukrainiennes et américaines dans la configuration géopolitique régionale de l’Ukraine

L’élection de Volodymyr Zelensky en avril 2019 marque le retour d’un président plus favorable à des relations apaisées avec la Russie, sans qu’il ne s’agisse pour autant d’un russophile patenté tel que l’ancien président Ianoukovytch. A cela vient s’ajouter le caractère indécis de Trump quant à l’implication des États-Unis dans l’OTAN. Le président américain actuel adresse des signaux contradictoires à ses interlocuteurs européens et ukrainiens. Reprochant dans un premier temps à l’Allemagne et à la France de ne pas être assez impliqué dans l’alliance atlantique, Donald Trump avait laisser entendre qu’il envisagerait un retrait des États-Unis de l’OTAN.
Néanmoins, la récente déclaration d’Emmanuel Macron sur l’état de « mort cérébrale » de l’OTAN a suscité de vives critiques de Trump à son égard. Trump semble hésitant quant à la conduite à suivre, oscillant entre une politique isolationniste, qui constituait le credo de sa campagne présidentielle, et une politique euro-atlantiste, afin de rassurer ses alliés outre-Atlantique. Trump a affirmé récemment que la France était le pays qui nécessitait le plus le soutien de l’OTAN, arguant une éventuelle menace russe. Pour autant, Trump fait montre d’un détachement inattendu pour un président américain, vis-à-vis de la situation ukrainienne, préférant un statu quo entre L’Ukraine et l’Union européenne d’un côté et la Fédération de Russie de l’autre. Il s’agit pour Trump de se désengager de la scène géopolitique ukrainienne et européenne sans la délaisser complètement, préférant « déléguer » les responsabilités qui incombent à l’OTAN à ses membres européens et à l’Ukraine (qui n’est pour l’instant ni membre de l’Union européenne ni de l’OTAN) plutôt que d’intervenir directement, mettant ainsi en application le principe de subsidiarité.
L’Union européenne, en particulier l’Allemagne et la France, semblent plus que jamais les acteurs des négociations de paix russo-ukrainiennes, étant les principaux interlocuteurs et médiateurs entre les séparatistes pro-russes et le gouvernement ukrainien dirigé par Volodymyr Zelensky. Les négociations ont eu lieu récemment. L’armée ukrainienne a annoncé le 9 novembre 2019 le retrait de ses troupes, suivi dans cette démarche par les troupes paramilitaires séparatistes, des zones de combat.

Ukraine, Syrie, alliance russo-chinoise, déclin de l’OTAN : vers la confirmation d’un monde multipolaire ?

La situation ukrainienne est symptomatique des changements qui affectent la géopolitique globale, en particulier la géopolitique européenne. Les enjeux énergétiques liés à la présence d’hydrocarbures, notamment de pétrole, dans la Mer Noire, suscitent de nombreuses tensions. La construction d’un oléoduc russo-chinois traversant la Sibérie témoigne de la résolution de la Russie de maintenir ses relations avec la Chine, ses relations avec l’Europe étant marquées par des atermoiements. Néanmoins, l’apaisement de la crise ukrainienne, malgré tout marqué par une reprise des hostilités et des escarmouches entre séparatistes et troupes ukrainiennes, a vu un relatif retour à la normale de relations économiques entre l’Union européenne et la Fédération de Russie. Le Danemark a accepté la construction d’un oléoduc russe dans le cadre du projet Nord Stream 2 fin octobre 2019. Les négociations actuelles en faveur d’un statu quo en Ukraine, en lien avec le rôle croisant de la Russie et des ses alliés tels que la Chine dans le cadre des relations internationales, marque le retour à un monde multipolaire, qui constitue un nouveau paramètre depuis la fin du monde bipolaire caractéristique de la Guerre Froide. Ce paramètre vient également remettre en question l’hégémonie américaine dans le monde.

Nous pouvons dès lors subodorer un équilibre des forces entre d’un côté un axe Russo-chinois et un axe Américain. L’Europe étant une instance géopolitique d’équilibre entre ces deux axes, dont la porosité se fait sentir un peu plus chaque jour, eu égard aux relations houleuses que Trump entretient avec ses partenaires allemand et français. Le caractère indécis de la politique américaine, dont la récente crise turco-kurde constitue également un symptôme, est un paramètre important de ce nouvel équilibre qui semble se dessiner. L’axe russo-chinois n’est quant à lui que circonstanciel. Le monde ayant de plus en plus les yeux tournés vers le Pacifique en raison de ses ressources naturelles et des défis géopolitiques liant la Chine, le Japon, la Russie et les États-Unis dans cette zone géographique, rien ne permet d’assurer la pérennité de l’alliance russo-chinoise sur tous les théâtres géopolitiques.

Guillaume CHABANNE