The Irishman ou la nouvelle stratégie de Netflix

Ce mercredi 27 novembre est sorti le dernier film de Martin Scorsese « The Irishman » sur la plateforme de streaming américaine Netflix.  

De gauche à droite : Jesse Plemons, Ray Romano, Robert De Niro et Al Pacino dans le film « The Irishman », du réalisateur Martin Scorsese. ©NETFLIX

Adaption du livre de Charles Brandt « J’ai tué Jimmy Hoffa » (I heard you paint houses), The Irishman a été lancé ce mercredi 27 novembre sur Netflix. Le thriller américain réunissant Robert de Niro, Joe Pesci et Al Pacino a enfin vu le jour, après douze années de travail. Ce long-métrage de plus de trois heures raconte l’histoire de Franck Sheeran, homme de main de Russell Bufalino et Jimmy Hoffa, et les exactions qu’il a commises pour le compte des deux hommes au cours de sa vie. Exclusivement diffusé sur Netflix, ce nouveau film sur la mafia est d’ores et déjà acclamé par la critique et est pressenti pour remporter quelques trophées à la cérémonie des Oscars. 

The Irishman, un projet ambitieux pour la firme américaine

Cette production représente un enjeu financier pour Netflix. C’est un long-métrage ambitieux avec plus de 117 lieux de tournage différents, près de 309 scènes distinctes  et l’utilisation de technologies « de-aging » (permettant de rajeunir des acteurs à l’écran) pour un montant de 160 millions de dollars. Ce film ne sera pourtant pas diffusé dans les salles obscures, à l’excepté de quelques salles aux Etats-Unis, en Australie et au Royaume-Uni. Cela représente un manque à gagner important pour la firme, qui ne pourra pas obtenir de recettes sur les entrées en salle. La stratégie de Netflix est cependant tout autre : le géant américain souhaite se démarquer des autres services de vidéos à la demande et rivaliser avec les studios hollywoodiens en proposant de tels contenus exclusivement à ses abonnés. L’avantage de cette sortie sur Netflix : les délais sont moins longs pour diffuser les films et entrer en lice dans la course aux trophées. Selon le quotidien Les Echos, si le film avait suivi la voie traditionnelle des sorties au cinéma, il aurait fallu attendre 36 mois avant sa diffusion, et il n’aurait donc pas pu concourir à la cérémonie des Oscars. 

Après Roma, un nouveau succès pour Netflix ? 

Netflix souhaite se démarquer des autres plateformes de streaming. La concurrence se fait rude entre les services de vidéos à la demande disponibles et le lancement récent de Disney + et d’Apple TV+.  Netflix, leader sur le marché,  souhaite enrichir son catalogue en produisant des films ambitieux et devenir un acteur incontournable du box-office américain. La firme souhaite renforcer sa crédibilité face aux studios américains et aux réalisateurs qui hésitent toujours à travailler sur les projets Netflix. Cette stratégie a déjà connu quelques succès : Roma, le film d’Alfonso Cuarón sorti en 2018 sur la plateforme a déjà raflé un Lion d’or à Venise et trois Oscars. L’œuvre de Martin Scorsese est pressentie pour s’inscrire dans cette même lignée.

La fin d’Hollywood ? 

Le 4 novembre dernier, Martin Scorsese s’attaquait à l’industrie du cinéma. Il critiquait les studios américains qui rejettent désormais toute créativité et produisent des films sans le moindre risque, préférant investir dans des remakes ou des sagas à succès. Il dénonçait par là les blockbusters tels que les films de la saga Marvel, qui selon lui, s’apparentent à des « parcs d’attractions ». Selon lui, deux types de cinéma existent : celui de l’industrie, qui produit des blockbusters sans prendre de risques créatifs, et celui de l’art, soit le cinéma qui cherche à transmettre des émotions. Si ses propos ont créé polémique, d’autres réalisateurs lui ont apporté leur soutien : Francis Ford Coppola et Pedro Almodovar ont tour à tour critiqué les films de super-héros, ainsi que Ken Loach pour qui ces films sont « produits comme une marchandise, à l’image des hamburgers, qui n’ont aucune imagination à partager ». Les plateformes de streaming jouent ici un rôle fondamental. Elles peuvent désormais mettre à disposition leurs ressources pour produire des long-métrages, quand les studios américains refusent parfois d’investir. The Irishman en est le parfait exemple : d’abord produit par les studios Paramount, un contre-temps a retardé le projet et c’est finalement grâce à Netflix que le thriller a pu voir le jour. Les plateformes de streaming représentent de nouveaux investisseurs pour les réalisateurs américains et commencent déjà à concurrencer les studios hollywoodiens dans la course aux trophées. 

Claire Dorey