Dieudonné Costes [2020]

Aviateur reconnu, Dieudonné Costes a su tirer son épingle du jeu de par multiples aspects. Son œuvre dépasse considérablement le seul cadre militaire et son désir d’aventure l’amènera sur un terrain au sein duquel il pensait ne jamais mettre les pieds. Grâce à une motivation exceptionnelle et à un courage exemplaire, il réussira à se constituer une carrière plus que glorieuse, tant dans le militaire que dans le civil. Né à Septfonds dans le Tarn-et-Garonne durant l’année 1892, il est pris de passion très tôt pour l’aviation et le pilotage.  Seulement, son parcours sera semé d’embûches avant qu’il ne parvienne à ses fins. Tout au long de notre propos, nous nous demanderons en quoi le parcours de Dieudonné Costes illustre sa soif d’aventure.

 

La guerre comme moyen d’évasion

Dès le mois de septembre 1912, il réussit à obtenir le brevet civil. Treize mois plus tard, Costes décide de s’engager dans l’armée uniquement dans le but d’intégrer l’aéronautique militaire. Cependant, il n’a pu devenir pilote de chasse car aucun avion n’était disponible. Il a donc été réquisitionné en tant que pompiste. A la fin de son service,  il décide de passer son brevet militaire le 10 juillet 1915. Brillamment diplômé, il est directement affecté en tant que moniteur. Quatre mois plus tard, il s’engage sur le front d’Orient.

Avion Farman avec lequel Costes vole.

Il commence par une mission de reconnaissance afin de révéler les positions ennemies dès le début de l’année 1916.  Dès le départ, il se montre très motivé et volontaire. Le 11 juillet, il reçoit sa première citation : il est alors nommé sergent à la suite d’une action pleine de courage. En effet, il réussit à prendre en chasse un avion ennemi alors que son appareil est sérieusement endommagé. Il gravit rapidement les échelons et se forge une belle réputation. Aucun type d’avion ne lui est refusé. Il est finalement surnommé « l’as des as » de l’armée d’Orient, notamment pour ses capacités de chasse et de bombardement. Auréolé de six victoires officielles et 54 combats aériens, quatre nations lui offrent des distinctions militaires.

Le vainqueur de l’Atlantique

A la suite de la Première Guerre mondiale, Costes s’engage dans l’aviation civile. Dès lors, la chasse aux records constituera pour lui une obsession. Sa première tentative restera vaine : en 1925, il tente le record du monde du distance en ligne droite mais son appareil s’écrase à Francfort. Son copilote meurt. Le décès de celui-ci n’échaudera pas Dieudonné. L’année suivante, il réédite l’expérience, avec succès cette fois-ci. Il part en effet de Paris et atterrit à Jask (Iran), parcourant ainsi 5396 kilomètres. Mais Costes n’est pas rassasié, une idée germe dans son esprit. Il souhaite faire la traversée de l’Atlantique Nord. Il entreprend donc, durant l’année 1927, de décoller du Sénégal et d’arriver jusqu’au Brésil, sans escale. Grâce à cet exploit inédit, Costes reçoit la Légion d’honneur. Cependant, il semble ne pas être totalement repu.

Après ses différents records, Costes décide de retenter la traversée de l’Atlantique aux côtés de Maurice Bellonte. Ils partent le 1er septembre 1930 à 9h54 et volent au-dessus de l’Atlantique à partir de 15 h. Ils sont suivis de près par une chaîne de bateaux tout au long de leur périple. Le 2 septembre, ils atterrissent à New York à 23h18 (vidéo de l’exploit ici). Ils y sont accueillis par la foule et les journalistes. Une liaison radio est réalisée avec Paris permettant de suivre l’événement en direct. Dès le 4 septembre, ils entreprennent de faire un tour des États-Unis au cours duquel ils rencontrent le Président Hoover ainsi que l’aviateur Charles Linbergh qui a réalisé la traversée inverse, New York-Paris. Ils repartent pour la France le 17 octobre en bateau et arrivent au Havre le 24 du même mois. Ils volent ensuite jusqu’à Paris et sont félicités publiquement par le Président de l’époque, Gaston Doumergue.

Dieudonné Costes et Maurice Bellonte au départ de Paris.

 

L’espion au service des Alliés

En 1940, Costes doit traiter avec le capitaine de la Luftwaffe Karl Abt, afin de superviser des commandes de moteur. Abt présente Costes à l’agent Schaller. Pour ce dernier, ce serait une recrue de premier choix car il était déjà connu dans le monde entier grâce à ses exploits aéronautiques. S’en suit sa première mission en Afrique du Nord en avril-mai 1941 : son but est de convaincre les allemands qu’il y a une absence d’infrastructures industrielles et d’ouvriers compétents. Lors d’une autre mission, il est chargé de divulguer pour l’Amérique l’état de production militaire grâce à un récepteur radio fourni par des agents de l’Abwehr. En ce qui concerne la fameuse opération COCASE, elle consistait en la divulgation de « vraies-fausses » informations de Costes vers un haut responsable allemand sur l’emplacement du débarquement en France afin de les induire volontairement en erreur. Elle se déroula à partir de février 1944 et Dieudonné exécuta les ordres du contre-espionnage américain.

C’est la stupeur le soir du 27 juin 1947 lorsque les Français apprennent l’arrestation de Dieudonné avec pour motif : intelligence avec l’ennemi. L’article du journal Le Monde, corrosif, avance l’idée que Costes a fondé un réseau d’espionnage nazi. Le 1er juillet, une confrontation a lieu au tribunal  avec Heinrich Baake, ex agent de l’Abwehr qui aurait dénoncé Costes. Dieudonné doit s’expliquer sur ses missions de livraison fin 1940 des plans de deux moteurs Hispano-Suiza et de la remise aux Allemands de renseignements à la suite du voyage en Afrique du Nord en 1941. Emprisonné à Fresnes, Dieudonné ne perd pas espoir mais sa vie trépidante d’antan s’est stoppée net. Il végète jusqu’au début du mois de mars 1949. Dès lors, il comparaîtra pour les mêmes chefs d’accusation que précédemment. Costes avoue avoir rencontré Schaller mais nie la connaissance de ses fonctions au sein de l’Abwehr. Costes dit avoir toujours « roulé » les Allemands et avance qu’ils veulent à présent se venger.  Il réussit à prouver les mensonges de Baake par des incohérences telles que le passeport en Afrique que Baake aurait photographié, or Costes n’en avait pas eu besoin car un simple ordre de mission suffisait. Costes finit par être acquitté par 5 voix contre 4 mais dans la presse, on continue à douter de cet homme à l’instar du titre de cet article du Figaro : « L’acquittement de Costes ou les vertus de la corruption ». Victime d’une artérite qui lui vaut d’être amputé d’une jambe, il décède par la suite le 18 mai 1973.

 

Un courage irréprochable, une audace sidérante, une ambition extrême et une motivation à toute épreuve : Costes a toutes les qualités du héros d’aventure. Il saura remettre en cause ses prouesses d’aviateur pour réaliser des missions obscures car c’était avant tout un modeste patriote loyal qui aimait bien rester dans l’ombre. Par son œuvre, Dieudonné Costes est destiné à garder une place de choix  dans la première moitié du XXe siècle.

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Bibliographie