Émission Arte du 30 novembre 2019 présentée par Émilie Aubry.
Commentaire et analyse de l’émission:
L’émission s’ouvre sur une photo des cabines des interprètes de l’ONU. Ces pièces symbolisent la multitude de langues présentes au sein de cette institution, et le travail difficile mais tout autant indispensable des interprètes, qui se relaient d’ailleurs toutes les trente minutes tant l’exercice est fatiguant. Il existe près de 7000 langues dans le monde, et ce nombre tant à diminuer avec la mondialisation croissante en cours depuis les dernières décennies. Les langues, des enjeux de puissance : c’est à cette problématique que s’attaque l’émission de cette semaine.
Il existe 8 familles linguistiques : les langues indo-européennes présentes sur tous les continents, les langues sino-tibétaines qui sont concentrées en Asie orientale mais qui comptent néanmoins le plus de locuteurs, les langues amérindiennes en Amérique, les langues afro-asiatiques, les langues bantous, les langues ouralo-altaïques, les langues dravidiennes et finalement les langues austro-asiatiques. Il existe également plusieurs groupes mineurs isolés qui n’ont pas de lien avec les autres (comme le aïnous au nord du Japon ou le basque à cheval entre la France et l’Espagne). Plusieurs langues sont parlées au sein d’un même pays la plupart du temps (l’exemple choisi par la présentatrice est celui de la Papouasie-Nouvelle-Guinée qui regroupe plus de 750 langues). Les langues ne suivent pas forcément les frontières politiques, comme en Afrique par exemple. Les langues des anciens colonisateurs sont donc souvent les langues officielles de ces pays.
Des conflits géopolitiques peuvent être causés par cette multiplicité des langues, comme par exemple récemment en Catalogne ou en Ukraine. L’émission cite l’exemple des guerres de Yougoslavie dans les années 1990, qui ont conduit chaque pays impliqués à ré-inventer leurs langues pour se différencier les uns des autres. Certains pays ont fait le choix d’avoir plusieurs langues officielles afin d’éviter les tensions, comme la Suisse et Singapour qui disposent tous les deux de 4 langues officielles.
Au niveau international, l’ONU reconnait 6 langues officielles (anglais, français, chinois, russe, espagnol, arabe). Cette répartition ne suit forcément le nombre de locuteurs, avec l’exemple de l’hindi-ourdou qui est la 3e langue la plus parlée dans le monde mais qui ne figure pas dans cette liste des langues officielles. Ces langues sont également celles des pays membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU. En analysant cette situation, on peut se rendre compte que la langue est un outil de puissance pour ces pays, qui l’imposent comme langue institutionnelle au niveau internationale. Pour d’autres organisations internationales (dont le conseil de l’Europe, l’OCDE ou le comité olympique), l’anglais et le français dominent très largement. Cette situation reflète l’ancienne domination coloniale et mondiale de ces deux pays, et fait parti du Soft Power de la France et du Royaume-Uni.
En effet, ces deux langues sont souvent co-officielles dans la majorité de ex-colonies. Les deux institutions qui représentent cette situation sont le Commonwealth et l’Organisation Internationale de la Francophonie. Pour cette seconde, son influence dépasse le cadre colonial et regroupe de nombreux pays qui ne sont pas d’anciennes colonies. La politique extérieure de la France s’appuie sur ce réseau en le finance au 3/4, et cherche à promouvoir ses valeurs fondatrices. Le pays s’appuie également sur le réseaux des Alliances Françaises. La présentatrice met ensuite en comparaison l’OIF avec les Instituts Confucius chinois, répartis dans le monde entier avec pour but d’apprendre le mandarin et de promouvoir la culture chinoise en général. Il est a noter que dans plusieurs villes, des instituts ont été fermé à cause de tension (comme à Chicago ou à Lyon concernant la situation du Tibet et de la Chine). D’autres organisations de moindre influence existent, comme la Communauté des Pays de Langue Portugaise ou la Ligue Arabe (cette dernière ayant cependant majoritairement un but politique et non culturel).
L’émission se conclut sur l’exemple de l’Union Européenne qui soutient le principe « d’égalité linguistique », qui s’avère être plus compliqué que prévu à appliquer qu’à sa création à cause de l’important nombre de langues présentes en son sein (la présentatrice donne l’exemple des directives européennes qui doivent être traduites en 24 langues).
Conclusion :
Les langues, bien que très nombreuses à travers le monde, n’ont pas toutes la même importance. Dans le cadre des relations internationales, seules une dizaines d’entre elles disposent réellement d’un statut particulier au sein des grandes institutions comme l’ONU, l’UE ou encore l’OMC. Les langues sont parfois vecteurs de tensions au sein des pays et peuvent déboucher sur des conflits armés très meurtriers. Cependant, l’accroissement de la mondialisation tend à effacer de plus en plus de langues, ainsi que la centralisation des états, qui cherchent à promouvoir une langue principale afin de rassembler la population autour d’une même identité (la France en est un excellent exemple, avec la disparition progressive de la majorité des langues régionales dans le pays).