La bataille de Muret 1213 [2021]

L’histoire du XIIIe siècle a été incroyablement riche en évènements inhabituels dans la France du Moyen Age. Le début de ce siècle fut tourmenté par l’hérésie cathare installée depuis la fin du XIIe siècle dans le Midi de la France. En 1209 le pape lançait un appel à la croisade contre les hérétiques, s’en suivit alors des combats contre les seigneurs locaux qui protégeaient ces cathares. La bataille de Muret qui eut lieu en 1213 est un exemple de ces combats qui se déroulaient dans tout le Languedoc. Située à environ vingt-cinq kilomètres au sud de Toulouse, la ville de Muret était au cœur des tensions présentes dans la région. Mais alors en quoi la bataille de Muret marqua-t-elle l’apogée des tensions religieuses, politiques et territoriales du Sud-Ouest ? Et en quoi bouleversa-t-elle profondément la politique du Sud-Ouest ?

Les prémices de la bataille

Image Raymond VI → Peint par J-P Laurens au XIXe siècle, Raymond VI en prière dans un lieu de culte chrétien languedocien du fait de la présence de la croix occitane au dessus de Raymond VI. Source : Roquebert M. Le Monde Histoire et Civilisations, P 73.

Lorsque la bataille de Muret a éclaté cela faisait déjà quatre ans qu’une armée de croisés opérait dans les possessions du sud de la France, dans le but d’éradiquer l’hérésie cathare et ce sous les ordres du Pape Innocent III. Plusieurs incidents eurent ainsi lieu entre les croisés et les comtes du Sud-Ouest de la France. En 1209 eut lieu le siège de Bézier ainsi que le siège de Carcassonne qui mena à l’emprisonnement et à la mort de Raymond-Roger Trencavel, un des comtes rebelles, dont Simon de Montfort récupéra les terres. Enfin en 1211 eut lieu le siège de Lavaur

Les grandes villes cathares tombèrent unes à unes et Toulouse fut même assiégée par les croisés. Bien que non concluante cette manœuvre fut très symbolique et poussa en partie Raymond VI, le comte de Toulouse , à agir et à demander de l’aide. Face à tout cela les seigneurs languedociens qui de plus soutenaient ou toléraient pour beaucoup les cathares réagirent et firent appel à Pierre II d’Aragon. Ce dernier était de plus en plus effrayé face à la situation, qui menaçait de perturber toute la géopolitique du nord des Pyrénées et donc des terres sur lesquelles il avait de l’influence. Pierre II d’Aragon forma dès qu’il le put une expédition armée. Il était accompagné par des nobles catalans et aragonais. Lorsqu’il fut appelé à se battre contre les croisés par les comtes du Sud-Ouest de la France, il n’hésita plus.

Image Pierre II → « le Catholique », enluminure issue du Liber feudorum Ceritaniae. Unique représentation contemporaine du souverain, réalisée entre 1200 et 1209. fol. 64v. Reg. n.º 4.

Les intérêts des acteurs

Pierre II d’Aragon et Raymond VI avaient plusieurs intérêts dans leurs interventions contre les croisés et donc dans la bataille de Muret. Pierre II d’Aragon voulait défendre ses intérêts dans le Languedoc et en Provence. Il avait également des liens de parenté avec Raymond VI qui voulait, lui, défendre son territoire et était en conflit avec l’Église depuis 1208. Cette volonté de protéger ses possessions venait du fait que Simon de Montfort voulait conquérir des territoires pour lui mais aussi pour le compte de la couronne de France. En effet à cette époque le royaume de France n’était pas réellement unifié et les différents comtes du Sud comme celui de Toulouse géraient leur royaume de manière presque autonome. Ceci explique en partie la montée des tensions et la multiplication d’affrontements qui amenèrent à la bataille de Muret.

Déroulement de la bataille

Carte Bataille → Roquebert M. Le Monde Histoire et Civilisations, AFDEC, P 111.

