Les Jeux Pythiques, Isthmiques et Néméens [2025]

Le monde grec antique est impressionnant de par son foisonnement de jeux et d’activités sportives dont la pratique nous est parvenu avec l’exemple très iconique des Jeux Olympiques. Cependant il n’existe pas que ces jeux. En effet, d’autres cités ont copié ou -du moins- repris le concept de compétitions sportives qui s’organisent à l’échelle de la Grèce. D’autres jeux avec une certaine renommée nous sont parvenus par les sources et autres traces comme archéologiques. C’est le cas des Jeux Pythiques, Néméens et Isthmiques. Pourtant, peu d’historiens en parlent comme des jeux particuliers car les 4 jeux sont interconnectés dans un calendrier de 4 ans, nommé une olympiade où les athlètes avaient le temps de participer aux 4 jeux malgré leur distance géographique. Le monde grec se retrouvait sur sa passion commune pour la compétition sportive et un semblant d’unité inter-cités pouvait se ressentir au travers de ces évènements. De plus ces jeux ne sont pas laïcs, ils sont accompagnés de multiples cérémonies en l’honneur des Dieux, les grecs se retrouvaient donc aussi sur leur cosmogonie et leur système de croyance commune. Nous allons tenter au travers de cet article d’exposer les divers aspects de ces jeux. Ainsi quelles sont les caractéristiques des jeux pythiques, isthmiques et néméens dans la compréhension du sport en Grèce Antique ? Nous allons distinguer chacun des trois jeux en faisant au maximum abstraction des jeux Olympiques car chacun à sa quantité d’informations. Mais nous nous efforcerons de présenter les points communs entre ces trois jeux mais aussi les distinctions spécifiques. 

En Grèce, le lieu le plus incontournable est Delphes qui se situe en Phocide dans la Grèce centrale. Delphes est le siège de la Pythie, qui est une voyante aux capacités de divinations donnés par le dieu Apollon, les grecs étant croyants, venait la voir pour obtenir des présages des Dieux au travers de cet intermédiaire. Les Jeux pythiques font d’elle l’arbitre des Jeux. Les jeux sont bien sûr dédiés à Apollon et de sa victoire contre le serpent Python qui gardait Delphes. Les premiers jeux dont nous avons une trace sont ceux de 582 d’avant notre ère. La particularité des Jeux pythiques est que les jeux sont principalement musicaux (avec le chant) mais aussi des jeux verbaux  comme l’éloge, t les joutes verbales et la pantomime qui est un jeu de théâtre muet qui utilise des gestes, des mimiques et des mouvements corporels pour raconter des histoires ou exprimer des émotions. Mais il y aussi des jeux  sportifs comme la course à pied, la gymnastique, la lutte et la boxe. Le laurier de tempé remplace les premières récompenses monétaires par sa valeur symbolique. Le laurier est un des symboles d’Apollon. Le lieu où se déroulent les épreuves se situe sur la colline du Mont Parnasse à Delphes, où diverses installations étaient présentes pour les jeux, notamment un stade (au plus haut), puis le théâtre, le sanctuaire de la pythie et les différents trésors donnés par les cités. Un trésor désigne un bâtiment dans lequel une cité grecque dépose des fonds monétaires importants pour les Dieux (ici apollon) et s’assure son soutien dans des divinations de la pythie favorable. Ces trésors permirent à Delphes de s’enrichir très fortement car beaucoup de cités sont données pour le sanctuaire. Les gens les plus fortunés peuvent construire pour eux seuls un trésor. Il y a un chemin principal pour se déplacer dans le sanctuaire qui se nomme la Voie sacrée. Les processions religieuses et les athlètes l’emploient pour effectuer leurs tâches respectives. Les jeux se déroulent  entre juillet et août de la troisième année de l’olympiade (les jeux se déroulent principalement dans cette période peu importe l’année de l’olympiade). Delphes est aussi pour les grecs le nombril du Monde (grec) nommé omphalos, cela renforce son importance religieuse dans la conception grecque du monde. Pour soutenir la pythie, une ligue de chefs religieux nommée l’Amphictyonie pyléodelphique est un groupe international de religieux qui gère les jeux pythiques (dans le cas de Delphes) dont leurs déroulement, les sacrifices, les rituels et la protection des terres sacrées. La pythie dépend de ce groupe car elle doit être isolée du monde pour pouvoir entendre les paroles des Dieux. Ils sont le symbole de l’harmonie et de l’unité du monde grec. L’amphictyonie désigne les prêtres et la Pythie, ainsi que les théores chargés de faire connaître le début de la trêve sacrée et des jeux dans l’ensemble du monde grec. 

