Championnats du monde d’athlétisme à Doha : des enjeux qui dépassent les frontières de l’Émirat

La 17e édition des championnats du monde d’athlétisme, se déroulant du 27 septembre au 6 octobre 2019, connaît d’ores et déjà un retentissement médiatique international qui n’est pas sans conséquences pour son pays d’accueil en pleine préparation de la Coupe du monde de football de 2022 : le Qatar. Et pour cause, les résultats trouvés pour « mondiaux d’athlétisme » dans les moteurs de recherche sont ahurissants : conditions climatiques particulièrement difficiles dénoncées par certains athlètes, soupçon de corruption, stades vides et infrastructures climatisées controversées.

Les efforts des athlètes passent au second plan, la compétition étant plus marquée par le nombre record d’abandons lors des épreuves extérieures (28 compétitrices sur 68 pour le marathon femme) que par les performances. La souffrance des concurrents évoluant par une température avoisinant les 42 degrés et un taux d’humidité d’environs 73 % illustre les propos des médias.

Photo prise le 29 septembre 2019 à Doha (Qatar) par REUTERS/Ibraheem Al Omari.

Les mesures mises en œuvre par le pays hôte pour remédier à ces conditions climatiques ne font pas l’unanimité : décalage des championnats du mois d’août à fin septembre, climatisation des stades et départs nocturnes. Est alors reproché au Qatar son empreinte écologique de par la climatisation des stades et les éclairages puissants nécessaires aux épreuves nocturnes, notamment pour les 50 kilomètres marche et course qui n’ont pas pu profiter de la climatisation.

Le Qatar avait-il vraiment intérêt à organiser ces championnats ? Le climat devrait-il être pris en compte lors de l’attribution d’événements sportifs ?

L’intérêt du Qatar à accueillir ces championnats relève de la diplomatie sportive du pays qui aspire à organiser le plus d’événements sportifs internationaux possibles pour répondre à 3 objectifs : moderniser son image et ses infrastructures, s’affirmer à l’international, le pays souffrant d’un boycott régional et diversifier son économie qui ne pourra plus exclusivement dépendre des hydrocarbures épuisés dès 2026.

Si l’accueil du championnat du monde masculin de handball de 2015 n’avait pas été marqué par tant de polémiques c’est bien parce que ces championnats d’athlétisme sont un véritable test pour le Qatar qui doit prouver que son climat est compatible avec de telles compétitions en vue de la Coupe du monde de football de 2022.

L’enjeu ici ne concerne plus seulement l’Émirat mais bien tous les pays du Sud, c’est-à-dire les pays en développement majoritairement situés en Afrique, Amérique du Sud et Asie (hors Russie), qui sont sous-représentés dans l’organisation de championnats mondiaux. Prenons l’exemple des 3 principales compétitions mondiales :

  • 10 Coupes du monde de football sur les 22 éditions ont eu lieu dans des pays du Sud principalement latino-américains
  • 6 pays du Sud ont accueilli les Jeux Olympiques au cours de leurs 30 éditions, le continent africain n’étant pas représenté
  • 5 Championnats du monde d’athlétisme se sont tenus dans ces pays au cours des 17 éditions, uniquement en Asie

De fortes disparités géographiques existent donc à l’échelle mondiale dans la répartition de ces compétitions. Si la chaleur n’est pas le principal obstacle à l’organisation de ces événements par les pays du Sud, qui souffrent de leur développement économique, politique et social, cette dernière est l’un des éléments les plus décriés au Qatar. Or certains athlètes s’entraînent quotidiennement dans ces conditions climatiques qui sont celles de leurs propres pays, le sport ne serait-il pas trop centré sur les pays du Nord ? 

Cathy Faubry