« SCI le monde m’était conté », c’est le nom de code du projet web des étudiants du master Stratégies Culturelles Internationales, actuellement en stage aux quatre coins du monde. On traverse les Andes pour retrouver Laurent qui fait son stage à Santiago dans le centre de création artistique Balmaceda Arte Joven.
« SCI le monde m’était conté », c’est le nom de code du projet web des étudiants du master Stratégies Culturelles Internationales, actuellement en stage aux quatre coins du monde. On traverse les Andes pour retrouver Laurent qui fait son stage à Santiago dans le centre de création artistique Balmaceda Arte Joven.
Laurent et la Onda Chilena
Pourquoi le Chili, pourquoi Santiago ? Titulaire d’une licence d’anglais et ayant étudié un an au Royaume-Uni, je souhaitais avant tout profiter de cette opportunité de stage pour acquérir une expérience dans un pays hispanophone et hors Europe. Le hasard a fait que je me suis retrouvé à Santiago, et ce n’est pas pour me déplaire, car le Chili reste un pays méconnu en France où l’on se souvient surtout d’Allende et de Pinochet.
Se perdre dans Santiago pour mieux la connaître
Des 4×4 à foison, des enseignes lumineuses bordant des routes à quatre voies dans un paysage de montagnes sableuses : la première impression que l’on a quand on sort de l’aéroport est celle d’être quelque part en Arizona. Arrivé au centre, c’est une autre image qui nous frappe: une ville pas très belle pour être honnête, beaucoup de quartiers résidentiels bien rangés, des immeubles d’une vingtaine d’étages qui poussent comme des champignons et qui remplacent d’anciens édifices coloniaux, une ville plutôt grise et bétonnée où les palmiers rajoutent une touche de couleur. Ce sera mon excuse pour partir à la découverte des trésors plus ou moins bien cachés de la ville !
Il est vrai que le dépaysement n’est pas soudain, ni total. Santiago a des airs européens et nord-américains très prononcés ; sans les Chiliens, on se croirait dans une ville quelconque. Même faire ses courses ne relève pas de l’enchantement ou de la découverte ! A part quelques produits typiques chiliens, donc le manjar (miam !), la crema de leche et le merkén, et des choses surprenantes comme la confiture et les épices dans de petits sacs plastiques, les produits sont les mêmes – autres marques, bien souvent américaines, et parfois les mêmes qu’en France. Il faut alors sortir des sentiers battus et aller dans les petites galeries commerciales traditionnelles, dans les petits boliches bon marché où la comida est meilleure et les parts plus généreuses pour avoir un goût du Chili traditionnel.
S’il n’y a peut-être pas grand chose à voir à Santiago, beaucoup de choses sont à faire, même si sa rivale traditionnelle Buenos Aires la bat à plate couture. Se cultiver reste moins cher que de se nourrir, et beaucoup d’événements sont gratuits. La ville dégage une énergie particulière. La nuit, le vacarme des automobiles et l’odeur des pots d’échappement laissent place au son des batucadas et du raggaeton et aux effluves de marijuana (vide juridique au sujet de sa consommation, les Chiliens en profitent). Pas de place pour Cendrillon, la fête commence à minuit minimum et ne semble jamais se terminer, même si elle reste localisée. Les centaines de chiens abandonnés en seront les seuls témoins.
Stage à Balmaceda Arte Joven
C’est dans le tumulte des coups de klaxons, des crissements de pneus et des bruits de chocs que se déroule mon stage. Dans un quartier plutôt populaire, Balmaceda Arte Joven offre des espaces pour que les jeunes talents, souvent de milieux défavorisés, puissent y développer leur potentiel créatif à travers des ateliers pour la modique somme de 1000 pesos symboliques (1,40 € environ), et à terme encourager une nouvelle génération d’artistes chiliens. La plupart ont entre 20 et 25 ans et certains commencent déjà à faire leur petit bout de chemin. Dans les bureaux, je n’ai pas la chance de les rencontrer souvent, puisque mes missions consistent à assister l’équipe de direction en participant à la mise en place de certains événements culturels, à la stratégie de développement de l’organisme qui est en adaptation constante au niveau national et à engager le développement de partenariats internationaux.
On s’aperçoit vite que le but de BAJ est louable : la scène culturelle chilienne est plutôt pauvre mais se développe à travers des initiatives comme celles-ci. Tout est fait pour encourager les arts. Ce stage est l’opportunité de voir un pays en pleine réflexion au niveau de la culture et de sa gestion, de rencontrer les directeurs et le personnel des centres culturels de la ville avec lesquels BAJ est partenaire, et aussi de découvrir une autre façon de travailler – et à l’inverse des préjugés sur le monde latino-américain, le rythme est soutenu; s’il y a quelque chose à faire, on le fait de suite. Le réseautage est ce qui marche le mieux au Chili pour trouver du travail, et ce dans n’importe quel secteur. A voir si mes contacts seront profitables !
