Les Amphithéâtres en Gaule Narbonnaise (2025)

Vue du haut, amphithéâtre de Nîmes, photo personnelle, Noémie Massol

Édifiés entre le Ier et le IIe siècle de notre ère, les amphithéâtres en Gaule narbonnaise sont des édifices de spectacles issus de la période de l’Antiquité. Ce sont des édifices de forme elliptique, de forme ovale, c’est cette forme caractéristique qui nous permet d’identifier un amphithéâtre d’un théâtre romain. Un amphithéâtre est alors une structure architecturale, à gradins, arène et coulisses destinés aux spectacles. C’est un édifice urbain issu de l’art romain. En effet, le Colisée est l’amphithéâtre Flavien, construit vers l’an 71 après J.-C. sous l’empereur Vespasien. C’est sur ce modèle que se basent les amphithéâtres en Gaule narbonnaise que nous avons étudiés. En effet, la Gaule romaine est le territoire gaulois colonisé par Rome vers 118 avant J.-C. Cette dernière est découpée en quatre provinces par Auguste vers 15 avant J.-C. : la Gaule Lyonnaise, la Gaule narbonnaise, la Gaule Aquitaine et la Gaule Belgique. Le territoire de la Gaule narbonnaise est celui qui s’étend des Alpes aux Pyrénées. C’est un territoire conquis par Jules César vers 58 av. J.-C. et qui sert de départ pour les conquêtes de la Gaule. Elle a dans un premier temps pris le nom de Gaule Transalpine, mais a été nommée Gaule narbonnaise par l’établissement de sa capitale à Narbonne. C’est un territoire qui comprend de nombreux vestiges de cette invasion romaine. La période du Ier au IIIe siècle après notre ère, période d’édification des amphithéâtres en Gaule narbonnaise, en fait une période primordiale. Nous étudierons ici quelques sujets précis : l’amphithéâtre de Nîmes édifié entre 90 et 120 ap. J.-C., l’amphithéâtre de Narbonne édifié au IIe siècle de notre ère, l’amphithéâtre d’Arles édifié en 90 de notre ère et l’amphithéâtre de Purpan-Ancely à Toulouse édifié à la fin du Ier siècle de notre ère.
Nous avons de ce fait décidé d’opter pour une orientation archéologique, se basant sur des fouilles, les constructions, édifications et les éléments retrouvés au sein de ces amphithéâtres, mais également des sources littéraires afin de retranscrire les spectacles présents au sein de ces derniers.

Carte représentative de la Gaule Narbonnaise, www.INRAP.fr

I – L’édification des amphithéâtres et leur place au sein de la ville 

Les amphithéâtres de Gaule Narbonnaise sont construits sur le modèle des amphithéâtres construits par Flavien comme le Colisée en 71 apr. J.-C. Il a été construit en pierre à Rome. Il succède à plusieurs édifices en bois et vient fixer le modèle Flavien dans les mentalités. Les architectes se déplacent au sein de l’empire romain afin de diffuser la politique romaine dans tout le territoire. En Gaule Narbonnaise, les amphithéâtres commencent à être édifiés au début du Ier siècle et jusqu’au IIe siècle sur les modèles antérieurs en bois, puis parfois modifiés au fil du temps. Ils sont tous constitués des mêmes éléments car ils doivent répondre aux mêmes problématiques.

Tout d’abord, pour accueillir les jeux en eux-mêmes, l’arène, arena en latin pour sable, en forme d’ellipse, est l’endroit où le spectacle se déroule. L’utilisation de sable comme sol est réfléchie pour absorber le sang et faciliter le nettoyage, bien que les jeux ne soient pas composés que de combats sanglants. Dans les plus grands amphithéâtres, tels que celui d’Arles, sous la piste, se situent les coulisses. On y trouve des loges ainsi que des systèmes de trappes pour faire arriver les combattants et animaux directement dans l’arène. Dans le grand amphithéâtre de Rome, un système pour remplir l’arène d’eau permet des combats navals. Pour regarder ce spectacle, les spectateurs sont placés dans les gradins. Les sorties se font par les vomitoires. Les escaliers descendent dans la cavea et rejoignent l’extérieur. Lors des jours de fort soleil, pour faire de l’ombre, un velum est déployé, c’est un drap en lin fixé sur l’attique, le mur supérieur du haut des gradins. Enfin, les amphithéâtres sont des lieux de vie.
Ainsi, les amphithéâtres sont construits près des principaux axes de circulation afin d’attirer le plus grand nombre de personnes. Ils suivent alors le terrain vallonné ou sont construits sur des surfaces planes. L’amphithéâtre d’Arles est construit sur un terrain en pente creusé et donc aplani. L’amphithéâtre de Fréjus est, lui, en partie appuyé sur un flanc de la colline ; c’est une structure mixte, c’est-à-dire qu’une partie de la cavea est pleine d’un côté et creuse de l’autre.

