“Les Monuments aux morts ont pris place dans chaque village de France comme des témoins muets de la guerre. Ils sont des marqueurs de notre histoire, de notre mémoire nationale et de notre volonté de ne pas oublier”, Pierre Nora, Les Lieux de mémoire
Au lendemain de la 1ere guerre mondiale, les monuments aux morts s’élèvent partout en France, inscrivant la mémoire des disparus dans le paysage communal et national. Ce sont des témoins silencieux des mémoires de guerre, des symboles de notre histoire et de notre mémoire collective. C’est sous un besoin profond de faire le deuil que les monuments aux morts s’érigent , et ont joué un rôle majeur dans ce processus de mémoire. Il existe deux types principaux de monuments : le cénotaphe, qui est un monument sans corps, et la nécropole qui abrite les corps des soldats tombés au combat. Les monuments aux morts sont généralement inscrits avec les noms des soldats et ce jusqu’en 2012. Où chaque
village décidait lui-même des noms à inscrire, à l’exception des soldats étrangers. Certains villages ont plusieurs monuments, cela est dû à l’histoire locale et aux perceptions collectives. C’est le cas dans le Midi de la France, où la réputation des soldats du Sud a été ternie par une image de lâcheté due en partie à l’affaire du XVe corps durant la guerre. Cette perception a longtemps affecté la construction des monuments dans cette région. L’érection des monuments aux morts a évolué avec le temps s’ouvrant à d’autres conflits et continuent d’évoluer, influençant la manière dont les français commémorent les pertes humaines au sein des générations suivantes. Ainsi, les monuments ne sont pas seulement des témoignages du passé, mais une évolution dont la mémoire des conflits s’adapte aux attentes des sociétés actuelles.
Le pacifisme des monuments aux morts, une histoire spécifique au Midi
Les monuments aux morts reflètent les particularités locales liées à l’histoire de la région. Ils sont érigés à la demande des habitants afin de commémorer leurs morts. L’inscription de ces différentes particularités permettent aux habitants de s’approprier ces lieux de recueillement. Dans l’espace méridional, ces monuments se distinguent par leur caractère pacifiste.
Pour comprendre le message pacifiste de ces monuments aux morts, il faut remonter au XVIIIe siècle et étudier la littérature populaire. Elle dépeint les méridionaux comme des lâches, bruyant préférant les plaisirs de la vie au travail. En somme, ils sont tout l’inverse des habitants du nord et cela crée une différenciation entre les populations du nord de la France et celles du Sud. L’anti-méridionalisme est créé donc à partir de cela. L’affaire du XVe corps d’armée lors de la Première Guerre mondiale renforce ce ressentiment envers les habitants du midi.
De fait, ce sont les méridionaux qui sont choisis afin de dédouaner les mauvaises stratégies employées par les officiers généraux. En effet, les Alliés sont écrasés et perdent beaucoup de terrain. Le ministre de la guerre, Aldophe Messimy, a un besoin de désigner un responsable pour ces pertes de territoire. Suite à une mauvaise stratégie de Joffre sur le front lorrain, le XVe corps ainsi qu’un corps lorrain abandonna leur poste face à l’arrivée des Prussiens. Ainsi, le ministre de la guerre donne comme explication que c’est la lâcheté des “gens du midi” qui a entraîné cette perte de territoire. A partir de ce moment-là, la France est divisée en deux régions, le Nord et le Sud. La réponse des méridionaux est pacifique. Il n’y a pas de mouvement contestataire violent mais seulement des communiqués de presse démentant leur dite “lâcheté” afin de rétablir leur réputation.
Les familles restées à l’arrière sont, quant à elles, démunies face à ces insultes et voient la guerre comme un prétexte d’acharnement à leur encontre. Elles y sont opposées. De ce fait, les monuments aux morts ne montrent pas le poilu héroïque et la veuve fière de son mari qui s’est battu pour la patrie mais ils montrent le traumatisme de cette guerre. Ils représentent des poilus désarmés face à cela comme à Mazaugues dans le Var ou encore ils prônent l’importance de la paix.
Une mémoire sous le mouvement national
Le Midi se met peu à peu à suivre le mouvement commémoratif national. Après la Seconde Guerre mondiale, la population s’implique activement : à la demande des familles et d’associations, les noms des morts de ce conflit sont ajoutés aux monuments aux morts. Dans le Sud, où la Résistance fut très active (maquis de la Montagne noire, de l’Aubrac), certains monuments intègrent des symboles résistants comme la croix de Lorraine. Les collectivités locales cherchent à effacer les divisions entre collaborateurs et résistants en rendant hommage à tous les citoyens. Dans les années 1960, de nouveaux noms sont gravés, notamment ceux de résistants, pour reconnaître officiellement leur rôle dans l’histoire nationale. Aujourd’hui, ils figurent aux côtés des Poilus de la Grande Guerre. Également, dans plusieurs villes du Languedoc, les noms de plusieurs déportés juifs apparaissent sur les monuments pour inclure toutes les victimes de la guerre. Ce processus, plus lent, s’accélère en 1960 avec la reconnaissance officielle des déportés juifs comme « Morts pour la France ». Dans les années 1970, la mémoire de la Shoah prend de l’importance. L’ajout des noms des victimes juives sur les monuments témoigne de leur intégration à la mémoire collective, aux côtés des autres victimes de guerre.