La bataille de Muret s’est déroulée le 12 septembre 1213. Celle-ci est l’apogée de plusieurs affrontements qui se sont déroulés antérieurement à la bataille. Par exemple les sièges de Carcassonne (1209), de Lavaur (1211) ou le siège du château de Pujols. Mais il y a aussi des affrontements qui ont eu lieu quelques jours avant la bataille décisive, notamment le siège de Muret qui débute le 8 septembre et qui est mené par les troupes du comte de Toulouse, Raymond VI. Celles-ci ont réalisé plusieurs assauts contre la ville avant la venue des alliés qui sont les troupes de Pierre II d’Aragon, de Raymond-Roger de Foix et de  Bernard de Comminges qui s’opposèrent aux troupes croisées ayant comme chef Simon de Montfort. Pour ce qui est des effectifs des armées, les sources sont contradictoires et issues de plusieurs chroniqueurs Guillaume le Breton, Pierre de Vaux de Cernay, Dom Joseph Vaissète, etc. En s’appuyant sur les différents chiffres qui sont parvenus jusqu’aux historiens  actuels, on estime que l’armée de Simon de Montfort aurait compté entre 1000 et 1700 hommes et le côté allié entre 4000 et 40 000 hommes.

Pour ce qui est de la bataille, Simon de Montfort était présent dans la ville fortifiée de Muret avec ses troupes et celles de la ville. Celle-ci était assiégée par Pierre II d’Aragon, Raymond VI de Toulouse et ses vassaux.

Les troupes du Midi avaient l’avantage puisqu’elles assiégeaient la ville de Muret. Or, Pierre II d’Aragon voulait une bataille en terrain ouvert plutôt qu’un siège sans gloire. De ce fait, il a incité Simon de Montfort à sortir de la ville et à se battre en terrain découvert. Simon de Montfort étant un fin stratège, il a simulé un repli pour finalement passer la rivière de la Louge et prendre à revers les troupes du Midi. Malgré une supériorité numérique de ces dernières, elles étaient moins disciplinées que celles des croisés. L’armée croisée parvint à enfoncer les lignes alliées et à charger les troupes de Pierre II d’Aragon. Celui-ci fut frappé à mort lors de cette manœuvre. Cela a laissé place aux massacres des troupes aragonaises et des troupes du comte de Toulouse ainsi que celles de ses vassaux. D’après certaines sources, les fantassins du comte de Toulouse ont essayé de fuir en empruntant des bateaux sur la Garonne et nombre d’entre eux se sont noyés. Le fils du roi Pierre II d’Aragon qui avait six ans a été capturé et le comte de Toulouse s’enfuit en Angleterre afin de se réfugier auprès du roi Jean sans Terre.

Les conséquences de la bataille de Muret

Image Inquisitions → Tribunal d’inquisitions du Languedoc par J-P Laurens au XIXe siècle, Les Augustins, Toulouse.

Pierre II d’Aragon et sa coalition cathare perdirent la bataille de Muret. Cette défaite militaire entraîna une instabilité du royaume d’Aragon. Cet événement mit fin à la volonté d’expansion du royaume d’Aragon vers le Languedoc. La résolution de ce conflit se traduisit par le traité de Corbeil en 1258 qui confirma le contrôle du royaume de France sur le Languedoc. Le comte de Toulouse ne sortit pas indemne de la bataille de Muret. En 1215, Innocent III convoqua le concile Latran. Il donna le Languedoc à Simon de Montfort et dépouilla le comte de Toulouse de ses droits. Suite à ces évènements, le pouvoir royal et ecclésiastique s’affirma sur le Languedoc. L’Église mit en place en 1233 le tribunal d’Inquisition et prit le soin de démasquer et condamner les hérétiques. Ce tribunal s’avéra d’une efficacité redoutable dans la chasse aux cathares.

Conclusion

La Bataille de Muret marqua donc l’apogée des tensions religieuses ainsi que des tensions territoriales. De plus, cette bataille bouleversa complètement la politique du Sud-Ouest.

Annexe :

  • Légende de la bannière : les chevaliers des deux camps s’affrontent, Grandes Chroniques de France, vers 1375-1380.
  • Etudiant.es
  • Louise Anglès (L1)
  • Marie Bigorre (L1)
  • Quentin Radaelli (L2)
  • Victor Vantaux (L2)