Comme dit plus haut, les amphithéâtres de Nîmes et Arles suivent le modèle du Colisée. Tout d’abord, ils ont tous deux des proportions similaires. L’amphithéâtre de Rome peut accueillir environ 50 000 spectateurs. L’édifice d’Arles peut accueillir 23 000 spectateurs et 22 000 pour celui de Nîmes. Pour le style d’architecture, l’amphithéâtre d’Arles est, au rez-de-chaussée, toscan (austère) comme le Colisée et au 1er étage, de style corinthien (plus décoré) comme les deux étages les plus hauts du Colisée. L’amphithéâtre de Nîmes, qui s’est probablement inspiré de celui d’Arles, est, lui, entièrement de style toscan. Cela nous montre une connexion, des liens entre les arts au sein de l’empire romain. Ainsi, la possibilité que le même architecte ait travaillé sur les deux édifices, Arles et Nîmes, est envisagée par l’archéologue Jean-Claude Golvin.

Ces amphithéâtres en Gaule narbonnaise ont pris place au sein de l’architecture en Gaule par le financement de certains notables. En effet, ces amphithéâtres devaient montrer la puissance, l’influence et représenter l’Empire romain en Gaule. Robert BEDON, au sein de son ouvrage Architecture et urbanisme en Gaule romaine, explique de ce fait qu’il s’agissait de « donner au peuple ainsi rassemblé une image de lui-même ». En ce sens, le financement de ces amphithéâtres permettait à ces notables de montrer leur richesse, leur puissance ainsi que leur influence romaine sur un territoire conquis, ici la Gaule. Ce type de financement est alors appelé l’évergétisme. L’évergétisme est : « le fait que des citoyens riches, des étrangers et des souverains rendent de leur propre initiative des services et offrent des dons aux cités, et qu’en retour, ces dernières reconnaissent publiquement ces actes comme des bienfaits », selon Marc Domingo Gygax, qui est un historien américain. En ayant cette reconnaissance, ces notables ont donc la possibilité de paraître puissants. Car également, ces financements permettaient d’édifier des structures plus grandes et imposantes, des édifices majestueux. Robert BEDON parle de rivalités entre familles, souvent à l’origine de ces conflits et de cette volonté de démonstration. Il est aujourd’hui assez compliqué de retrouver ces inscriptions en Gaule narbonnaise, car l’usure a partiellement ou totalement effacé ces dernières. En effet, les inscriptions présentes sur les amphithéâtres d’Arles sont abîmées, toutefois certains historiens sont parvenus à les déchiffrer. En effet, nous pouvons observer que les dalles des amphithéâtres ont été redessinées et assemblées afin de transcrire l’inscription apposée dessus. Il est alors possible de lire l’inscription Cauis Priscus. Caius Julius Priscus était un chevalier romain, un riche Romain. C’est pourquoi il est possible ici d’en déduire, ou supposer, que cette inscription détermine l’évergète ayant financé, en partie, l’amphithéâtre d’Arles et l’importance de ces financements.

II – Les pratiques au sein des amphithéâtres 

Les amphithéâtres en Gaule narbonnaise sont connus pour être des édifices culturels dédiés au divertissement, comme les jeux de gladiateurs, emblèmes de la civilisation romaine présents notamment dans le Colisée de Rome. Avec l’invasion romaine en Gaule, la culture a également suivi sur ce nouveau territoire conquis.


