Face aux spectaculaires chiffres du vol et de la dégradation d’art sacré, comment réagir ?

Le 15/11/2019, par Hippolyte de Solages

Le 4 novembre dernier, la France du journalisme tirait ses premiers gros titres de la semaine du vol spectaculaire du Trésor de la Cathédrale d’Oloron-Sainte-Marie. Pour rappel, un groupe malfaiteur s’était introduit dans l’édifice pendant la nuit au moyen d’une voiture bélier et avait ensuite dérobé ce qu’il y avait de plus précieux dans le Trésor, notamment des objets d’une valeur ineffable. Pendant les jours qui suivirent, l’opinion s’intéressa un peu à ces sujets crucifiant du vol d’art sacré et de dégradations de lieux de cultes, et plus particulièrement les églises, avant d’amènement l’oublier. Avant de justement rapporter au lecteur cette thématique, je fais remarquer au lecteur qu’il est curieux d’attendre que des cathédrales soient durement touchées pour que l’on considère le patrimoine religieux de la France et des Français.Les motivations de ces forfaits sont diverses et dépendent aussi de la nature de ce qui est commis, mais concernant le mobilier sacré, le mobile principal est simple : l’argent. Le chiffre d’affaire des ventes d’œuvres d’art sacrées volées se comptent par milliards d’euros. Une véritable manne qui attire aussi bien le crime organisé, parfois spécialisé comme pour les Trésors des cathédrales d’Oloron ou d’Angoulême, comme l’initiative plus personnelle et locale, ainsi que nous montre l’heureux exemple de l’interpellation d’un homme à Quimperlé en mai 2019. Avec la hausse de matières premières, c’est parfois simplement l’or ou l’argent des ciboires, patènes et autres calices qui sont visés. La dégradation pure et simple des édifices religieux, notamment des églises, est également toute aussi inquiétante. Une lecture rapide de la liste produite par l’Observatoire du Patrimoine Religieux, comme des rubriques fait-divers des journaux locaux, permet facilement de constater un phénomène très important. Peu importe le motif et le résultat, celui qui souhaite parvenir à ses fins trouve dans les édifices religieux, plus spécialement dans les églises et cathédrales en dehors des grandes métropoles, des proies de choix. Elles sont faciles d’accès, dépourvues de protections complexes, et gorgées d’objets précieux. La France est ainsi un des pays les plus visés par les trafics d’art sacré volé par sa richesse et vulnérabilité.

Ces attaques si nombreuses devraient concerner tous les Français pour plusieurs raisons. Matériellement, depuis la Révolution française et la Loi de 1905 de Séparation de l’Eglise et de l’Etat,  la majorité des biens immeubles et meubles religieux appartiennent à l’Etat, donc au peuple français, donc à chacun d’entre nous. La perte d’un objet par un vol, une destruction, ou la dégradation d’un bâtiment fait perdre de la valeur au patrimoine matériel commun. Ainsi, « le mobilier des églises représente 75% du mobilier classé en France », selon Olivier de Rohan-Chabot, président de Fondation La Sauvegarde de l’Art français. Intellectuellement, de telles pertes sont préjudiciables pour le patrimoine immatériel français sur lequel notre environnement culturel quotidien est basé : la connaissance historique, artistique, philosophique en pâtissent.

Réflexions pour un mode d’action

Plusieurs solutions sont avancées pour réagir à ces méfaits, mais elles ne sont pas toutes satisfaisantes. Il est ainsi parfois suggérer de ne simplement plus laisser les églises ouvertes. Cependant, ce qui semble être évident ne résout pas le problème. Selon Servanne Desmoulins-Hemery, conservateur des antiquités et objets d’art et chef de la mission patrimoine et musées du Conseil départemental de l’Orne, cité par le média Aletia, « il n’y a pas plus de vols dans une église ouverte que dans une église fermée ». En effet une église fermée diminue la vigilance du voisinage et des fidèles et laisse au délinquant le loisir d’agir à son aise sans être interrompu par quelques dévotes activités. De plus, fermer une église est contraire à l’esprit même du lieu, celui d’être un lieu toujours ouvert pour tous. Certains aussi interroge la pertinence d’y laisser des objets si précieux plutôt que de les placer dans des musées. Les concernant, les derniers récolements au niveau national montrent que les musées présentent des « pertes » nombreuses : en janvier 2019, sur les 467 000 œuvres contrôlées, plus de 57 500 manquaient. Il est important aussi de se rappeler que les œuvres d’art sacrées sont d’abord des objets religieux avant d’être des pièces d’art. Elles ne trouvent leur véritable rôle que dans le contexte et la destination pour lesquelles on les fît.

C’est d’ailleurs le parti du Père Paul de Cassagnac, curé de la cathédrale d’Albi, qui milite pour placer l’imposant reliquaire de saint Salvy dans son église tutélaire plutôt que dans l’espace où aujourd’hui il se trouve. Par ce mouvement, il s’agit de redonner du sens à l’existence même de ce reliquaire et de permettre à chaque Albigeois de redécouvrir un part de leur histoire. Le reliquaire serait protégé par du vitrage approprié. Il est exact de faire remarquer que ça n’arrêtera pas un individu décidé, mais ce genre de protection que l’on trouve dans les musées n’ont pour but que de retarder la mainmise sur l’objet. En en vient donc à compter sur l’arrivée d’un visiteur pour alarmer et surtout prévenir l’acte. Ainsi j’en viens à mon point : remettre l’église au milieu du village. L’évêque de Fréjus et Toulon, Monseigneur Rey disait que le défi d’aujourd’hui était de rendre le patrimoine chrétien (étendons à religieux) vivant. Il faut comprendre cette démarche au-delà d’un simple appel à un renouveau de la pratique religieuse. Non, le propos est que chacun prenne conscience de la richesse culturelle et intellectuelle que représente le patrimoine religieux, et des bénéfices qu’il peut en tirer.