La période des « Troubles », fut une véritable guerre civile en Irlande du Nord à partir des années 1960 et qui A pris fin en 1998. Les années soixante ont vu naître en Ulster un mouvement contre la ségrégation qui avait lieu dans la région, la Northern Ireland Civil Rights Association. La population catholique était victime de discrimination et ce dans plusieurs domaines tels que le marché du travail, le logement, l’éducation et la politique. La NICRA protestait sous forme de manifestations pacifiques, de marches à travers l’Irlande du Nord cependant, ce qui n’était jusqu’alors que des tensions tourne à la fin des années soixante et dès l’été 1969 au conflit armé et des émeutes ont lieu dans différentes villes nord-irlandaise comme Derry entre les groupes paramilitaires de l’IRA ( Irish Republican Army, un groupe républicain pour la réunification de l’île), l’UVF ( l’Ulster Volonteer Force, un groupe unioniste pour que l’Irlande du Nord reste dans le Royaume-Uni) et la police nord-irlandaise. Afin de contrôler et contenir ces violences, l’armée britannique fut déployée en Ulster et la violence ne cessa d’augmenter. En trente ans, les troubles ont coûté la vie d’environ 3 500 personnes, faisant de cette guerre civile le conflit le plus meurtrier de ces cinquante dernières années en Europe.
L’accord de Belfast, également appelé Accord du Vendredi Saint, signé le 10 avril 1998 entre le Premier ministre du Royaume-Uni, Tony Blair, le Premier ministre de la République d’Irlande, Bertie Ahern, les nationalistes et les unionistes a mis fin à 30 ans de guerre civile.. Le processus de paix qui anime l’Irlande du Nord depuis 1998 reste toutefois fragile malgré de nombreux efforts et symboles construits par les deux partis. Le pont de la paix à Derry, en partie financé par l’Union Européenne, est un bon exemple de tentative de réunion entre catholiques et protestants. Cependant la séparation entre catholiques et protestants reste toujours présente et visible (notamment avec les drapeaux en flottant dans les quartiers protestants ou catholiques ) et les tensions entre les deux communautés éclatent parfois en rixe de jeunes. Le Brexit et les questions sur la frontières nord-irlandaise refont monter à la surface une blessure qui n’a pas été oubliée aussi bien en République d’Irlande qu’en Irlande du Nord.
La série évènement de Netflix The Crown vient de sortir sa troisème saison. La série suit la vie de la reine d’Angleterre et chaque saison montre une période spécifique. La première saison se passe entre 1947 avec le mariage de la reine et du prince Philippe jusqu’en 1955 avec l’annulation des fiançailles de la princesse Margaret et Peter Townsend. La saison deux commence en 1956 avec la crise du Canal de Suez et s’achève en 1964 avec la naissance du quatrième enfant du couple royal. La saison trois commence avec un nouveau casting comprenant Olivia Coleman et Helena Boham-Carter entre autres, débute en 1964 avec l’élection de Harold Wilson et s’achève en 1972 avec le jubilé de la reine. La série The Crown tend à rendre une version réaliste du règne de la reine Elizabeth II et pour cela, Netflix qui produit la série n’a pas lésiné sur les moyens de production. Selon Peter Morgan, le créateur de la série, le budget des deux premières saisons était à hauteur de 97,4 millions de livres, un budget conséquent pour 20 épisodes. Dans la mesure où l’objectif de la série est de rendre une version réaliste des événements qui ont rythmé le règne de la reine, il est étonnant que la saison trois de la série ne mentionne pas le conflit nord-irlandais. D’une certaine manière il semblerait presque compréhensible dans la mesure où l’Angleterre à réussi à étouffer le conflit aux yeux du monde entier ce qui s’est avéré être la guerre la plus meurtrière en Europe depuis la seconde guerre mondiale. C’est grâce à la pop culture que le monde à vraiment découvert le conflit, en effet le hit « Sunday Bloody Sunday » du groupe irlandais U2 dénonce au monde entier la tuerie de Londonderry du 30 janvier 1972 surnommée « Bloody Sunday ».
Dans le contexte actuel où les négociations sur le Brexit ne sont toujours pas achevées, où la frontière entre l’Irlande du Nord et l’Irlande s’avère être un véritable casse-tête pour les négociateurs, ne pas mentionner un conflit aussi important pour l’Irlande semble un peu déplacé pour l’opinion publique.
Si The Crown oublie les troubles, Derry Girls offre une perspective différente.
La série Derry Girls, de la chaîne Channel 4 et diffusée sur Netflix à commencé à être diffusée le 4 janvier 2018. L’histoire se concentre sur la vie de 4 lycéennes catholiques et d’un adolescent anglais, et donc protestant, à Londonderry au début des années 90 quand les troubles ont encore lieu. C’est grâce à un humour mordant que la série propose au spectateur de se replonger dans période des années 90 en pleine guerre civile, le point de vue des adolescent permet de découvrir un nouveau point de vue. La série est basée sur la vie de Lisa McGee, qui était elle-même lycéenne en Irlande du Nord dans les années 90, et permet de se rendre compte de ce qu’était la vie en Irlande du Nord à ce moment, quand la guerre fait partie intégrante du quotidien qu’imaginer autrement semble impossible. Les blagues sur les alertes à la bombe, les soldats britanniques ou encore l’IRA donne à la série un humour noir mais qui reflète une fois de plus bien la réalité de l’époque. Ce qui est intéressant avec le phénomène de Derry Girls c’est que beaucoup jeunes ont découvert qu’il y avait eu une guerre civile en Irlande du Nord grâce à cette série. Par ailleurs il est intéressant de remarquer que la sortie de la série à eu lieu en plein Brexit, comme pour rappeler les Troubles et leurs conséquences sur la vie nord-irlandaise, par exemple les boîtes aux lettres ne portent pas de noms car sinon cela permettrait d’identifier les habitants d’une maison comme étant catholique ou protestant. La culture n’est pas neutre, faire une série sur une ville qui a particulièrement souffert des Troubles au moment où le sujet d’une frontière solide est évoquée à des conséquences.
Aerfen Mordrelle