Grâce aux travaux de Françoise DUMASY sur Le théâtre et les amphithéâtres dans les cités de Gaule romaine : fonctions et répartition, plus précisément sur la religion et le théâtre, nous avons pu observer que les gladiateurs avaient une espérance de vie courte en raison des conditions de combat et de l’entraînement intensif imposé pour divertir la population. Certains étaient des esclaves ou des prisonniers condamnés, tandis que d’autres faisaient le choix volontaire de cette profession. La profession de gladiateur évolua à partir du Ier siècle avant J.-C., ce qui permit de développer de nouveaux équipements pour les combats dans l’arène, tels que : la manica, un brassard protecteur en cuir ; le subligaculum, un pagne destiné à cacher et protéger les parties génitales ; et enfin les fasciae, des bandes maintenant les chevilles. Ces éléments ont contribué à l’amélioration des conditions professionnelles des gladiateurs.

Une Manica, photo personnelle musée de l’amphithéâtre de Nimes.                    
Le Subligaculum, Source : Getty Images 

Après le développement de ces équipements, des catégories spécifiques de gladiateurs émergèrent. On distingue trois classes principales : tout d’abord, le retiarius, qui apparaît au Ier siècle avant J.-C. Il ne porte pas d’armure défensive et son objectif est de jeter un filet sur son adversaire, qui, lui, est armé d’une lance. Ce combat repose sur l’agilité, le repli stratégique et crée une nouvelle forme d’affrontement. Ensuite, une autre classe de gladiateurs se développe : les thraex. Le thraex est un gladiateur armé, muni d’un bouclier triangulaire, conçu pour le protéger en cas d’attaque. Lors des combats, il affronte le murmillo, un gladiateur qualifié de “lourd” en raison de son grand bouclier. Enfin, il existe les equites, des gladiateurs qui combattaient à cheval, vêtus d’une simple tunique. Avec le développement de la profession de gladiateur, on observe que chaque combattant développe sa propre spécialité et que le combat devient un art destiné à divertir la population. Dans les amphithéâtres de Nîmes et de Narbonne, afin de professionnaliser cette activité, des écoles de gladiateurs sont créées pour les former à l’art du combat. Une autre activité se développe dans l’amphithéâtre, en dehors des combats de gladiateurs : les venationes. Les venationes sont des jeux de cirque mettant en scène des animaux sauvages ou exotiques, comme des lions ou des éléphants, qui se battent entre eux ou contre des hommes.

Pour permettre ces spectacles, les arènes, comme celle de Nîmes, sont restructurées. Elles se dotent alors de galeries souterraines permettant de faire apparaître les fauves ou les gladiateurs directement sur la piste.

Représentation d’un combat entre un gladiateur et un animal sauvage, www.Odysseum.education.fr

Ces deux activités montrent que tout est mis en place pour divertir la population. À cette époque, la vie des gladiateurs est structurée avec des spécialisations et des écoles destinées à les former à l’art du combat. Par la suite, les spectacles se diversifient avec l’introduction de représentations d’animaux sauvages.Nous allons maintenant nous intéresser à une coutume peu connue des amphithéâtres : la religion.

À partir du règne d’Auguste, qui s’étend de 27 avant J.-C. à 14 après J.-C., un changement s’opère. Il ordonne la reconstruction des théâtres en amphithéâtres pour organiser des spectacles de plus grande ampleur et marquer la population conquise avec des constructions romaines. Lors de ces reconstructions, des sanctuaires sont intégrés aux édifices de spectacle.

L’amphithéâtre, initialement dédié aux représentations, devient sous Auguste un centre non seulement de divertissement, mais aussi politique et religieux. Le sanctuaire, appelé sacellum, est situé dans un espace retiré du bâtiment, au sein du cavea, partie formée par les rangées de gradins où prennent place les spectateurs lors des représentations. Le sacellum de l’amphithéâtre ne concurrence pas les grands sanctuaires situés au cœur de la cité, car son but est uniquement de vénérer les dieux et déesses liés aux jeux. Parmi eux :
• Mars, dieu des combats, à qui l’on dédie des armes comme la lance ou le bouclier ;
• Hercule, héros de la mythologie romaine, protecteur des athlètes et garant de leur sécurité ;
• Némésis, déesse de la justice, qui considère que la justice s’obtient par la force.