L’État, qui encourage cette unification nationale, organise des commémorations par le biais des municipalités, notamment le 11 novembre. Initialement dédiée aux victimes de 1914-1918 (loi du 24 octobre 1922), cette date devient après 1945 un hommage aux morts de tous les conflits. Sous l’impulsion de De Gaulle, la Résistance est intégrée au récit historique national, associée à la continuité des combats de la Première Guerre mondiale pour renforcer l’unité de la nation. Le Midi, avec des groupes comme le maquis de la Montagne Noire, trouve ainsi sa place dans cette mémoire nationale, au-delà des
différences régionales ou politiques. Les cérémonies du 11 novembre, avec des symboles comme la Marseillaise et le drapeau tricolore, rappellent que tous les combattants, soldats ou résistants, ont défendu la nation et ses valeurs républicaines. Depuis la loi du 28 février 2012, cette journée honore tous ceux « morts pour la France », peu importe la guerre ou la région. Après 1945, la mémoire de la Résistance a servi à unir les Français, mais depuis les années 1990, la politique mémorielle cherche aussi à reconnaître les faits historiques et à réparer les blessures du passé. En 1995, Jacques Chirac reconnaît la responsabilité de l’État français dans la collaboration avec l’Allemagne nazie, assumant ainsi les zones d’ombre de l’histoire pour rassembler la nation autour de la mémoire de toutes les victimes.
Une évolution de la mémoire
En outre, suite à la décolonisation, la mémoire oubliée des soldats des colonies a progressivement été rétablie. Ce n’est qu’au cours de ces 20 dernières années qu’il y a eu une reconnaissance politique grâce aux discours présidentiels et des discours officiels du 11 novembre . En effet, les guerres contemporaines auxquelles la France a participé suit un élargissement de la commémoration . De plus, la France a instauré des journées nationales de deuil comme le 19 mars qui est la journée nationale du souvenir et de recueillement en mémoire des victimes de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc. Le sud fut beaucoup touché par la commémoration dû à l’arrivée des combattant des guerres contemporaines française. Cette commémoration inclusive est légiférée par des lois mémorielles comme la loi Gayssot. Chaque 11 novembre, les cérémonies de commémoration d8e la Première Guerre mondiale rendent hommage aux soldats morts pour la France. Aujourd’hui cette commémoration tend vers de nouvelles transformations.
Effectivement, la mémoire à l’ère numérique se situe entre accès facilité et risques de déconnexion de la population. Par exemple, la numérisation des archives et des monuments permet de révolutionner la manière dont nous accédons à l’histoire.
Grâce aux bases de données en ligne et aux initiatives locales, vous pouvez consulter des documents et témoignages d’époque en quelques clics seulement. La commémoration du 11 novembre continue d’évoluer et combine désormais cérémonies officielles, événements culturels et tourisme commémoratif.
Des obstacles à la mémoire
Certaines reconnaissances tardent car les monuments aux morts sont souvent classés comme patrimoine historique. Il est donc impossible, ou très compliqué, d’y ajouter de nouvelles inscriptions. De plus, la question mémorielle est sensible. D’anciens débats sur la place des différents acteurs de la guerre dans notre histoire peuvent être raviver avec la modification d’un monument. La transition numérique pose aussi des questions : Si elle facilite la transmission des connaissances, elle risque aussi de créer une distance avec les lieux de mémoire physiques. Cette consultation sur écran remplace-t-elle l’émotion ressentie face à un monument ? Cette commémoration peut finir à des fins touristiques transformant l’histoire en simple produit de consommation. La modernisation pose un défi : comment moderniser la mémoire sans en changer l officiel ? La diffusion du tourisme et de la commémoration menace de transformer l’histoire en un simple bien de consommation.
L’enjeu actuel est donc de maintenir le respect des victimes tout en adaptant la communication aux attentes contemporaines.
Bibliographie
Ouvrages :
- DAVID Franck, Comprendre le monument aux morts – lieu du souvenir, lieu de mémoire, lieu d’histoire, Paris, Codex, 2013.
- DALISSON, Rémi, 11 novembre, du souvenir à la mémoire, Paris, Armand Colin, 2013.-
- JOUTARD, Philippe, Histoire et mémoires, conflits et alliance, Paris, Armand Colin, 2013.
Articles :
- CLERVOY, Patrick, “Ce que racontent, dans le silence, les monuments aux morts”, Inflexions 41, 2019, n°2, 161-165.
- PROST, Antoine, “Les Français, la mémoire de la Grande Guerre et son centenaire”, Le Mouvement Social, 2019, n°269-270, p.165-183.
Réalisé par CHINCHOLLE Lucas (L1), LAURENCE Emilie (L2) et POULOT Samuel (L2).