Un des vainqueurs des Jeux Pythiques est Timasithéos de Delphes qui a remporté trois fois les Jeux Pythiques au pancrace à la fin du VIème siècle avant notre ère.

Théâtre de Delphes où avaient lieu les épreuves musicales.

© Leonidtsvetkov

Les Jeux Isthmiques, également appelés concours isthmiques, sont organisés tous les deux ans sur l’isthme de Corinthe, ces jeux mêlaient compétitions sportives, célébrations religieuses et événements artistiques. Les Jeux Isthmiques trouvent leurs racines dans la mythologie grecque. 

Plusieurs légendes entourent leur création :

  • Sisyphe, roi légendaire de Corinthe, aurait institué ces jeux en l’honneur de Mélicerte (également connu sous le nom de Palaemon), un dieu marin né d’une tragédie familiale. Sisyphe aurait organisé des rites funéraires pour Mélicerte après avoir retrouvé son corps sur les rivages de l’isthme.
  • Une autre version attribue leur fondation à Thésée, roi d’Athènes, qui transforma ces rites funéraires en compétitions sportives dédiées à Poséidon. Thésée aurait également négocié avec les Corinthiens pour accorder aux Athéniens des sièges privilégiés durant les jeux.

Historiquement, les Jeux Isthmiques sont attestés dès 582 av. J.-C., avec des célébrations centrées autour du sanctuaire panhellénique de Poséidon situé sur l’isthme.

Les Jeux Isthmiques comprenaient une variété d’épreuves athlétiques et artistiques :

  • Courses à pied : Différentes distances, incluant le stade (192 m) et le dolichos (course longue).
  • Lutte et pugilat : sports de combat populaires dans la Grèce antique.
  • Pentathlon : Un ensemble d’épreuves comprenant le lancer du disque, le lancer du javelot, le saut en longueur, la course à pied et la lutte.
  • Courses hippiques : Courses de chevaux et de chars.
  • Course maritime : En raison de la proximité avec la mer, des courses de bateaux étaient également organisées.

À partir du Ve siècle av. J.-C., des compétitions musicales, poétiques et dramatiques furent ajoutées. Ces concours incluent :

  • Des récitations de poésie épique ou lyrique.
  • Des représentations théâtrales.
  • Des performances musicales dédiées aux divinités grecques.

Les Jeux Isthmiques étaient avant tout une célébration religieuse dédiée à Poséidon, dieu des mers et des chevaux. Les festivités commençaient par des sacrifices au temple de Poséidon situé près d’un bois sacré sur l’isthme. Ces rites visaient à invoquer la protection divine pour les participants et les spectateurs.

Statue de Poséidon conservée au Musée national  

© zunkir

Les vainqueurs des Jeux Isthmiques recevaient une couronne faite de céleri sauvage ou de pin, symboles d’humilité et d’honneur. Ces couronnes mettaient en avant l’esprit compétitif mais non mercantile des concours panhelléniques.

Les Jeux Isthmiques étaient ouverts à tous les Grecs, renforçant ainsi leur identité collective. Ils servaient non seulement à démontrer les prouesses physiques mais aussi à célébrer l’unité culturelle et religieuse du monde grec antique. Leur popularité rivalise parfois avec celle des Jeux Olympiques.