Lors des représentations, des rites et des vénérations leur sont dédiés.

Nous avons ainsi pu constater que les amphithéâtres en Gaule narbonnaise avaient une fonction de divertissement où la religion restait omniprésente. Sous Auguste, un autre type de représentation religieuse se développe : le ludi sacenci. Ces jeux, organisés dans l’arène, ont pour but d’apaiser les divinités et de les vénérer. Associer religion et spectacle vise à inculquer la culture romaine au peuple gaulois, fraîchement conquis par l’Empire en 50 avant J.-C.

Sculpture de Romelus et Remus, dans le char de Mars, Musei Capitolini, Roma
Sculpture d’Athéna, Musée Saint-Raymond archéologie Toulouse

La cavea en latin est l’espace dédié à ces gradins dans l’amphithéâtre. Cela constitue précisément le cercle autour de l’arène qui abrite des places pour les spectateurs des différents spectacles. Cette cavea est bien organisée. Les amphithéâtres ont pour but d’accueillir un grand nombre de personnes afin de propager des idées romaines au plus grand nombre et d’effectuer ce processus de “romanisation” de la Gaule narbonnaise. Les vestiges in situ nous permettent donc d’identifier cette construction de la cavea. Robert Bedon, dans son ouvrage Architecture et urbanisme en Gaule romaine, précise qu’il fallait donner au peuple une impression d’appartenance à une communauté. Rendre visible cette hiérarchie sociale, cette organisation des sociétés. L’attribution des places au sein de cette cavea était donc bien organisée. La partie basse était réservée aux notables de la ville. Plus près des spectacles, ils démontrent leur puissance. Quant au peuple, il était placé plus en hauteur. Cette position haute, contrairement à cette appellation, avait pour but de démontrer leur position modeste, loin des gradins ils avaient une visibilité plus réduite. Cette catégorisation au sein des amphithéâtres en Gaule narbonnaise avait donc une grande importance, dans une volonté de démonstration, car les amphithéâtres réunissaient l’ensemble des populations urbaines et des campagnes alentour.

Pour conclure notre projet de recherche sur la place et le rôle de l’amphithéâtre dans la Gaule narbonnaise, nous avons pu voir avec nos nombreuses sources que l’amphithéâtre n’était pas un simple édifice de spectacle, mais qu’il bénéficiait d’une place stratégique dans divers domaines : politique, religieux, géographique et social. Le but premier des édifices de la Gaule narbonnaise était, pour les envahisseurs romains, de réunir la population autour du divertissement pour inculquer au nouveau Romain de Gaule la culture romaine : la romanisation. Cet édifice représente la grandeur, la puissance et l’influence que Rome exerce sur le territoire. Encore aujourd’hui, ces amphithéâtres ont un rôle majeur dans la ville : Nîmes détient l’amphithéâtre le mieux conservé après le Colisée de Rome. Dans cet amphithéâtre, il se tient des représentations dans divers domaines. Cet édifice n’a plus la même importance mais garde un rôle spécial dans l’histoire.


Auteurs : MESBAH Anna (L2), MASSOL Noémie (L2), CAMPOS Anaïs (L1)

Bibliographie :

BEDON Rober, CHEVALLIER Raymond, PINON Pierre, Architecture et urbanisme en Gaule romaine. Tome 1. L’architecture et les villes en Gaule Romaine, Edition Errance, Paris, 1988.

FERDIERE, Alain, Les Gaules IIes av J.-C.-Ve s. ap. J.-C., Paris, Armand Colin, 2005.

BASLEZ, Marie-Françoise (dir), Catherine Wolff, Jean-Louis Voisin, Rome et l’Occident : 197 av. J.-C. – 192 ap. J.-C, Neuilly : Atlande, 2010.

DUMASY, Françoise, « Théatres et amphitéàtres dans les cités de Gaule Romaine : Fonctions et répartition », Etudes de Lettres, 2011, pp. 193-222.