Le 8e Régiment Parachutiste d’Infanterie de Marine (8e RPIMa), basé à Castres, constitue l’un des piliers fondamentaux de la défense nationale française, il incarne le courage des forces armées et perpétue une tradition d’excellence héritée des troupes de marine et des unités aéroportées.
La ville de Castres, qui a presque toujours été une ville de garnison, offre depuis plus de sept décennies un solide socle à cette unité d’infanterie. Le 8e RPIMa a su s’imposer comme une force opérationnelle majeure, intervenant tant sur le territoire national qu’à l’étranger, et ce, dans des missions aussi variées que cruciales. Ce régiment, dont le nom est devenu synonyme d’efficacité et de loyauté, perpétue avec fierté les traditions militaires tout en s’adaptant aux évolutions stratégiques et aux défis contemporains.
Au-delà de son rôle tactique et de sa contribution aux opérations extérieures, le 8e RPIMa est également le gardien d’une riche histoire. Cette histoire, tissée de faits d’armes et de sacrifices, forge l’identité de cette unité d’élite, ancrée dans l’esprit du « para » et des troupes de marine.
Cette introduction se propose donc de plonger dans l’histoire, le rôle opérationnel actuel, et l’héritage remarquable du 8e Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine de Castres, ainsi que son intégration dans la ville. En scrutant les racines de cette unité prestigieuse, nous chercherons à comprendre ce qui fait de ce régiment un acteur incontournable de la défense nationale, et quels sont les aspects sociaux, économiques et politiques de son intégration à Castres ?
I. L’histoire de Castres
a) Une ville de garnison
Dès sa création (IXe siècle), Castres s’érige en castrum, ou motte castrale, une fortification très répandue à cette époque, d’où la ville tire son nom. Au départ assurée par les hommes d’armes des différents seigneurs féodaux , la défense de la ville est très vite autogérée par des milices urbaines. En effet, des chartes lui sont accordées au IXe siècle par le vicomte d’Albi, privilèges qui dureront sans discontinuer jusqu’à la Révolution française. C’est le début d’une longue histoire militaire.
Les premières traces d’une garnison militaire régulière remontent au début du XVe siècle, avec l’installation d’un régiment de cavalerie royale. À la veille de la Révolution, le 18e régiment de Dragons, ex Dragons du Roi, appartenant aussi à la cavalerie, y tient garnison. En 1793, suite aux guerres de la Révolution, Castres demande à recevoir une garnison régulière. De 1794 à 1796, le 13e régiment de hussards stationne à Castres jusqu’à sa dissolution. L’année suivante (1797), Castres, suspectée d’être trop modérée dans le cadre de la Révolution, est privée de son rang de préfecture (obtenu en 1790) au profit d’Albi.
Sous l’Empire puis la Restauration, on profite du vaste fourrage présent autour de Castres pour y mettre au vert les chevaux des régiments de cavalerie, d’artillerie hippomobile ou du train des équipages. La ville est surtout un lieu de résidence temporaire pour des troupes en déplacement. Malgré un décret (1811) fixant le nombre d’hommes en garnison à 920, il faut attendre 1873 et 1874, dates respectives d’arrivée des 3e et 9e régiments d’artillerie de campagne, pour voir Castres se doter de garnisons régulières. Jusque-là, la ville demeure un carrefour de passage de régiments de cavalerie légère ou lourde, sans régiment unique à l’intérieur de ses murs. Le 3e et 9e RAC sont hébergés jusqu’au début de la Seconde guerre mondiale, où ils sont mobilisés.
Le nombre de garnisons à Castres atteint son apogée lors de l’Entre-deux-guerres. Entre 1923 et 1939 y stationnent, parfois simultanément : deux régiments de Dragons, le 115e régiment d’artillerie hippomobile, un régiment d’artillerie lourde, deux d’artillerie portée, le 20e d’artillerie, une partie du 15e régiment d’infanterie alpine, une brigade de gendarmerie, les bureaux de recrutements départementaux et le cercle de restauration des officiers. Vous trouverez ici la liste des régiments ayant stationné à Castres.
