SOMMAIRE :
Le catharisme est une hérésie chrétienne dualiste*. Elle se développe au XIIème siècle de notre ère, elle est en forte contradiction avec les catholiques sur de nombreux points tels que le baptême qui, pour les cathares, ne devrait être célébré qu’avec des adultes quand la conscience de l’individu est pleinement acquise. Sa zone d’influence est assez dispersée mais suffisamment importante pour être une source d’inquiétude.
Les cathares sont incontestablement des chrétiens mais des chrétiens dissidents, avec un dogme différent de celui des chrétiens romains.
Différences théologiques et liturgiques
Doctrine cathare | Église chrétienne romaine |
Dualisme (2 dieux : Dieu et le Diable) | Monothéisme |
Lecture des évangiles en occitan | Lecture des évangiles en latin |
Pas de lieu de culte, rejet de l’eucharistie | Lieu de culte dans des églises et pratique de l’eucharistie |
Baptême en fin de vie | Baptême à la naissance |
Rejet du Pape de Rome | Soumission à l’autorité du Pape de Rome |
Refus de l’incarnation du Christ, de sa réalité charnelle et de sa résurrection | Incarnation du Christ et résurrection de celui-ci |
Un seul sacrement : le consolament | 7 sacrements : le baptême, la confirmation, la confession, la communion ou eucharistie, l’ordination, le mariage et l’onction des malades |
Existence du mal : Lucifer est l’incarnation du mal et non Dieu créateur parfait | Les chrétiens disposent de leur libre arbitre pour choisir entre le bien et le mal |
Ne vénèrent pas la croix | Vénération de la croix |
Abstinence sexuelle | Non abstinence |
Organisation de l’église cathare différente de l’église romaine | |
Régime alimentaire : interdiction de manger des produits animaliers ou issus de l’accouplement animal | Interdiction de manger de la viande le vendredi |
Ainsi, en 1209, le pape Innocent III (1160-1216) lance une lutte contre les cathares « hérétiques », liée à leurs divergences, de peur qu’ils prennent la place de l’Église catholique romaine.
En effet, ces « Bons hommes »** gagnent de plus en plus d’importance dans les relations religieuses, dans les pratiques du culte et dans les croyances populaires, à tel point qu’ils concurrencent l’Église de Rome.
Commence alors la Croisade des Albigeois qui va durer pendant vingt ans . Que ce soit par les armes ou l’inquisition, de nombreux cathares périssent pendant cette période.
Le pape Innocent III, inquiété par la remise en cause de l’hégémonie catholique romaine, appelle les puissants et le roi Philippe Auguste à lutter contre les hérétiques. D’abord laissé sans réponse, il n’entraîne le roi de France dans sa guerre sainte que difficilement quelques années en 1224. Les capétiens ressortent cependant eux aussi victorieux du conflit notamment par la saisine des vicomtés de Trencavel et du comté de Toulouse. Après le massacre de Béziers (1209) puis la mort de Raimon Roger Trencavel (vicomte d’Albi), la nouvelle excommunication de Raymond VI (comte de Toulouse) expose le comté de Toulouse à la menace des croisés. Les meurtres de chevaliers et la condamnation au bûcher des centaines de parfaits font de Simon de Montfort, croisé anti cathare, le nouveau comte de Toulouse par le concile du Latran. Par la suite, Raimon VII s’engage à pourchasser les hérétiques de son domaine en finançant l’inquisition qui apparaît en 1233. Enfin, il est aussi contraint de donner en héritage le comté au roi, ou aux descendants de l’époux de sa fille unique, le frère du roi. Contrainte qu’il cherchera vainement à solutionner. La fin du XIIème siècle est ainsi marquée par l’organisation de la répression anti cathare, initiée dès 1179, lors du troisième concile du Latran, lorsque les fidèles étaient appelés à prendre les armes.
