Monument aux morts pour la France en opérations extérieures : l’Art au service de la Mémoire

Le 03/12/2019, par Hippolyte de Solages

Les 13 militaires morts au Mali ayant reçus l’hommage national hier lundi 2 décembre seront les premiers noms à être ajouté aux 549 de la liste du nouveau Haut lieu de la mémoire nationale : le Monument aux morts pour la France en opérations extérieures. Ce monument répond à une très grosse attente de la communauté militaire. En effet, si des monuments à caractère nationaux existait déjà pour exprimer la reconnaissance national, aucun n’était dédié spécifiquement aux engagements opérationnels de la « 4ème génération du feu », c’est-à-dire celle postérieure à la guerre d’Algérie. Par ce monument, la France inscrit dans son Histoire l’ensemble des opérations extérieures et ajoute du sens, du tangible, au sacrifice de ceux qui y tombèrent.Le projet né en 2011 sous la direction de l’ancien Chef d’Etat-Major de l’Armée de Terre le général Thorette à qui le ministre de la Défense d’alors, Alain Juppé, avait demandé un rapport suggérant le moyen le plus adéquat pour rendre hommage à la 4ème génération. Après de nombreuses difficultés d’ordre politique pour faire avancer l’initiative et la rendre réalisable, la première pierre a été déposée par François Hollande en avril 2017. Le monument est alors situé au sein du Parc André-Citroën à Paris. C’est un point assez central de la capitale française et puis tout proche de l’Hexagone Balard, siège des Etats-majors nationaux. Il y a donc un symbole d’hommage national et d’hommage militaire dans l’élection de cette espace.

À côté de cette statue de bronze représentant six soldats – cinq hommes et une femme – portant un cercueil invisible, un mur sur lequel sont inscrits les noms de 549 militaires morts en « Opex ». AFP/Ludovic Marin

Le monument en lui-même est chargé de symboles. Il est constitué d’une grande esplanade qu’encercle des murs sur lesquelles sont plaquées 36 plaques de letton gravées des noms des Tombés. Le choix du matériau est intéressant : il est particulièrement robuste, comme pour signifier la volonté nationale de conserver leur souvenir. Au centre on trouve deux éléments de rassemblement : le drapeau français et une sculpture. Cette dernière est l’œuvre de Stéphane Vigny, artiste-sculpteur et représente six soldats portant un cercueil invisible. Ces cinq hommes et une femme sont chargés de représenter la communauté militaire. Ils ont été pris au hasard dans chaque Armée (Armée de Terre, Marine, Armée de l’Air) et Corps d’Armée (Métropolitaine, Légion étrangère, Troupes de Marines). Ces six sculptures de bronzes sont très réalistes selon le souhait de l’artiste. Il les a voulus à taille humaine, chacun avec l’uniforme exact de l’Armée ou le Corps d’Armée qu’il représente ; le portage du cercueil est aussi selon le protocole militaire mais la posture et l’attitude de restent naturelle. Intrigant, le choix de représenter le portage est expliqué par son universalité : militaires et civils partagent ce dernier geste d’adieu aux défunts. Plus intriguant encore est l’absence de cercueil visible. Stéphane Vigny s’en justifie ainsi : « En enlevant quelque chose, on le dit encore plus fort. C’est quelque chose de bien connu : l’absence créé un manque et ce manque [rend ce qui est absent plus présent, plus fort] ». Selon lui, cela permet aussi de rendre hommage à ceux qui portent le cercueil : ceux qui ne sont pas morts mais qui sont partis combattre et qui peuvent avoir perdu un camarade.

Ce monument est aussi l’occasion de rassembler deux mondes qui ne se côtoient que peu : l’Art et l’Armée. Malgré cette relative méconnaissance mutuelle, elle s’est révélée fructueuse et bénéfique à tous. Ainsi monsieur Vigny avoue qu’il n’avait jamais rien fait de tel avant, mais qu’il est très fier d’avoir travaillé sur cette entreprise tandis que le Ministère des Armées s’est montré très heureux de la réalisation de sa commande. Un exemple de collaboration entre deux mondes qui pourrait faire précédent alors que le Ministère entame une entreprise d’amélioration du cadre de vie et de travail de ses troupes.