Le Viaduc de Millau: un défi, des records, une réussite[2021]

Le viaduc de Millau est longtemps resté le plus long et le plus haut pont du monde avec 2460 mètres de long et 343 mètres de haut. Il relie de part et d’autres les deux rives du Tarn : le Causse Rouge et le Causse du Larzac. Le projet étant de désengorger la ville de Millau, en proie aux embouteillages. Dans les années 1970, le projet de désenclaver la ville par un pont ou par un tunnel est étudié et en 1991, c’est la construction d’un viaduc qui est la solution retenue par le Service d’études sur les transports, les routes et leurs aménagements (SETRA). Un appel d’offre est donc lancé et des dizaines de cabinets proposent leurs idées mais c’est bien celle du Viaduc à Haubans du cabinet d’architecture de Norman Foster qui est retenue en 1996. Ce choix est fait par la Direction de Réseaux de France (DDR). Le comité technique pour le choix du cabinet est géré par deux architectes français : Bernard Gausset et Michel Virlogeux. L’annonce est faite en conférence de presse le 30 juillet par Bernard Pons, alors Ministre des Transports. Ce choix déclenche une polémique sur ton de patriotisme. En effet, selon un article du Monde, les cabinets d’architecture française qui ont eux aussi travaillé sur le viaduc, demandent à ce qu’on choisisse un cabinet français et non pas étranger, en l’occurrence britannique. Malgré cela, le choix est fait et les travaux débutent en octobre 2001.

Auteur : Schrijverij Drenthe
Photo contemporaine
Source: Pixabay

La construction du Viaduc de Millau reflète l’image d’un savoir technique français à la pointe de l’innovation. L’ouvrage est fini le 14 décembre 2004 et inauguré par Jacques Chirac. C’est une véritable prouesse technique, unique dans le paysage français et parmi les plus impressionnants des constructions à l’échelle mondiale. Le projet semble aussi satisfaire la population locale. L’État lance un appel d’offres pour financer le viaduc : C’est l’entreprise française de Bâtiment et travaux publics (BTP) Eiffage qui réalise l’ambitieux projet de quatre-cents-millions d’euros. En contrepartie, l’entreprise possède un droit d’exploitation d’une durée de 78 ans. L’exploitation économique est assurée par la mise en place d’un péage. Ce projet d’envergure doit être réalisé en seulement 3 ans. Cette exigence est réalisée grâce à la multiplication des équipes d’ouvriers sur le chantier. Son inauguration en décembre 2004 établit le record du plus long tablier du monde (2460 m de long) ainsi que la pile la plus haute du monde (245 m de haut), le tout (pile et haubans) atteignant 343 mètres de hauteur, soit 19 mètres de plus que la Tour Eiffel.

Le 16 décembre 2004 le viaduc est ouvert à la circulation, soit trois ans après le début de la construction. C’ est une véritable réussite : outre qu’il permet le désengorgement de la ville de Millau, il devient une attraction touristique dans la région. Après cette réalisation, le massif central connaît une croissance touristique importante. La ville de Millau devient aussi, un pôle touristique de la région, bien plus fréquentée que dans son passé. En deux ans, quatre projets d’hôtels sont par exemple mis sur pied, dont la moitié aboutissent dès l’inauguration du viaduc. Cette vaste opération commerciale à pour but d’accueillir les futurs touristes. Mais ces nouvelles infrastructures semblent bénéficier également aux alentours. Ainsi les caves de Roquefort et l’abbaye de Sylvanès (un site historique important) semblent être davantage fréquentées à partir de la construction de l’ouvrage. On attribue aussi au viaduc un regain d’activité dans l’économie locale. L’ouverture des hôtels entraîne celle de plusieurs restaurants et commerces. De même, la fréquentation entraîne la réouverture de la ganterie de Millau qui devient une attraction touristique. Cette entreprise familiale, la maison Causse, remonte à la fin du XIXe siècle. Ce regain d’activité permet ainsi à la ganterie de connaître un second souffle dans l’artisanat de luxe. Connue pour la conception de gants luxueux confectionnés à partir de peau atypiques (pécari, autruche, python), la ganterie de Millau se forge une réputation internationale. Ainsi des célébrités comme Madonna, mais aussi de grandes enseignes de la mode comme Chanel s’y fournissent. A Millau, la reprise des activités et la défense d’une production nationale, permise par la hausse des fréquentation, est aussi appuyée par des décisions politiques : la ganterie de Millau équipe également la garde nationale française depuis 2019.

Auteur: Nehrams2020 (pseudonyme)
2010
Source: Wikipédia

Le Viaduc est ainsi une grande opération commerciale : on énumère les prouesses techniques, ou en fait une attraction incontournable. Cette publicité, que s’empressent de relayer les journaux locaux, devient internationale. Pour preuve, la dépêche relate en 2005 l’anecdote selon laquelle Arnold Schwarzenegger, gouverneur de Californie, aurait demandé des conseils à la mairie de Millau pour son projet de nouveau pont au-dessus de la Baie de San-Francisco. De plus, Le Midi Libre, à également rapporté, la même année, une requête émanant du prince Philippe, époux de la Reine Elizabeth II, qui aurait demandé à traverser le géant aveyronnais, à l’occasion du centenaire de l’entente cordiale (1904). Enfin, la dépêche a aussi relaté la visite du Ministre des Transport chinois, lui aussi, venu demander des conseils.

Tout ceci participe à la popularité du viaduc et à son rayonnement mondial. Les records de l’ouvrage ne tiennent pas longtemps, face aux ponts chinois. Mais il marque un tournant dans la façon de construire les ponts. Une réelle volonté qui remonte à la création de l’école des ponts et chaussée sous le règne de Louis XIV. Cette école avait aussi l’ambition de faire du royaume un État où la technique et la modernité seraient bien développées. Ce qui par la même ferait la promotion du savoir français, au-delà des frontières du pays, à l’instar du viaduc de Millau en 2005.

Bibliographie:

Ouvrages généraux:

  • Dumont-Le Cornec Elisabeth, Les ponts mythiques, Belin, Paris, 2015.
  • Durand Jacques, Les Grandes Liaisons Routières, Histoire d’un Schéma. La Documentation Française, Paris, 1972.

Ouvrages spécifiques:

  • Collectif d’auteurs, Le viaduc de Millau : des hommes derrière l’exploit, Pèlerin, n°6368, Paris, 2004.
  • Darreau Pierre-Henri, Les ingénieurs des ponts et chaussées dans le grand Sud-Ouest au XVIII e siècle, Lille, 2004.
  • Dubreuil Julia,  Le Viaduc de Millau : Portflio, Edition CVEM, Londres, 2005. Traduit de l’anglais par Robert Tobin.
  • Godfrain Jacques, « Le viaduc de Millau. Tour Eiffel du Larzac », Le journal de l’école de Paris du management, 2006, vol 60, n°4, pp. 7-12.
  • Jamot Christian, «Tourisme et enclavement : l’exemple du Massif Central français», Collection EDYTEM. Cahiers de géographie, 2006, numéro 4, pp. 33-42.