Les Jeux Isthmiques incarnent une tradition riche mêlant sport, art et religion dans un cadre mythologique fascinant. Bien que leur influence ait diminué avec le temps, ils restent un témoignage vibrant de la culture panhellénique et du rôle central que jouent les compétitions dans la société grecque antique.

Les Jeux Néméens étaient organisés tous les deux ans dans l’Antiquité grecque. Dédiés à Zeus, ces jeux se tenaient dans la petite ville de Némée, au cœur d’un sanctuaire sacré. Plongeons dans l’histoire fascinante de ces jeux qui mêlaient mythologie, compétition et culture.

Deux récits principaux expliquent l’origine des Jeux Néméens :

  1. Le mythe d’Opheltes : Selon Pausanias, les jeux furent institués en l’honneur d’Opheltes, un jeune enfant tragiquement tué par un serpent. Alors que sa nourrice Hypsipyle guidait les guerriers des Sept contre Thèbes vers une source d’eau, le bébé fut laissé sur un lit de céleri sauvage et attaqué par un serpent. En hommage à sa mort, les guerriers organisèrent des jeux funéraires qui devinrent les Jeux Néméens. Opheltes fut ensuite surnommé Archemoros, signifiant « celui qui annonce la mort ».
  2. Héraclès et le lion de Némée : Une autre légende attribue la fondation des jeux à Héraclès après qu’il eut vaincu le lion de Némée lors de son premier travail. Pour célébrer cette victoire et honorer Zeus, Héraclès aurait instauré ces compétitions.

Les Jeux Néméens proposaient une grande variété d’épreuves athlétiques et équestres, similaires à celles des autres concours panhelléniques :

  • Stadion : Une course à pied sur environ 178 mètres.
  • Diaulos : Une course doublement longue que le stadion (355 mètres).
  • Dolichos : Une course de fond dont la longueur exacte reste incertaine.
  • Hoplitodromos : Une course en armure où les participants portaient casque, bouclier et parfois des jambières.
  • Pankration : Un mélange brutal de lutte et de boxe avec peu de règles.
  • Pentathlon : Incluant la course à pied, la lutte, le lancer du javelot, le lancer du disque et le saut en longueur.

Les courses de chars (tethrippon) et les courses à cheval (kélès) se déroulaient dans un hippodrome. Ces épreuves se distinguaient par leur ouverture aux femmes en tant que propriétaires de chevaux ou de chars, bien qu’elles ne participaient pas directement aux courses.

Les Jeux Néméens étaient profondément enracinés dans la religion grecque antique. Ils se déroulaient dans un sanctuaire dédié à Zeus et incluaient des sacrifices rituels pour honorer le dieu suprême. La couronne remise aux vainqueurs était faite de céleri sauvage, une plante associée à Opheltes, symbolisant à la fois la vie éphémère et le triomphe.

Le sanctuaire de Némée © Carole Radatto

À leurs débuts, les Jeux Néméens étaient fortement militarisés. Seuls les guerriers et leurs fils pouvaient y participer. Les épreuves comme la course en armure reflétaient cet héritage martial. Avec le temps, les jeux s’ouvrirent à tous les Grecs libres, devenant une célébration panhellénique plus inclusive.

Après avoir disparu pendant des siècles, les Jeux Néméens ont été ravivés en 1996 grâce aux efforts du Society for the Revival of the Nemean Games. Ces interprétations modernes permettent aux participants du monde entier de revivre l’expérience antique en courant pieds nus dans des tuniques traditionnelles au sein du stade restauré de Némée. Les vainqueurs reçoivent encore aujourd’hui une couronne de céleri sauvage.

Les Jeux Néméens incarnent l’esprit compétitif et religieux qui définissait la Grèce antique. Ils servaient non seulement à démontrer la force physique mais aussi à renforcer l’unité culturelle entre les cités-États grecques. Aujourd’hui encore, leur renaissance témoigne d’un profond respect pour ce patrimoine historique unique.