L’abandon du cheval comme moyen militaire, après la Seconde guerre mondiale, a eu un impact négatif sur la culture du foin, à l’instar de l’abandon du charbon de bois qui servait à fabriquer de la poudre noire. Cela a mis un frein à l’industrie des charbonniers de la montagne. De 1945 à 1955, Castres héberge successivement le 1er et le 2e régiment d’artillerie coloniale, puis le 13e de dragons parachutistes. Il n’y a ensuite plus de garnison jusqu’en 1962, avec l’installation du 8e régiment parachutiste d’infanterie de marine.
b) Une ville guerrière
Avec ses nombreuses garnisons, Castres a joué un rôle dans plusieurs conflits.
La première trace de sa participation à un conflit remonte à la bataille de Bouvines (1214), où la ville aurait envoyé des milices urbaines pour aider le Roi de France, Philippe II dit Auguste. Même si sa contribution reste anecdotique, Castres a joué un rôle dans la croisade des Albigeois (1209-1229), ou encore dans les Guerres de religions (1562-1598), tour à tour place forte catholique et protestante. Devenue place de sûreté protestante, la ville participe activement aux rébellions huguenotes sous Louis XIII, ou Guerres de Rohan (1621-1629).
Sous le Directoire puis l’Empire, Castres devient un pôle logistique majeur, notamment pour la cavalerie avec ses grands espaces, ses casernes héritées de l’Ancien régime, et sa forte production de fourrage.
Pour leurs faits d’armes lors de la bataille de Verdun, le 3e et le 9e régiment d’artillerie de campagne, reçoivent chacun une citation à l’ordre de l’armée (lire la citation du 3e RAC et du 9e RAC). Une citation à l’ordre est une distinction sous la forme de textes décrivant les comportements récompensés.
Lors de la Seconde guerre mondiale, les maquis et corps franc du Tarn jouent un rôle essentiel dans des opérations de sabotage et de guérilla : embuscade d’un train allemand entre Labruguière et Castres, ou encore sabotage du barrage de la Moulines et des ponts ferroviaires, empêchant ainsi l’envoi de renforts en Provence. Les résistants devaient même défiler au centre de Castres sous les fenêtres des dignitaires du parti nazi le 14 juillet.
c) Une ville industrielle impliquée dans l’armée
Ville industrielle et agricole, Castres a eu un rôle militaire majeur, et ce depuis les premiers régiments de cavalerie royale. Sa forte productivité de fourrage a permis de ravitailler bon nombre de régiment de cavalerie, ou hippomobiles. En sus, lors de la Première guerre mondiale, plusieurs quartiers castrais sont transformés en véritables arsenaux, produisant obus et munitions, nuit et jour.
Enfin, l’industrie textile florissante au sein de la ville a pu fournir à l’armée vêtements et uniformes, encore actuellement.
II. L’histoire du régiment
a) Issu et bercé par les guerres coloniales
Comme son nom l’indique, le 8e régiment parachutiste d’infanterie de marine est issu des troupes de marine. Malgré une appellation trompeuse, les troupes de marine sont une arme de l’Armée de terre française. Rattachées en 1900 au ministère de la Guerre, elles faisaient partie depuis leur création, en 1622 par le cardinal De Richelieu, du département de la Marine, où elles étaient les « 100 compagnies ordinaires de la mer ». Elles se caractérisent par leur spécialité de servir en dehors de la métropole, d’où leur nom. Rebaptisées « troupes coloniales » avec le durcissement des guerres coloniales à la fin du XIXe siècle, ces troupes reprennent le nom de troupes de marine en 1961 après les Indépendances. L’usage du terme colonial reste toutefois particulièrement présent dans leurs rangs, notamment dans le répertoire de chants.
Le 8 s’inscrit pleinement dans cette tradition. Créé en 1951 à Hanoï par le général Lattre de Tassigny, sous le nom de 8e bataillon de parachutistes coloniaux, il répond aux besoins de l’époque : la Guerre d’Indochine. Il participe ensuite à la Guerre d’Algérie, puis gagne Castres en 1962, où il devait demeurer sous son nom final de 8e RPIMa.
Pour en savoir plus sur l’histoire du 8 : cliquer ici.
b) Un des premiers régiments professionnels…
Un tournant majeur pour le régiment s’opère en 1970 : sa professionnalisation, ce qui entraîne l’intensification des incorporations. Un bureau de recrutement est créé, et les exigences sont peu élevées en vue du besoin d’effectifs. En 1975, ces derniers ne sont toujours pas satisfaisants alors que le Tchad réclame l’attention de la France. S’en suit alors une politique de valorisation, qui porte ses fruits : 10 ans après, on compte 700 hommes dans le régiment.
