Dans la série des textes de Jeff Champo, l’auteur mondialement connu à Champollion, Papyrus te propose un petit conte humoristique qui mêle Légende et politique.
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Le Dahu politisé
Approchez, approchez, braves gens, car je vais vous conter une histoire de conquête de pouvoir, mais pour cela nul besoin de roi blasé ou de prince attardé. Non, je vais vous conter la glorieuse épopée de ces Dahus tachetés et aux crocs acérés que certains dans nos vieilles contrées décrivaient comme les boucs sanglants ou boiteux trépignants.
J’en entends au fond se déclarer sceptiques : « Mais les Dahus n’existent pas, tout le monde le sait. » Parce que ces bêtes ont su vous échapper lors de vos années d’étudiants alcoolisés, vous vous mettez à douter de leur véracité. Soyez beaux joueurs, mes amis, et admettez qu’ils vous ont bernés, ils vous ont abusés.
Croyez-moi, alors que je vous assène cette vérité : le Dahu est ! Et il est politisé ! Dès sa naissance, ses petons gangrenés siégeant du même côté l’obligent à se traîner dans la direction opposée.
Ainsi sont nés les Dahus gauchers et droitiers. Affligés par ces différences, ils se sont séparés pour déambuler chacun de leur côté, sans perdre de vue cette canopée dorée qu’était le sommet.
Comment, vous m’interrompez encore ? Des Dahus du centre ! Jeune effronté, tu croyais me piéger avec une question d’une telle banalité ! Le Dahu centré, comme on l’appelait, existait dans nos patelins escarpés, mais la polio au lieu de laisser ses gigots s’apaiser, comme on aurait pu le penser, fit preuve d’agressivité en attaquant d’emblée les quatre membres des nouveau-nés. Pas évident dès lors de continuer la course dans ces monts escarpés, si vos pattes n’ont pas poussé.
Maintenant, veuillez respecter mon exposé et ne plus me déranger avec vos trivialités. La course au sommet se fait à l’aide, pour ces bêtes aux arrière-pensées, des habitants de la forêt, qui, alléchés par les discours mesurés de ces créatures endiablées, leur viennent en aide pour franchir les milieux étriqués. Mais souvent, pigeons et autres blaireaux, qui ont tant donné, sont oubliés.
Le Dahu est un animal dont la plus grande préoccupation n’est pas de mémoriser les revendications de ses futurs administrés, vous comprenez. Le sentier se fait donc sans grande dignité, et la bassesse est souvent partagée des deux côtés.
Au final, le Dahu glorifié est le premier à atteindre ce haut pic ensoleillé. Arrivé sur les hauteurs gelées, il commence à s’ennuyer et ne peut plus bouger, car impossible de se retourner, la pente s’est volatilisée. Alors déprimé, il se met à regretter ses jeunes années et attend qu’un autre vienne le détrôner pour recommencer.
Jérôme