Que ce soit Blanche-neige, la Belle au Bois dormant, Cendrillon ou encore Anna de la Reine des Neiges, les princesses ont toujours fait partie du quotidien des enfants. On a grandi bercés par les contes de fées qui portent cette notion de la princesse qui rencontre son prince charmant, qui se marièrent, qui vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. De plus, le mythe du prince charmant qui viendra nous emmener sur son cheval blanc dans son royaume renforce l’idée que le destin de n’importe quelle petite fille peut basculer. La période de Noël accentue encore plus ce fantasme avec les téléfilms à l’eau de rose où une jeune américaine peu fortunée tombe amoureuse d’un mystérieux inconnu et découvre qu’il s’agit en réalité d’un prince qu’elle va suivre dans son royaume perdu au milieu des Alpes (dont elle bouleversera les traditions jugées passées de mode par sa nature spontanée et sa simplicité toutes roturières).
Pourtant, être une princesse n’est pas obligatoirement synonyme de vie de château. La sur-médiatisation de ces têtes couronnées ne rend leur existence que plus complexe, l’image qu’elles véhiculent n’est pas juste celle de leur personne mais de la famille royale et de leur pays. Le cas de la princesse Diana, adulée par la population et aliénée par la reine, divorcée du Prince et poursuivie par les tabloïdes mondiaux est peut-être l’exemple le plus marquant en Europe du phénomène que représentent les princesses. Que l’on trouve l’existence de leur rôle absurde au XXIème siècle, la figure des princesses fascine toujours autant, on adore les détester mais tout en voulant être à leur place.
On peut se demander pourquoi les princesses suscitent-elles autant de jalousie, de mépris ou de fascination ?
On peut distinguer plusieurs types de princesses dont celles qui seront amenées à régner un jour et les princesses qui bouleversent les codes stricts des monarchies.
Dans la première catégorie on retrouve la duchesse de Cambridge, Catherine Middleton, mariée au prince héritier William de la dynastie des Windsor. Dans ce cas de figure Kate Middleton est l’incarnation de Cendrillon, à quelques détails près, et perpétue le fantasme que n’importe quelle jeune fille peut rencontrer un prince charmant.
Mais derrière les poses parfaites sur papier glacé et le mariage diffusé en direct partout dans le monde se cache une réalité composée d’abord et avant tout de devoirs. En tant qu’épouse du futur roi d’Angleterre, son rôle est de fournir un héritier, ou héritière dans le cas de l’Angleterre, mais également de représenter le pays, de l’incarner. Cela représente de nombreux sacrifices régis par les protocoles stricts encadrent les familles royales. Pas de réseaux sociaux personnels, par exemple, tout est géré par d’autres, pas de vie privée, ou plus simplement pas de possibilité d’exercer un autre métier que celui de princesse.
Kate Middleton est un vent de renouveau au sein de la monarchie britannique. Sa simplicité a réussi à rassembler le peuple autour de la famille royale, à réconcilier les liens qui s’étaient tendus depuis la mort de Diana Spencer et le stoïcisme de la reine pendant les mois qui ont suivi l’accident. Mais la princesse représente aussi un atout dans la diplomatie du Royaume-Uni, la présence du couple princier lors des visites d’état et des tournées du Common Wealth permet de montrer un nouveau visage, une jeunesse affirmée. C’est une véritable opération séduction et la duchesse de Cambridge en est l’actrice principale.
À son opposé se trouve Megan Markle, la duchesse de Sussex, la Wallis Simpson du XXIème siècle ! Ce qui différencie l’ancienne actrice américaine de la duchesse de Cambridge c’est que le prince Harry ne sera pas amené à régner, ce qui lui offre un peu plus de liberté, comme la princesse Margaret avant elle qui pouvait exprimer plus facilement ses idées politiques que sa sœur la reine. Le simple fait que Megan Markle ait pu épouser le Prince Harry à déjà chamboulé les traditions de la famille royale. Une actrice, divorcée et américaine de surcroît, beaucoup ont pensé que cela freinerait l’union princière, mais ce ne fut pas le cas. Leur mariage a ressemblé à tous les films de noël et a continué d’entretenir ce mythe. Si Megan Markle a su dépoussiérer les protocoles de la famille royale, que ce soit au sujet de sa coiffure, au câlins ou encore de ne pas utiliser leurs titres en visite officiel, elle a su le faire tout en gardant l’amitié de la reine. Cependant la vie de la princesse n’est pas exactement rose non plus, elle est la cible des tabloïds en permanence, à tel point que le duc et la duchesse de Sussex ont dû poursuivre en justice the Sun et le Daily Mirror pour pouvoir montrer aux tabloïds qu’ils ne se laisseraient pas faire.