En revisitant ces traditions ancestrales, nous renouons avec un passé où sport, mythe et communauté s’entrelacent harmonieusement pour célébrer l’humanité dans toute sa splendeur.

La fin des Jeux Pythiques, Néméens et Isthmiques s’inscrit dans le déclin général des Panhelléniques sous l’influence de Rome et l’essor du christianisme. À partir du IIe siècle av. J.-C., la domination romaine affaiblit le soutien aux compétitions grecques, les considérant comme des célébrations païennes incompatibles avec les valeurs chrétiennes. Les Jeux Néméens furent déplacés à Argos en 271 av. J.-C., avant d’être progressivement abandonnés sous la pression impériale contre les rites polythéistes au IVe siècle apr. J.-C. Les Jeux Isthmiques, eux, continuèrent sporadiquement après la destruction de Corinthe en 146 av. J.-C., mais disparurent également vers la fin du IVe siècle, lorsque les cultes païens furent interdits. Quant aux Jeux Pythiques, leur célébration à Delphes persista jusqu’à environ 424 apr. J.-C., malgré l’essor du christianisme et le déclin des sanctuaires païens. En 393 apr. J.-C., l’empereur Théodose Ier interdit officiellement les jeux panhelléniques, marquant ainsi la fin définitive de ces festivités historiques. 

Les jeux pythiques, isthmiques et néméens occupent une place fondamentale dans la compréhension du sport dans la Grèce antique, chacun incarnant des aspects distincts mais complémentaires de la culture grecque. Ces compétitions, bien que inférieures en notoriété par rapport aux Jeux Olympiques, étaient néanmoins profondément enracinées dans la société grecque et reflétaient les valeurs de la polis, de la religion et de la guerre.

En conclusion, les jeux Pythiques, Néméens et Isthmiques témoignent de la richesse culturelle et religieuse de la Grèce antique, où sport, art et spiritualité s’entrelacent harmonieusement. Ces compétitions panhelléniques, dédiées respectivement à Apollon, Zeus et Poséidon, incarnaient bien plus qu’un simple rassemblement sportif : elles renforçaient l’unité entre les cités-États grecques tout en honorant les divinités. Bien que leur influence ait décliné avec la montée du christianisme et la domination romaine, leur héritage perdure comme un symbole de la grandeur culturelle de l’Antiquité. Aujourd’hui, ils nous rappellent l’importance des valeurs de dépassement de soi, de célébration collective et de connexion spirituelle dans une société.

Bibliographie:

Sources primaires :

  • Pindare, Néméennes, texte établi et traduit par Aimé Puech, Paris, Les Belles Lettres, 1923.
  • Pindare Tome IV, Isthmiques et fragments, texte établi et traduit parAimé Puech, Paris, Les Belles Lettres, 1961.
  • Pindare, Pythiques, 2000, texte établi et traduit par Aimé Puech, Paris, Les Belles Lettres, 2000

Ouvrages et articles spécialisés :

  • BRUIT ZAIDMAN Louise, SCHMITT PANTEL Pauline, La religion grecque dans les cités à l’époque classique, 4ème éd, Armand Colin, Paris, 215 p. 
  • COGAN, Gwenola. « Les concours des cités à l’époque de Pindare : Panhelléniques et chrêmatites ? », Dossier : Émotions, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2011.
  • DECKER Wolfgang et THUILLIER Jean-Paul, Le Sport dans l’Antiquité, Égypte, Grèce, Rome, A. et J. Picard, 2004. 
  • LEVEQUE Pierre et SECHAN Louis, Les grandes divinités de la Grèce, Paris, Armand Collin, 1990 (1re éd. 1966).
  • MARTINETTI, Anne, Sur la piste des jeux antiques, Malakoff, Armand Colin, 2024.

Clément Fugit (L2), Tanguy Montesinos (L2), et Alex Guinvarch (L1)