Inauguration du “Bouquet of Tulips” de Jeff Koons à Paris : affirmation du Soft Power états-uniens ou hommage ?

Le “Bouquet of Tulips” offert à la ville de Paris par le plasticien américain Jeff Koons en signe du soutien du peuple américain au peuple français suite aux attentats qui ont touché la capitale en 2015 et 2016 a été inauguré le 4 octobre 2019 dans les jardins des Champs-Élysées. L’œuvre d’art mesurant 11 mètres de haut, 8 mètres de large et pesant 36 tonnes a été décrite par la maire de Paris, Anne Hidalgo, comme « …une œuvre emblématique qui a vocation à s’inscrire dans le patrimoine de Paris… ».

Photo : Stéphane de Sakutin, AFP

C’est à l’initiative de l’ambassadrice des États-Unis en France, Jane Hartley, que Jeff Koons fut sollicité pour offrir à la ville de Paris un bouquet d’optimisme. Le « Bouquet of Tulips » représente avec cette main tendue un geste d’amitié du peuple américain au peuple français et ses tulipes, le rétablissement, le souvenir et les victimes des attentats de 2015 et de 2016, notamment de par le nombre de tulipes (11 au lieu de 12 considéré comme un chiffre parfait).

Comment une oeuvre offerte par un artiste renommé internationalement à la ville de Paris pour commémorer un événement marquant de son histoire a t-elle pu se transformer en véritable polémique ?

Plusieurs choses ont été reprochées à l’oeuvre : son esthétisme, éthique, financement, lieu d’installation et sa réelle intention.

L’emplacement initialement prévue sur l’esplanade du Palais de Tokyo situé à proximité du Trocadéro a été jugé trop visible et non adapté pour accueillir l’œuvre qui ne s’accordait pas à l’architecture des monuments présents, notamment le musée d’Art Moderne. Le « Bouquet of Tulips » a finalement trouvé sa place dans les jardins des Champs-Élysées, non pas pour satisfaire les revendications du monde artistique mais, tout simplement car la dalle du Palais de Tokyo n’était pas assez solide pour soutenir le poids de l’œuvre.

La notion de « cadeau » offert à la ville de Paris est à relativiser. En effet, le financement de l’œuvre s’élevant à un montant de 3,5 millions d’euros passe en réalité par le mécénat et donc indirectement par l’État français si l’on considère que les actes de mécénat permettent aux personnes privées et publiques concernées de réduire leurs impôts à hauteur de 66 % du don versé. En outre, l’entretien de la sculpture sera assuré par la ville de Paris.

L’esthétisme et l’éthique de l’oeuvre ont été critiquées : sa dimension ne respecterait pas le site d’accueil et le contexte de création de l’oeuvre et ce qu’elle est censée commémorer manquerait de cohérence (étant donné que ces tulipes n’ont pas été crée spécialement pour Paris). Le « Bouquet of Tulips » est alors parfois vu comme un simple coup de publicité pour l’artiste et non pas comme un geste désintéressé et un véritable hommage envers les victimes des attentats et leurs familles bien que les droits d’auteurs de l’artiste seront versés aux associations de victime des attentats de 2015 et de 2016.

Hommage, tentative de Soft Power ou attraction touristique ?

L’intention de l’ambassadrice des États-Unis en France et de la ville de Paris peut être questionnée. En effet, les propos d’Anne Hidalgo traitant « d’une œuvre emblématique qui a vocation à s’inscrire dans le patrimoine de Paris » sous-entendent que le « Bouquet of Tulips » pourrait devenir un emblème de la capitale et donc une attraction touristique majeure au même titre que la Tour Eiffel. L’idée de soutien du peuple américain au peuple français n’est pas sans arrière-pensée et dissimule une tentative de renforcement du Soft Power américain alors même que ce dernier tend à diminuer depuis l’élection de Donald Trump qui, pour sa part, continue de se servir des attentats de la capitale comme d’un exemple irréfutable pour défendre le port d’armes aux États-Unis.

Tentative de rattrapage des propos du président des États-Unis, forme de Soft Power ou réel hommage ? Ce qui est sûr, c’est que le « Bouquet of Tulips » n’a pas fini de faire parler de lui.

Cathy Faubry