Le 15/11/2019, par Hippolyte de Solages
Ces attaques si nombreuses devraient concerner tous les Français pour plusieurs raisons. Matériellement, depuis la Révolution française et la Loi de 1905 de Séparation de l’Eglise et de l’Etat, la majorité des biens immeubles et meubles religieux appartiennent à l’Etat, donc au peuple français, donc à chacun d’entre nous. La perte d’un objet par un vol, une destruction, ou la dégradation d’un bâtiment fait perdre de la valeur au patrimoine matériel commun. Ainsi, « le mobilier des églises représente 75% du mobilier classé en France », selon Olivier de Rohan-Chabot, président de Fondation La Sauvegarde de l’Art français. Intellectuellement, de telles pertes sont préjudiciables pour le patrimoine immatériel français sur lequel notre environnement culturel quotidien est basé : la connaissance historique, artistique, philosophique en pâtissent.
Réflexions pour un mode d’action
Plusieurs solutions sont avancées pour réagir à ces méfaits, mais elles ne sont pas toutes satisfaisantes. Il est ainsi parfois suggérer de ne simplement plus laisser les églises ouvertes. Cependant, ce qui semble être évident ne résout pas le problème. Selon Servanne Desmoulins-Hemery, conservateur des antiquités et objets d’art et chef de la mission patrimoine et musées du Conseil départemental de l’Orne, cité par le média Aletia, « il n’y a pas plus de vols dans une église ouverte que dans une église fermée ». En effet une église fermée diminue la vigilance du voisinage et des fidèles et laisse au délinquant le loisir d’agir à son aise sans être interrompu par quelques dévotes activités. De plus, fermer une église est contraire à l’esprit même du lieu, celui d’être un lieu toujours ouvert pour tous. Certains aussi interroge la pertinence d’y laisser des objets si précieux plutôt que de les placer dans des musées. Les concernant, les derniers récolements au niveau national montrent que les musées présentent des « pertes » nombreuses : en janvier 2019, sur les 467 000 œuvres contrôlées, plus de 57 500 manquaient. Il est important aussi de se rappeler que les œuvres d’art sacrées sont d’abord des objets religieux avant d’être des pièces d’art. Elles ne trouvent leur véritable rôle que dans le contexte et la destination pour lesquelles on les fît.
C’est d’ailleurs le parti du Père Paul de Cassagnac, curé de la cathédrale d’Albi, qui milite pour placer l’imposant reliquaire de saint Salvy dans son église tutélaire plutôt que dans l’espace où aujourd’hui il se trouve. Par ce mouvement, il s’agit de redonner du sens à l’existence même de ce reliquaire et de permettre à chaque Albigeois de redécouvrir un part de leur histoire. Le reliquaire serait protégé par du vitrage approprié. Il est exact de faire remarquer que ça n’arrêtera pas un individu décidé, mais ce genre de protection que l’on trouve dans les musées n’ont pour but que de retarder la mainmise sur l’objet. En en vient donc à compter sur l’arrivée d’un visiteur pour alarmer et surtout prévenir l’acte. Ainsi j’en viens à mon point : remettre l’église au milieu du village. L’évêque de Fréjus et Toulon, Monseigneur Rey disait que le défi d’aujourd’hui était de rendre le patrimoine chrétien (étendons à religieux) vivant. Il faut comprendre cette démarche au-delà d’un simple appel à un renouveau de la pratique religieuse. Non, le propos est que chacun prenne conscience de la richesse culturelle et intellectuelle que représente le patrimoine religieux, et des bénéfices qu’il peut en tirer.