*en ce sens que les cathares opposent le tangible, le monde matériel dans lequel sont coincées les âmes, le mal, et l’intangible, le bien, royaume des âmes où séjourne Dieu
** ainsi qu’ils se nommaient, revendiquant la pureté de leurs convictions religieuses face aux catholiques qu’ils considéraient comme des imposteurs
Qu’est-ce que l’Histoire et la mémoire collective ?
Après vous avoir conté la croisade albigeoise face aux cathares, nous pouvons nous poser la question de leur place à travers l’Histoire et la mémoire collective. Tout d’abord définissons l’Histoire et la mémoire collective. Ces termes sont-ils synonymes ? D’après le Petit Robert, l’Histoire est “une connaissance du passé de l’humanité et des sociétés humaines ; c’est une discipline qui étudie ce passé et cherche à le reconstituer par les sources, les matériaux, les méthodes de l’histoire.” La définition du Petit Robert présente l’Histoire comme une science ayant pour objectif d’étudier le passé à l’aide d’outils et de sources. Pour ce qui est de la définition de la mémoire collective, c’est un peu plus compliqué. En effet, certains hommes politiques ou États voient la mémoire collective comme de l’Histoire. Or, c’est une confusion pour certains et pour d’autres une instrumentalisation à des fins politiques. Pourtant, le Petit Robert définit la mémoire collective comme un “ensemble de faits passés qui restent dans le souvenir des hommes, ou d’un groupe”. La mémoire collective est une accumulation de faits qui se sont produits, ou vécus ou racontés, sans ressources pour appuyer ses dires. Ils sont basés sur la mémoire qui peut donc modifier, omettre ou oublier certains détails. De plus, la mémoire n’est pas objective car nous étudions une infime partie de la période sortie de son contexte. La mémoire collective est donc un moment identique du passé vécu par un groupe de personnes, qui oublie ou qui travestit les ressenties de cet instant. La différence entre la mémoire et l’Histoire est donc l’objectivité du sujet possible grâce à l’utilisation d’une méthodologie.
Période Médiévale : deux visions opposées
Dès la période médiévale, deux visions du catholicisme se font face. C’est un combat entre les barons du nord et les barons du sud, le christianisme contre le catharisme. Nous avons donc un combat politique et religieux. De ces croisades découlent donc deux visions. Nous allons étudier la vision la plus présente qui est la vision chrétienne puis la vision la moins répandue, la vision des Hommes du sud.
Les sources chrétiennes
Le catharisme s’implante auprès des élites en région sud-ouest. Dès l’année 1178, Raymond V de Toulouse annonce au roi l’arrivée du catharisme et convoque plusieurs conciles pour enrayer cette hérésie cathare*.
Les chroniqueurs** de l’époque, pour la plupart séjournant dans des abbayes du nord du royaume et donc peu informés de ces événements, affublent cette hérésie de noms d’anciennes dissidences.
Et c’est seulement en 1163, soit quarante ans après la fin des croisades albigeoises, que le chroniqueur Eckbert de Schönau les gratifie du nom “cathare”.
Par leur éloignement, les chroniqueurs inventent et exagèrent certains faits cathares comme par exemple leurs suicides ou leurs relations avec le diable. On trouve, dans les écrits du début des croisades albigeoises ordonnées par le pape Innocent III, deux traitements antinomiques des cathares.
D’un côté, les clercs, proches du pouvoir des barons du nord et du roi, qui sont pour l’éradication des cathares par le feu (comme le chroniqueur Pierre de Vaux). Et de l’autre côté, les clercs proches du pouvoir papal qui eux veulent convertir les cathares au christianisme (comme Guillaume de Puylaurens) .
*Les chroniqueurs : Celui qui consigne les faits historiques dans l’ordre de leur déroulement au Moyen Age.
**Les hérésies cathares : Doctrine, opinion qui diffère des croyances établies, condamnée par l’Église catholique comme contraire aux dogmes.