Les problèmes de tabloïdes semblent bien dérisoire par rapport au monarchies du Moyen-Orient qui, même si elles sont plus discrètes. Le cas récent de la princesse Haya de Jordanie, la sixième épouse de l’émir Mohammed ben Rachid Al Maktoum, illustre bien qu’être une princesse n’est pas forcément synonyme de conte de fée. Après avoir fuit Dubaï pour se réfugier en Angleterre avec ses deux enfants et 36 millions d’euros. Elle s’est cloîtrée dans sa demeure de Londres par « crainte d’être assassinée ou ramenée de force à Dubaï » et subir le même sort que la fille de l’émir de Dubaï : Latifa Al Maktoum. La pincesse Latifa avait tenté de s’enfuir de l’emprise de son père avant d’être arrêtée par des gardes côte indiens et rapatriée à Dubaï où il semblerait qu’après avoir été enfermée et torturée, il n’y ait plus de signe de vie d’elle depuis décembre 2018. Selon une source proche de la princesse Haya « Elle a appris ce que son époux avait fait subir à sa propre fille et a peur que quelque chose de similaire puisse lui arriver. Elle s’est demandé quel genre d’homme pouvait mettre sa propre fille en prison. » Si elle n’a pas pu obtenir l’asile en Angleterre, son demi-frère le roi Abdallah II de Jordanie lui a accordé son soutien en la nommant chef de mission adjointe de l’ambassade de Jordanie en Grande-Bretagne. Cette fonction lui confère, ainsi qu’à ses enfants, une immunité diplomatique et surtout l’assurance, grâce à la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961, de ne pas se faire rapatrier de force à Dubaï. La princesse Haya a entrepris une procédure de divorce contre son mari l’émir. Elle avait demandé à être mise sous une ordonnance de protection contre un mariage ainsi que sous une ordonnance de protection pour brutalité et en novembre 2019 la première instance du procès à eu lieu en huit clos devant la cours suprême britannique.
Cette affaire, qui peut sembler frivole pour certains, remet en lumière la condition féminine dans les pays du Moyen-Orient et le manque de protection qu’ont les femmes là-bas, tout comme le fait que les mariages forcés ont toujours lieu et, sur un thème plus général, les violences faites aux femmes, princesses ou pas princesses. Avec ce scandale très médiatisé depuis l’été 2019, c’est l’image des Émirats Arabes Unis qui en pâtit et qui relance les questions sur les conditions de vie de la princesse Latifa ainsi que celles de la princesse Shamsa, une autre fille de l’émir de Dubaï vue pour la dernière fois en 2000 après avoir tenté elle aussi de s’enfuir. De plus, ce sont aussi les relations internationales entre la Jordanie et les Émirats Arabes Unis qui peuvent souffrir des conséquences suite au soutien du roi Abdallah II envers sa demi-sœur. En effet, les Émirats avaient annoncé une aide conjointe avec le Koweit et l’Arabie Saoudite de 2,2 milliards d’euros pour épauler la Jordanie lors de la crise des réfugiés syriens. Si le royaume perdait le soutien des autres pays du Moyen-Orient, cela aurait des conséquences dramatiques pour le pays. Néanmoins, lors d’une visite à Abou Dhabi, Abdallah II à déclaré sur Twitter « Je me suis senti parmi les miens » et souhaite « le maintien des liens entre les deux pays et les deux peuples frère ». Le verdict du procès n’a pas encore été donné et il convient donc de s’interroger sur l’avenir des relations entre Dubaï et la Jordanie si l’émir n’obtient pas la garde de ses enfants comme il le souhaite.
Si on peut penser les princesses inutiles, il faut garder à l’esprit qu’elles jouent un rôle d’ambassadrices de leur pays, d’exemplarité et de générosité en se consacrant à des causes caritatives, unificatrices et aussi financières : le mariage entre du duc et la duchesse de Cambridge aurait rapporté deux milliards de livres à l’économie britannique. Le princesses font partie du soft power des états et permettent par leurs actions de soulever des questions sur les problèmes de sociétés dans leurs pays, comme le montre le cas de la princesse Haya, les accusations contre l’émir de Dubaï permettront peut-être de remettre sur le devant de la scène internationale la question de la condition féminine au Moyen-Orient.
Aerfen Mordrelle