Dans les sites miniers localisés, autour des Monts l’Orb et de sa vallée ainsi que dans ceux de la montagne Noire, de l’actuel Hérault, du Sud Est du Tarn et de l’Aveyron, nous retrouvons la présence d’une occupation romaine au IIe et Ier siècle avant J.-C. Ce n’est que plus tard que les romains s’installent plus au Nord, dans la région de Compolibat (Cranton), Villefranche-de-Rouergue, La-Bastide-l’Evêque et jusqu’en Viadène. Peut-être une activité d’extraction rutène de moindre proportion que l’extraction romaine plus tardive y était-elle déjà en place. Malheureusement, nous n’en savons rien, les fouilles et sources étant insuffisante sur cette période. Nous en savons en revanche un peu plus sur l’activité à Carantomagos (Ouest Aveyron) au changement d’ère, via la découverte d’une dalle sur laquelle est visible une inscription à Peuch-de-Serre/Puech de la Verhne sur la commune de La Bastide l’Evêque. Il y est écrit en latin :
A Zmaragdus, intendant,
trésorier, [leur] président,
par décret des décurions des
esclaves de Tibère César
employés aux mines
Cette inscription date du règne de Tibère empereur romain dans les années 30 après J.-C. annonçant que Zmaragdus devient intendant après avoir été trésorier puis président du collège de la familia impériale (= l’ensemble des dépendants, affranchis et esclaves, propriété de l’empereur). L’historien Jean-Marie Pailler dans l’ouvrage Les Rutènes ; du peuple à la cité, conclut de Zmaragdus via d’autres sources, qu’il est affranchi et lui-même ancien esclave de la familia de l’empereur Tibère. Son nom est d’origine égyptienne et peut être un indice illustrant les origines diverses et variées des esclaves travaillant dans le district minier. Monsieur Pailler prend ensuite appui sur un texte de l’auteur antique Suétone nous montrant que Tibère a dépossédé certains grands notables romains de leurs propriétés dont certaines étaient des mines afin de limiter la concurrence de ces puissants. La région minière de Carantomagos devient alors propriété impériale à partir de 33 après J.-C. Avant cette date, comme bon nombre de régions minières rutènes, elle faisait partie d’un grand ensemble très dynamique au sein des sociétés SS ou SR (Societas Segdunensium, Societas Rutenensium) générant des profits considérables entre le Ier siècle avant J.-C. et 33. L’activité minière s’intègre jusqu’à la fin du IIe siècle dans un vaste processus de commercialisation via le réseau routier pour le marché latin et plus largement le marché de l’Empire.
Carantomagos signifie en Gaulois, « le marché des amis ». Il s’agirait d’un lieu commercial déjà occupé avant l’arrivée des romains comme il en existe ailleurs en Gaule à la même période. Nous pouvons être quasi certains de la présence d’un chemin reliant le territoire des Cadurques dans le lot actuel, à celui des Rutènes avec pour point relais et lieu d’échange Carantomagos. Si ce site a pu exister dans des périodes antérieures, ce n’est réellement qu’à l’arrivée des romains que l’agglomération prend un tournant important, comme l’attestent les fouilles à Cranton avec un site de près de 10 à 16 hectares. Nous pouvons dire que durant le Ier siècle de notre ère Carantomagos est l’agglomération de la région Nord Ouest rutène à potentiel argentifère la plus importante, on en a la source écrite par le biais de la Table de Peutinger. Sur cet espace, la circulation et l’exploitation de ressources minières antiques ne font aucun doute, lui donnant un rôle important en tant que cœur de district minier à Carantomagos. Un triangle correspondant à l’espace le plus dense en termes d’exploitation minière peut être établi entre le site de Carantomagos, les sites à proximité de Villefranche-de-Rouergue et enfin La-Bastide-L’Evêque avec le site de Puech de la Vernhe. Cette région minière était donc certainement marquée par un regroupement d’habitat plus concentré que dans d’autres espaces plus agricoles compris à l’intérieur de la cité rutène.