L’Histoire est faite par les vainqueurs (la vision cathare)
Le manque de sources sur les cathares a longtemps été un frein pour les historiens, cela pour plusieurs raisons. En effet, les cathares sont les grands perdants de la croisade et ils ont donc peu de temps pour justifier la sincérité de leur religion et laisser des écrits. La plupart sont morts, enfuis ou cachés dans le royaume. Quelques chanceux ont pu rester en vie, grâce à leur position au sein du royaume, mais l’inquisition les surveille. De plus, les cathares possèdent une tradition plutôt orale qu’écrite. Alors, cette absence de sources a compliqué le travail des chroniqueurs.
Mais, il reste tout de même quelques traces, comme la chanson des croisés qui évoque la perception de la guerre des cathares et des barons du sud. L’auteur de la chanson décrit les barons du nord venant voler les terres aux barons du sud parce que jaloux de leurs terres plus fertiles, jaloux de leur supériorité parce que plus humanistes, jaloux de leur économie parce que plus florissante.
Ce sont des hommes peu vertueux qui dissimulent et excusent leurs forfaits au nom de la religion. De ces barons du nord, Simon de Montfort est le leader et le parangon de la terreur. Mais, les barons du sud, animés par un courage, un savoir humaniste hérité des romains décident de combattre et de défendre les cathares et leurs territoires. Les comtes de Trencavel, de Toulouse et de Foix, en raison d’enjeux politiques différents, et notamment pour conserver leur autonomie face au domaine royal du roi de France vont combattre et résister longtemps, mais vont perdre face à une armée du nord plus imposante. Certains perdent la vie, leur territoire et leur pouvoir.
Si cette complainte contribue à la représentation des cathares, elle manque cependant d’objectivité. D’ailleurs, les archives d’inquisition retrouvées dans les villes du sud nous permettent d’y voir plus clair. Pour beaucoup de cathares reconvertis et d’occitans, cette guerre est perçue comme une guerre de territoires et l’anéantissement de la culture occitane.
Période Moderne : utilisation de l’hérésie cathare pour légitimer leurs actions
Le sujet du catharisme ressurgit durant la période moderne. Dès la Renaissance, avec l’arrivée du protestantisme, le sujet du catharisme revient alors dans la sphère publique et intellectuelle. En effet, le protestantisme est un mouvement religieux, provenant des milieux intellectuels et cléricaux, qui veut retourner à une Église plus charitable, plus pauvre et n’ayant pas besoin d’intermédiaire pour parler avec Dieu. De ce clivage entre la religion protestante et la religion catholique va naître un schisme. Rapidement ce mouvement protestant va se propager dans toute l’Europe. Les deux camps vont utiliser l’hérésie cathare pour légitimer leurs actions.
Le camp catholique
À l’apparition du protestantisme, l’Église catholique affronte une perte de ses fidèles. Pour y faire face, elle exploite la fin dramatique d’hérésies passées, exterminées par l’inquisition catholique. L’Eglise de Rome lutte, depuis longtemps, contre les ennemis de la foi chrétienne et compare les protestants aux cathares. Les prédications des clercs enjoignent les protestants à regagner l’Église chrétienne, et intimident les pays restés chrétiens, en leur rappelant les conséquences de l’inquisition et des croisés de l’hérésie cathare, sur la paix.
Ils comparent la désobéissance au Pape de ces deux mouvements, issus tous deux pourtant de l’Eglise chrétienne. Enfin, un dernier élément commun aux deux mouvements est rapporté par les clercs et qui concerne leur localisation dans le sud de la France. Pour appuyer leur discours, ils utilisent d’anciennes chroniques de clercs virulents comme Pierre de Vaux de Cernay, et espèrent ainsi ramener de nombreux protestants dans le camp catholique.