Pour en savoir plus sur la professionnalisation du 8 : cliquer ici.
c) … Qui s’inscrit dans la politique étrangère de la France
Depuis sa professionnalisation, le 8 participe à toutes les opérations extérieures de
la France.
À l’occasion du conflit israélo-arabe en 1978, le 8 est détaché au Sud-Liban sur
décision des Nations Unies : là, la Force intérimaire des Nations Unies au Liban
(FINUL) a une mission de maintien de la paix dans cette région meurtrie. Le 8e RPIMa y relève ses homologues du 3e RPIMa. Les casques bleus français stationnent jusqu’en 1979, et remplissent leur mission avec difficulté, mais peu de pertes : on dénombre moins de dix blessés sans gravité.
La même année, le régiment est dépêché au Tchad, lors de la guerre civile qui secoue le pays, et en Centre-Afrique, où il compose l’essentiel de l’opération Barracuda, chargée de soutenir le président qui avait subit un coup d’État. L’opération vise principalement à protéger les ressortissants français, le nouveau gouvernement, et appuyer les forces armées centrafricaines, notamment par l’instruction. Le contingent regagne Castres en 1981, et repart au Liban entre 1982-1983.
Ouganda, Rwanda, Zaïre, Congo, Polynésie, Nouvelle-Calédonie, Cambodge,
Yougoslavie, Kosovo, Macédoine, Mali, Irak, ou encore Afghanistan, et maintenant
au Sahel, le 8 répond présent dès qu’il est sollicité. En 2008, de jeunes engagés subissent de plein fouet une embuscade à Uzbin (Afghanistan), où huit soldats du régiment sont tués. Cette embuscade marque durablement le 8, qui subit le plus de ses pertes depuis la guerre libanaise. Tout récemment, 250 « paras » sont à la base OTAN de Constanta en Roumanie dans le cadre de la guerre en Ukraine, où ils participent à la mission AIGLE, pour le renforcement de la ceinture défensive du flanc est. L’exercice interallié, en Roumanie, Belgique, ou encore en Grèce constitue une large partie des exercices actuels de l’Armée française.
III. L’intégration réussie du régiment dans sa ville
a) L’arrivée à Castres
L’arrivée du régiment dans cette ville fait suite au long passé militaire de cette dernière : on l’a vu, depuis au moins le XVIIe siècle s’y succèdent de nombreux régiments. Depuis son implantation en 1962, Castres a joué un rôle particulier dans l’histoire du 8e RPIMa : la ville devient officiellement sa marraine en 1997, ce qui est une exception en France. Les armes de la ville sont arborées fièrement sur l’uniforme de cérémonie du régiment.
La ville de Castres a su répondre aux besoins spécifiques du 8e RPIMa en termes
d’infrastructures, notamment grâce aux installations des anciens régiments, offrant des terrains d’entraînement et des casernements adaptés. La production textile de la ville continue de fournir des habillements au régiment : le pressing du Sidobre ou encore le Bazeilles Store. Ce dernier tire d’ailleurs son nom de la bataille de Bazeilles (1870),
symbole des troupes de marine : le combat est encore célébré chaque année au sein de
ces troupes.
Cette relation s’est approfondie au fil des années, évoluant vers une coopération bénéfique tant pour la communauté militaire que pour les citoyens de Castres. L’installation du 8e RPIMa a renforcé les liens entre la population locale et l’armée, favorisant une dynamique positive entre les deux.
b) Impacts socio-économiques et politiques
Les impacts sociaux, économiques et politiques de l’arrivée du 8ème RPIMa à Castres sont
significatifs. Sur le plan social, l’installation de militaires et de leurs familles a apporté un
dynamisme démographique à la région. Les membres du régiment participent activement à la vie communautaire, s’intégrant pleinement à Castres par leur engagement dans des activités sociales. Peuvent être cités :
- la para night race, une course organisée dans la ville en passant par les monuments historiques, dont les fonds sont reversés aux militaires blessés en opération
- les célébrations du 11 novembre, auprès des lycées de la ville
- les journées du patrimoine à l’hôtel Beaudecourt, auxquelles participe le régiment
- un repas de noël ouvert aux civils
- une distribution de cadeaux de Noël de la part des élèves du lycée Barral pour les militaires qui devaient passer les fêtes en mission
Sur le plan économique, la présence d’une base militaire stimule l’économie locale. Les
investissements dans les infrastructures militaires bénéficient aux entreprises locales, créant des opportunités dans les secteurs de l’immobilier, de la restauration, de l’industrie ou des services.
