Le synode sur l’Amazonie : un saut qualitatif théologique dans le domaine de l’œcuménisme

Entre le 6 et le 27 octobre 2019 s’est tenu le Synode sur l’Amazonie du Vatican. Ce synode avait pour but de rapprocher la curie romaine des communautés indigènes d’Amazonie, dans une perspective œcuménique. Il s’agissait de rappeler le rôle évangélisateur de l’Église catholique en adaptant le discours du Vatican aux principes de tolérance et de dialogue interreligieux dont se réclame l’Église catholique depuis le Concile Vatican II (1962-1965). Le Pape François a rappelé à l’occasion le rôle de l’écologie auquel l’Église et les dirigeants mondiaux se doivent d’être les garants, s’inscrivant ainsi dans la continuité de sa bulle intitulée Laudato Si (2015). Le contexte international marqué par un renouveau en matière d’écologie avec l’émergence de figures telles que Greta Thunberg, mais également par l’expropriation de plus en plus criante des communautés amérindiennes d’Amazonie par le gouvernement brésilien de Jair Bolosonaro, en vue d’exploiter la forêt amazonienne, constitue le cadre de ce synode.
Néanmoins, la tournure qu’ont pris les événements ont suscité une vive polémique au sein de la curie romaine, quant à la forme qu’a prise ce synode. En effet, le Pape François a accueilli au sein du Vatican, des processions païennes sur la base de prières et d’incantations en faveur des divinités amazoniennes, notamment Pachamama, la déesse-mère des peuples dont les émissaires étaient présents durant le synode.

Un synode sur fond d’écologie et de réhabilitation des peuples indigènes d’Amazonie et d’Amérique

Le synode sur l’Amazonie s’inscrit dans un contexte international marqué par une forme de renouveau écologiste. Ce renouveau se caractérise par une participation plus accrue de figures émergentes de la société civiles telles que la jeune Greta Thunberg, collégienne âgée d’une quinzaine d’années, qui a prononcé plusieurs discours enjoignant les dirigeants du monde à prendre des mesures nécessaires en vue de combattre le dérèglement climatique. Le choix de la divinité honorée au cours du synode n’est en cela pas anodin. En effet, Pachama est la déesse-Mère des communautés indiennes andines et amazoniennes. Elle constitue une allégorie de la Terre nourricière, figure maternelle récurrente dans les sociétés matriarcales. Bien que cette figure ne fasse pas partie de la théologie chrétienne, elle fut mise en exergue pendant la synode afin de rappeler la conciliation de l’écologie et du dialogue interculturel et interreligieux cher au Pape François. De surcroît, le Pape François, d’extraction argentine, a appelé à plusieurs reprises à la protection des peuples indigènes d’Amérique centrale et méridionale. Le récent synode réalise par conséquent une synthèse de ces deux problématiques qui lui sont chères. La protection des peuples amérindiens revêt une dimension écologique dans la mesure où la bulle Laudato Si mentionnait la Terre comme la « maison commune » des hommes et de leurs écosystèmes respectifs.

Le syncrétisme païen et chrétien : un saut qualitatif théologique qui suscite la polémique au sein de la communauté catholique…

Pour autant, le synode, bien qu’il fut accueilli avec bienveillance par les représentants des communautés indiennes qui y étaient conviées, fut loin de faire l’unanimité au sein de la communauté catholique dans le monde. Des catholiques non identifiés, dont on ignore s’il s’agit de laïcs ou de clercs, ont subtilisé les idoles à l’effigie de Pachamama pou les jeter dans le Tibre. Ces catholiques étaient désireux de conserver l’intégrité religieuse des lieux saints censés ne pas accueillir des représentations non chrétiennes. De surcroît, Pachamama est représentée sous les traits d’une femme nue et enceinte. Le parallèle avec la Vierge Marie, ayant enfanté le Christ, pouvait paraître équivoque et ambigu aux yeux des Catholiques les plus assidus. À cela vient s’ajouter la nudité, dont l’Église catholique n’est pas coutumière dans ses représentations iconographiques, et dont seuls Adam et Ève où le Christ enfant sont affublés, représentant l’innocence précédent le pêché originel, ou l’innocence christique.

… qui ne constitue pourtant pas la première forme de syncrétisme religieux qu’a tenté d’entreprendre l’Église catholique au cours de son histoire

Bien que le geste des catholiques ayant jeté les idoles amazoniennes dans le Tibre soit concevable d’un point de vue théologique, la présence desdites idoles est le fruit de contradictions qui ont émaillé la diffusion du Catholicisme au cours de son histoire. En effet, l’Église a souvent tenté de convertir les païens par un effet de syncrétisme, en christianisant les cultes anciens. Ainsi, Saint Georges est une christianisation du culte germanique de Sigurd/Sigfried, héros du panthéon germano-scandinave, dont le culte était prégnant au sein des légions romaines de la partie occidentale de l’Empire romain au IVe siècle de notre ère, parmi lesquelles figuraient de nombreux auxiliaires germaniques. Les festivités religieuses indo-européennes, la Toussaint (Samhain chez les Celtes), Noël (Iule chez les Germains, les Saturnales chez les Romains), Pâques (la célébration de Freyja, la déesse germanique de la fertilité), les feux de la Saint-Jean, célébraient les changements cycliques et cosmiques marqués par les solstices et les équinoxes. Il en va de même pour la fête des morts au Mexique, qui n’est autre qu’une christianisation d’un ancien culte des ancêtres aztèque.

Le caractère païen assumé du synode, loin des anciennes conversions au Christianisme

Néanmoins, là où autrefois l’Église catholique sanctifiait d’anciennes pratiques religieuses et sociales en les christianisant, le Vatican a opéré un véritable saut qualitatif en invitant à célébrer une divinité dont il reconnaissait le caractère païen. La Christianisation n’était donc pas achevée. Les dieux et héros païens d’autrefois étaient en effet affublés d’épithètes et de nom correspondant au calendrier chrétien. La tentative de dialogue amorcée par le Pape François a pu paraître aux yeux des Catholiques les plus assidus comme maladroite, là où d’autres y ont vu une preuve de « bonne foi » au sens purement moral et extra-chrétien du terme. Cet événement montre à quel point l’Église catholique est soucieuse de conserver sa place dans le dialogue interculturel et interreligieux mais également son positionnement de plus en plus indécis sur le choix de la conversion des non chrétiens, qui constitue pourtant sa première mission.

Guillaume CHABANNE