En 1589, l’Édit de Nantes fait retomber le sujet des cathares dans l’oubli. Le sujet réapparaît lorsque les Lumières, mouvement intellectuel européen du XVIème siècle, où de nombreux philosophes vont critiquer l’Église sur son incohérence entre ses actes et ses paroles. Pour eux, elle prône la paix mais n’hésite pas pourtant à massacrer les populations qui s’opposent au dogme. Des clercs comme Claude-Adrien Nonnotte consacrent leur vie à la défense de l’Eglise contre les philosophes contemporains. Ils défendent avec érudition et pertinence les vérités essentielles de la foi et publient des controverses pour répondre aux attaques anti-chrétiennes. Pour eux, ce sont les barons laïcs qui sont les responsables et non l’Eglise de Rome.
Le camp anticlérical
Du côté anticlérical, ce sont les protestants qui défendent en premier les cathares, certains se disent même leurs héritiers. Car en effet, les protestants tout comme les cathares reprochent à l’Eglise ses abus. Le clergé est déconsidéré par le relâchement de sa discipline et de ses mœurs. Les prêtres sont pauvres et peu instruits tandis que le haut clergé vit dans le luxe grâce aux revenus des charges ecclésiastiques.
Les protestants considèrent les cathares comme leurs ancêtres, et veulent revenir comme eux à une église primitive. Pour eux, les cathares ne sont pas des hérétiques, mais des martyrs de la foi chrétienne. Ils ravivent le souvenir de la croisade des Albigeois pour démontrer la barbarie de l’Eglise catholique et son intolérance. Ils veulent revenir à un sud plus libre et plus humaniste. L’Église catholique et le roi représentent les anciens barons du nord. L’édit de Nantes, dit édit de pacification, va apaiser les relations entre catholiques et protestants pendant un temps.
Le sujet des cathares ne réapparaît que sous Voltaire avec son ouvrage Essai sur les mœurs et l’esprit des nations. Voltaire voit les cathares comme des vaudois et lui servent d’exemple pour dénoncer les faits infâmes de l’Église catholique. Il estime que le massacre cathare est dû au fanatisme religieux. Il combat donc à travers ses exemples l’Église et ses pensées.
Période Contemporaine : un début d’explication
Comment la mémoire collective a utilisé les Croisades Albigeoises ?
L’épisode cathare a beaucoup été utilisé par les politiques. Du XIIIe au XIXe siècle, les anticléricalistes glorifient l’héroïsme des cathares, tandis que les conservateurs eux présentent ces hommes comme des nuisibles dont l’existence attentait à l’unité du royaume de France et de la foi chrétienne. Toujours du côté de la droite française, le catharisme est décrié. Il s’agirait d’un mouvement du bas peuple* inculte, lié à l’ennemi espagnol. Les historiens comme Maurice Jallut dans Philippe Auguste fondateur de l’unité française reprennent les idées formulées par la droite française. Ils reconnaissent le caractère excessif de l’entreprise menée par les croisés, mais justifient sa violence par le bien commun, la nation, et la relativisent en soulignant la brutalité du monde dans lequel ils vivaient. Dans cette perspective, l’élimination de l’hérésie est présentée comme un moindre mal.
Au contraire, les partisans de la gauche mettent l’accent sur deux éléments : l’iniquité des jugements dont ont souffert les cathares et la convoitise des croisés. Ce serait la perspective de s’accaparer les ressources de la région qui aurait motivé les croisés à se rendre dans le Languedoc. Le soulèvement de la population occitane est explicitement rattachée à une figure prérévolutionnaire, une sorte d’avant 1789. Olivier de Montégut dans Drame Albigeois : Dénouement tragique de l’Histoire Secrète du Moyen Âge partage la représentation d’un midi humaniste, aux troubadours heureux réceptifs aux valeurs nouvelles (hérésie). En fin de compte, le catharisme était et demeure un sujet prisé par les débats politiques.
Parallèlement, la mémoire du catharisme s’observe à travers le phénomène néocathariste. Parti sur les traces de ce groupe aux tendances mystiques, Maurice Jallut explique que des croyances complotistes aux pratiques religieuses proches des cathares furent portées de génération en génération par des sociétés secrètes, avant de donner naissance au néocatharisme. Les années 60-70 sont marquées par l’essor du mouvement qui porte en lui la mémoire distordue de cathares victimes, “perpétuellement persécutés” ainsi que l’écrit André Nataf dans Le miracle cathare. Dans les années 60, la vulgarisation historique se développe elle aussi. Reprenant l’idée que la lutte contre le cathare a permis la construction du pays, elle s’inscrit tantôt dans la continuité d’historiens de droite tantôt de celle de gauche.