C’est une équipe super accueillante, plutôt jeune et très patiente qui partage mon quotidien de stagiaire. Patiente, en effet, car s’adapter à l’espagnol du Chili n’a pas été très simple… Chilenismos, modismos, anglicismes, des mots inarticulés, autant dire que mon « espagnol d’Espagne » n’a pas servi à grand chose ici ! Tous les Chiliens s’accorderont à dire que leur espagnol est le pire de tous, mais au moins la découverte est au rendez-vous ! De toute manière, la rue et les conversations autour d’un terremoto resteront les meilleures façons de progresser (et j’en profite pour embrasser Irene, Tanja et Morgan !).
Santiago, le reflet de l’Amérique (latine) ?
Sous ses airs de pays développé, on se rend vite compte au fil des rencontres que tout n’est pas comme on le croit au Chili.
Ici, il n’est pas rare de voir des personnes cumuler trois boulots. Environ la moitié des travailleurs gagne environ 300 euros mensuels. Dans une ville (et un pays) où le coût de la vie est aussi cher – voire plus – qu’en France, on a recours au système D. Faire ses courses dans un quartier plutôt qu’un autre, par exemple. D’ailleurs, certaines rues se sont spécialisées dans un type de boutique. Au supermarché, il est toujours bien vu de donner une propina à la personne (dont vous n’avez pas forcément besoin) qui met vos courses dans les sacs plastiques. Et pour se garer, ce sera une personne qui gardera les voitures – pas d’horodateur – et si votre rétro est cassé c’est parce que vous n’aurez pas payé. Tout est fait pour créer des petits jobs qui sont payés au lance-pierres, le pourboire de 10% au resto est donc justifié. L’université reste le graal qui permet d’accéder à un (très) bon rythme de vie, mais reste difficilement accessible de par son coût. Tout comme la santé, reléguée au secteur privé.
Pourtant ici tout est fait pour consommer et beaucoup vivent au dessus de leurs moyens. Il y a de fortes chances qu’une promenade avec des amis ou une visite au musée finisse par un passage à una heladería pour manger une glace ou boire des jugos naturales faits devant vos yeux (et se laisser agréablement surprendre par un jus d’artichaut) ou goûter un mote con huesillo. Passer le week-end al mall est aussi devenu un sport national. Consommer est compulsif, tant tout est fait pour acheter, n’en témoignent les fast-foods à chaque coin de rue. D’ailleurs, manger dehors coûte souvent moins cher. En conséquence, le taux d’obésité est assez élevé et se faire taxer de franchute flaquito est devenu presque quotidien !
A tout cela, il faut rajouter le discours d’insécurité de la droite. Santiago est une ville très tranquille – le vol existe mais est « toléré » étant donné les salaires, et les gens n’hésitent pas à se faire justice eux-même s’ils en sont victimes sous le regard des passants. Mais la première chose qui surprend quand on s’installe ici est d’avoir une conciergerie dans son immeuble. Quartiers aisés ou plus populaires, elles sont partout. Sortez vos papiers : pour aller rendre visite à quelqu’un, il faut laisser ses informations personnelles à la réception qui appelle puis donne l’accord pour monter. Pour certains édifices, c’est moins formel, ou on esquive, et plus rarement, il n’y en a pas. Pour rentrer chez soi à une heure indicible, il faut attendre que le gentil monsieur de l’immeuble où vous habitez ouvre le portail de chez vous.
Au final, c’est une ville sectorisée que je découvre. Chaque quartier ou comuna concentrera une activité en particulier. Certains quartiers ne sont accessibles qu’en voiture où les villas à l’américaine défilent sans qu’il y ait de trottoir. D’autres ont leurs maisons avec des toits en tôle. Le centre et l’Est très propres laissent place a des quartiers moins soignés et leurs maisons délabrées et où parfois les détritus jonchent le sol. Ces quartiers là, le touriste de base ne les verra pas. Par contre, bien loin des amoureux des bancs publics de Brassens, il verra que le Chili n’est pas un pays ultra catho et conservateur comme tout le monde le pense mais verra surtout des démonstrations d’affection sans retenue sur les pelouses de n’importe quel parc de la ville, par des personnes de tout âge.
Il y a tant d’anecdotes à raconter comme toute personne qui vit à l’étranger, surtout dans un pays aussi complexe que le Chili, différent sans l’être vraiment. En attendant, j’essaie de m’éloigner de Santiago et respirer autre chose que el esmog pour continuer ma découverte du vrai Chili et de ses paysages à couper le souffle !
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