Le Canal du Midi (1810-2017) [2017]

La mise en réseaux des hommes par la réduction des temps de trajet est l’une des constantes de l’évolution humaine. Pour y parvenir, on a très tôt créé des voies de communication, parmi lesquelles on trouve le canal qui est un cours d’eau artificiel. Nous avons concentré nos recherches sur le canal du Midi, fruit du travail coopératif initial de l’ingénieur Pierre-Paul Riquet (1609-1680) et de la monarchie absolue du XVIIe siècle. Il nous a paru pertinent de démontrer que le canal du Midi, par des évolutions successives du XIXe au XXIe siècle, est devenu un symbole du lien entre les Occitans.

Tracé complet du canal du Midi

Le XIXe siècle marque une première période de bouleversements. En 1810, l’État décide de créer la Compagnie du canal du Midi. La navigation sur le canal connaît alors une importante augmentation de son trafic. Au trafic marchand s’ajoute celui des passagers, qui depuis le XVIIIe siècle a permis le développement d’une « communauté » du canal. En effet, la contrainte du temps de trajet oblige à faire escale dans des auberges : de là naît une pratique sociale, celle du coucher. Sous la Restauration, le roi réintroduit les descendants de Riquet dans la gestion du canal et leur aïeul devient une figure régionale. En 1833 est amorcé le projet d’un canal latéral à la Garonne qui traduit la réticence de la monarchie et des élites toulousaines face au train. Une ligne de chemin de fer est cependant lancée entre Bordeaux et Sète en 1846. En 1852, les canaux du Midi sont cédés à la Compagnie des chemins de fer du Midi pour un bail de 40 ans. Le trafic sur le canal diminue tandis que celui du chemin de fer augmente. La Compagnie des canaux et chemins de fer du Midi est alors de plus en plus critiquée par l’opinion publique régionale. On assiste à la naissance d’un mouvement de revendication régionale, comme en témoigne la Chambre de commerce du grand Sud-Ouest réunie en 1887.

Les notables de la région, pour sauver les canaux du Midi, poussent l’État à les racheter le 1er juillet 1898. La Première Guerre mondiale met un coup d’arrêt à la modernisation des canaux du Midi. Malgré des chiffres encourageants, ceux-ci souffrent toujours de la concurrence avec les autres moyens de transport. Le chemin de fer, grâce à des tarifs attractifs et à l’étendue de son réseau, permet également un gain de temps considérable et supplante définitivement le transport fluvial sur les canaux du Midi. Au cours des années 1970, le transport routier s’impose pour le transport de marchandises. Dans le même temps, les rapports de la Chambre de commerce et d’industrie témoignent de l’émergence de trois visions divergentes à propos l’avenir du canal. Pour une partie des élus, réinvestir dans une voie d’eau vieillissante représente un gouffre financier ; pour d’autres, c’est un obstacle à la modernisation des villes. ; enfin, certains pensent qu’une modernisation est indispensable mais n’est pas suffisante. L’investissement dans le canal, qui apparaît comme une source d’emplois, témoigne du tiraillement perpétuel de la région entre ouverture à la modernité et respect du passé.

Cependant, loin de sonner sa fin, c’est au contraire la renaissance d’une voie de communication qui a lieu et la naissance d’un patrimoine. Ce processus est sensible à travers l’émergence du tourisme fluvial. En effet, dans les années 1960, le canal attire 100.000 plaisanciers  et représente à lui seul près d’un quart du tourisme fluvial en France. A l’heure où son rôle commercial est abandonné, les gérants du canal font renaître le rôle touristique initié timidement dès l’époque de Riquet, en l’adaptant aux envies d’une société en quête de tourisme vert. Après la fermeture du canal commercial en 1980, la fréquentation touristique du canal croît avec plus de 10.000 bateaux, exigeant ainsi de nouveaux aménagements. On assiste en parallèle à une résurgence des anciennes pratiques sociales présentes sur le canal, comme l’arrêt dans les auberges pour dormir, ainsi que de nouvelles pratiques liées au sport.

Photo personnelle
Plaisanciers sur le Pont Cacor de Moissac (82)

Dès 1996 lors de l’inscription du canal au patrimoine mondial de l’UNESCO, une hausse de la fréquentation touristique d’environ 70 % a lieu, influençant positivement les autres lieux touristiques de la région. Son inscription a notamment permis la délocalisation d’anciennes usines et l’installation de nombreuses habitations ainsi que des instances administratives du canal du Midi. Leur objectif principal est de protéger et valoriser le patrimoine du canal du Midi. Néanmoins, elles doivent faire face aux contraintes de la ville, aux épidémies (chancre coloré en 2006), ou au manque de budget. Pour résoudre ces problèmes, les institutions mettent en place des projets de conservation du canal, comme les ravalements des berges.

Le canal du Midi a connu de nombreuses modifications entre le XIXe et le XXe siècle. Au XIXe siècle, il traverse une première remise en question car il représente un mode de transport plus lent que le train mais où des liens sociaux se tissent. Le déclin amorcé dans les années 1880 est questionné par l’entrée dans un nouveau siècle où les solutions proposées pour moderniser le canal sont à l’image des caractères de la population d’Occitanie : divergents. La fin du XXe sonne le glas du transport marchand et la naissance d’un rôle touristique qui connaît un essor considérable. Encouragées par ce tourisme, de nouvelles pratiques sociales s’y développent. Ainsi, le canal du Midi par des questionnements successifs, reflète à travers ses eaux la liaison progressive des Occitans par un monument commun synthétisant l’évolution, les envies et les revendications d’un peuple.

Etudiants:

BRUNET Charly /  GAUBERT Maxime / GIDE Trystan / GINESTET Mathis