C’est celle-ci qui est relatée par Dominique Paladilhe dans Les grandes heures cathares. La représentation magnifiée d’un Midi florissant aux troubadours choyés par une noblesse tolérante pénètre profondément la mémoire et l’imaginaire collectif. Finalement, il faut attendre les années 80 pour que les historiens se réapproprient le sujet et changent cette vision.
*ce qui est faux. Nombreux sont les historiens à l’avoir démontré tels que Anne Brenon. Le phénomène cathare se développe d’abord et surtout dans les milieux bourgeois ou de la moyenne noblesse tels que les chevaliers et les aristocrates de la cour du comte de Toulouse. Ce n’est que progressivement qu’il trouve un écho parmi les populations rurales. Il est cependant vrai qu’une fois intégré, le catharisme des paysanneries fut plus difficile à déraciner que chez les élites sociales.
**en opposition aux hérétiques
L’Historiographie
Si au XIXème siècle le sujet se renforce dans sa dimension régionaliste, c’est l’influence du romantisme* qui nous intéresse. Empreintes de nostalgie, les œuvres affiliées au courant sont résolument tournées vers le passé. L’abondance des représentations médiévales** suscite ainsi un regain d’intérêt pour la question cathare comme c’est le cas de Napoléon Peyrat. Il participe à construire l’image d’une population unie et uniformément cathare luttant en chœur pour des idéaux nobles (tolérance, justice). Ce phénomène se traduit concrètement par l’exaltation du combat pour la liberté. L’épisode cathare devient alors un élément constitutif d’une mémoire à la fois régionale et nationale.
*mouvement artistique qui accorde une grande place aux descriptions poétiques, aux épanchements intimes, aux sujets sentimentaux, religieux, fantastiques, aux décors historiques (notamment médiévaux), exotiques (cnrtl)
** il n’y a qu’à voir Victor Hugo et Notre Dame de Paris, ou encore le poète écossais Walter Scott avec des œuvres comme Le Lai du dernier Ménestrel
Du coté des Historiens
C’est pendant la période contemporaine que le sujet cathare connaît une révision considérable. D’objet littéraire il devient un objet d’étude scientifique. Ainsi, c’est entre le XX et le XXIème siècle que les historiens tempèrent leurs propos en s’efforçant d’éviter les généralisations. Parmi la pléthore d’historiens concernés, nous en avons retenus trois :
Jean de Sismondi (1773 – 1843) :
Cet historien suisse s’appuie sur les chroniques médiévales de la période en dressant le tableau d’un midi rayonnant par son commerce, son fonctionnement démocratique* mais aussi tolérant grâce à la diversité de sa population (professeurs juifs, jongleurs sarrasins, troubadours). La région s’apparente alors à une sorte de berceau préhumaniste**. Dans cet ensemble, l’historien dresse un clivage entre les occitans et les ennemis de là-haut, du Nord.
Jules Michelet (1798 – 1874) :
A l’inverse, il présente une vision antithétique avec un midi infesté par des chrétiens dévoyés, tandis que le roi ramène la paix dans son pays. Il s’inscrit dans la continuité d’un système manichéen au travers duquel les cathares sont les mauvais qui divisent le royaume. Cet élément de déchirement du territoire que condamne Michelet, il le démontre par la fraternisation du comté de Toulouse et du royaume d’Aragon***.
Jean-Bernard Mary-Lafon (1810 – 1884) :
Si l’historien et linguiste confirme la thèse de Sismondi selon laquelle le Midi était parcouru de démocraties qu’il appelle “républiques provençales”, sa neutralité est compromise par ses origines et son attachement à l’histoire occitane.