La diversification de l’économie s’en trouve ainsi renforcée. Le régiment participe à la mise en avant du vin de Gaillac, qui est vendu au sein du personnel militaire, et le colonel est traditionnellement membre de la confrérie des vignerons. Ce sont également environ 1600 familles qui apportent de la main d’œuvre dans le marché du travail local, et une demande immobilière, en plus de constituer un apport de clientèle pour les producteurs locaux.
D’un point de vue politique, la relation entre la population locale et l’armée est étroite, en témoignent les votes à la municipalité majoritairement conservateurs. On compte aussi des interactions régulières entre les autorités locales et les responsables militaires, comme des rencontres entre le colonel de Courtivron et la directrice du cabinet du Tarn, Mme Quebre. Le colonel est en sus invité à toutes les cérémonies civiles. Le parrainage du régiment par la ville est également un élément politique important car il établit un lien
durable entre les deux entités : Castres protège le 8e RPIMa et le 8e RPIMa protège Castres. Il s’agit d’ailleurs d’une situation qui a fait l’objet de débat auprès du ministère de la Défense, qui s’y est d’abord opposé. Dans la continuité de cette idée d’interdépendance, l’un des conseiller municipaux est un délégué du 8e RPIMa, permettant un échange direct entre le régiment et la municipalité. La présence du 8 dans la politique locale montre l’importance de l’unité dans la région.
Pour conclure, en explorant la cohabitation entre une garnison militaire et une ville, notre étude a mis en lumière les nuances complexes de cette relation singulière. Cette étude espère avoir offert un éclairage approfondi sur la manière dont une garnison militaire peut s’intégrer dans la trame sociale, économique et politique d’une ville. Le cas du 8e RPIMa et de Castres illustre non seulement les défis inhérents à une telle coexistence, mais également les opportunités de collaboration et de prospérité mutuelle qu’elle peut engendrer. Ce modèle d’intégration réussie sert ainsi de source d’inspiration pour comprendre comment des institutions militaires et des communautés locales peuvent construire une relation harmonieuse au fil du temps.
Pour aller plus loin :
BUGIS, Pascal. CHASBOEUF, Éric. « Un régiment. Une ville. Le 8e RPIMA et Castres », dans Inflexions, vol. 20, no. 2, 2012, pp. 137-141.
CEHD (Centre d’Études d’Histoire de la Défense), Les troupes de marine dans l’Armée de terre. Un siècle d’histoire (1900-2000). Éditions Lavauzelle, 2001, 444 p.
DREVILLON,Hervé.WIEVIORKA Olivier. Quatrième partie. Les guerres coloniales des soldats perdus. 1945-1962, dans Histoire militaire de la France. II. De 1870 à nos jours. Perrin, 2022, pp 603-743.
DREVILLON, Hervé. WIEVIORKA Olivier. Cinquième partie. Accompagner les mutations de la puissance française de 1962 à nos jours, dans Histoire militaire de la France. II. De 1870 à nos jours. Perrin, 2022, pp. 747-845.
FABRE, Robert (dir.). « Le 8e RPIMa : le régiment du Tarn », dans Revue du Tarn, no. 227, Fédération des Associations Culturelles et Intellectuelles du Tarn, 2012, pp. 393-548.
FAURY, Jean. « Les mutations de Castres depuis deux siècles », dans Revue Tarn, no. 253, 2019, pp. 91-98.
NEGRE, Ernest. « Aux origines de Castres », dans Revue Internationale d’Onomastique, no. 3, 1971. pp. 207-214.
SOUYRI, Jean-Claude. « L’armée à Castres au début du XXe siècle », dans Revue du Tarn, no. 227, Fédération des Associations Culturelles et Intellectuelles du Tarn, 2012, pp. 549-552.
PONS, Frédéric. Opérations extérieures – Les volontaires du 8e RPIMa : Liban 1978-Afghanistan 2009. Paris, Presses de la Cité, 2009, 372 p.