En somme, ce n’est qu’après une professionnalisation de l’histoire et l’acquisition d’une méthode scientifique**** qui différencie la discipline des productions littéraires et des enjeux mémoriels que se multiplient des études plus rigoureuses sur le sujet. On retient notamment deux éléments marquants : la fin du système binaire opposant nordistes et sudistes, et la vulgarisation*****.
*les cités élisent leurs gouverneurs
**outre un retour à l’art antique, l’humanisme du XVIème siècle est caractérisé par la valorisation de l’esprit critique, la tolérance, une efflorescence artistique etc.
***c’est ainsi que le roi Pierre II d’Aragon, excommunié par le pape, meurt lors de la Bataille de Muret (1213). Il était alors l’allié du comte de Toulouse dont la tolérance envers les cathares irritait le pape et le roi catholique.
****c’est-à-dire un ensemble de règles qui structure le savoir produit par une science et qui va pouvoir vérifier son discours. Soit en le réfutant, soit en le validant. Par exemple, le croisement de sources en histoire est un élément de la méthode critique qu’appliquent les historiens. Cela consiste à réunir plusieurs documents sur un même fait et confronter les points de vue. Ce processus est antérieur aux années 60 et émerge déjà au XXème siècle comme susmentionné.
*****c’est-à-dire rendre intelligible un ensemble de connaissances plus ou moins hermétiques pour les profanes.
Conclusion
En conclusion, la vision des croisades albigeoises et des cathares a évolué dans le temps. D’abord sujet politique, utilisé par l’Eglise pour combattre les hérésies, elle est plus tard réutilisée à de nouvelles causes. Ainsi, les protestants l’utilisent comme un exemple de martyr. Voltaire l’utilisera, plus tard, contre le cléricalisme, en accusant l’Eglise catholique d’actes violents à travers le temps. Au XIXème siècle, l’histoire comme discipline s’engage vers une pensée scientifique, même si elle n’a pas encore de méthodologie. Cette absence de méthodologie universelle, pour exprimer et étudier les périodes historiques, entraîne les historiens de cette époque à se ranger dans des groupes de pensée. Ces groupes peuvent être défenseurs du sud et des cathares comme défenseurs du nord et des barons. Ces historiens donnent deux visions du sud, d’un coté un sud lettré et humaniste avant l’heure, et de l’autre un sud prisonnier des rois catalans, inférieur et perdu dans l’hérésie cathare. Il faut attendre les années 60 pour avoir une méthodologie rationnelle et organisée et ainsi obtenir des recherches scientifiques des Cathares et des Croisades. Cette période va permettre la vulgarisation auprès du grand public, et briser ainsi, les mythes autour des cathares. De nos jours, les croisades albigeoises et les cathares n’ont toujours pas révélé tous leurs secrets aux Historiens. Du côté du grand public, les cathares et leurs croisades passionnent toujours. Grâce à la vulgarisation et grâce aux nouvelles technologies, le public bénéficie maintenant de connaissances et de savoirs même si l’imaginaire persiste encore dans la mémoire collective de tous.
Pour aller plus loin !
Bibliographie
- ROQUEBERT Michel, “Histoire des Cathares. Hérésie, Croisade, Inquisition du XIème au XIVème siècle”, Perrin, Tempus, Paris, 2002, p. 537
- BRENON Anne, “Les Cathares”, Albin Michel, Paris, 2007, p. 304
- OLDENBOURG Zoé, “Le Bûcher de Montségur”, Gallimard, Folio Histoire, Paris, 1959, p. 608
- BUFFETAUT Yves, “Les cathares et la croisade contre les Albigeois”, Ysec, Paris, 2016, p. 120
- MARTEL Philippe, « Les cathares et l’histoire : le drame cathare devant ses historiens : 1820-1992« , Privat, Paris, 2002, p 203
Marie-Lou Dal Compare, Camille Dias – Licence Histoire – INU Champollion Albi