Thermalisme et mine à Cransac-les-thermes, XIX-XXe

Cransac, qu’es aquó ?

Cransac est une petite ville de l’Aveyron située entre Rodez et Decazeville, au nord-ouest du département. Elle compte environ 2 538 habitants en 2020 et dépend des cantons d’Aubin et de Villefranche de Rouergue. Mais, elle surtout est connue pour son histoire particulière entre le XIXe et le XXe siècles.

Carte du nord de l’Aveyron indiquant la position du bassin decazevillois, dans lequel se trouve la commune de Cransac-les-Thermes. Source : Via Michelin (en ligne).

En effet, dès l’époque romaine, Cransac est très réputée pour ses eaux. L’activité principale de la ville connaît cependant des mutations. De ce fait, le thermalisme va décliner afin de laisser place à la grande activité minière du XIXe siècle, avant que la commune ne revienne à son activité initiale.

L’apogée thermale à Cransac (époque romaine-1860)

Au début de l’époque romaine (27 avant J.-C. à 476 après J.-C.), le thermalisme se développe donc dans la cité. Les Romains, présents dans la région aveyronnaise, sont particulièrement attirés par les thermes et les vertus des eaux. Ils qualifient la ville de « Puech que Ard », autrement dit la montagne qui brûle. Ce phénomène de « montagne brûlante », correspond à un phénomène géologique qui provient de l’oxydation des pyrites par l’humidité de l’air qui passe au travers des fractures du sol. Les eaux qui coulaient dans la ville étaient, en outre, utilisées pour leurs caractéristiques thermales et curatives, car elles sont très riches en fer, en sulfate et en magnésium, ce qui permet le traitement de maladies cutanées comme l’eczéma.

La réputation médicale de la ville perdure au Moyen-Age et durant toute l’époque moderne, où les gaz provenant de la « montagne qui brûle » sont utilisés contre les rhumatismes.

Cependant, la Révolution industrielle prend le pas sur l’activité thermale. Les premières exploitations minières sont faites à Cransac en 1789, où une quarantaine de charbonnières sont exploitées dans le bassin houiller d’Aubin. C’est ainsi que commence le développement des mines dans le bassin Decazevillois. En 1831, la concession de Lavergne dirigée par Richard et Malvezy s’approprie la concession de houille à Cransac.

Malgré le développement de cette activité minière, le thermalisme tente de survivre. La commune créée en 1848 un périmètre de protection du pavillon des sources. Il s’agit de les protéger des activités minières. Cela fonctionne un temps puisque le thermalisme connaît son apogée vers 1854. Néanmoins, quand les premières mines sont exploitées sérieusement par la société minière et métallurgique, les deux activités entrent en concurrence et leur cohabitation devient incompatible. En 1857, commence la déminéralisation des eaux et les sources thermales disparaissent à cause des travaux miniers dans les galeries. Cransac conserve une apparence de ville thermale via ses étuves  ce qui lui vaut le surnom de « ville thermale sans eaux ».

 

Le grand siècle minier cransacois (1860-1960)

Essor de l’activité minière

L’activité thermale balayée, l’ère de celle des mines peut pleinement commencer. C’est en 1859 que démarre la Concession de Cransac et Firmi qui marque le début de l’ère minière.

Cette nouvelle activité est très florissante pour la ville. De nombreux commerces voient le jour vers la fin du XIXe et le début du XXe siècle (50 épiciers, 40 cabaretiers, 12 couturières, …). La population n’arrête pas d’augmenter, passant de 500 habitants en 1848 à plus de 7 000 au début du XXe siècle, L’activité principale de ces mines consiste à extraire les minerais comme l’or, le fer, le cuivre ou encore le charbon. Près de 100 000 000 de tonnes de charbons ont été extraits par des puits d’extraction à Cransac.

Mais la ville n’échappe pas aux drames. En 1888, un premier coup de grisou  dans le quartier de la gare tue 49 mineurs. En 1904, ce sont des affaissements de terrains près de la gare provoqués par les puits d’extraction présents dans la ville même, qui inquiètent la population.

Photo de la maquette du puits d’extraction numéro 1 conservée au musée de la mémoire à Cransac. Source : photographie de Mathéo Humblot, janvier 2020.

Essoufflement de cette activité

Elle n’échappe pas au déclin. Dès 1906, la production minière baisse considérablement passant de 288 445 en 1898 à 203 341 tonnes de charbon. Un changement de propriétaire s’impose et c’est la société Commentry Fourchambault qui reprend les rênes de l’exploitation en 1908, succédant à la Société des Mines de Campagnac. Elle fait creuser les puits 1 et 2 de Rhule, mais elle devient rapidement déficitaire et n’arrive pas à relever l’activité minière. La situation est d’autant plus difficile que deux autres violents coups de grisou viennent terrifier les mineurs et ralentir la production de charbon. Celui de 1913 dans le puits numéro 1 et fait 9 morts et celui de 1927 tue 8 mineurs et fait 2 blessés graves. Les mines de Campagnac voient leur production décroitre inexorablement et ferment définitivement en 1928, non sans protestations. La fin des mines de Campagnac est dramatique pour Cransac, car cette société regroupe le complexe minier de Cransac (Concession de Lavergne et de Mazel).

L’activité minière tente d’être relancée en 1946, lors de la nationalisation des mines qui permet temporairement le maintien des emplois. Les mineurs qui sentent le danger se mobilisent par des grèves générales en 1947 et 1948. Elles sont particulièrement violentes dans le bassin houiller Aubin-Cransac. En 1950, les mines de Cransac sont secouées par une nouvelle crise liée à la suppression des barrières douanières par la CECA qui place la ville dans une situation de concurrence qu’elle a du mal à relever. La crise de Suez  en 1956 semble lui donner un peu d’air, mais cela ne dure pas. Le charbon est de plus en plus concurrencé par le pétrole et les mines sont définitivement fermées à partir de 1961. La mobilisation impressionnante des mineurs (5000 personnes) de 1962 à 1963 n’y change rien.

Photo de la manifestation des mineurs dans les rues de Cransac en 1962. Source : Archives personnelles Mathéo Humblot.

Tentative de reconversion

Dès avant cette date, en 1959, le Comité d’Étude pour l’Expansion Économique, composé de bénévoles, commence à prévoir la reconversion du site. Et c’est à nouveau vers les thermes que l’on se tourne en créant la Société de l’Hôtel Parc et de l’établissement thermal.

 

Le renouveau thermal à Cransac (1960 à nos jours)

Reconversion des mineurs et changement du paysage

Mais ces projets ne sont pas à la hauteur du nombre de mineurs à reconvertir, soit 4 000 personnes, dont le profil professionnel n’a rien à voir avec l’activité de soin. 2 107 licenciements sont prévus, tandis que des reconversions dans de nouvelles usines sont prévues. Rien n’est en fait à la hauteur du drame social qui se joue et Cransac sombre dans la pauvreté, ce qui oblige nombre de ses habitants à quitter la ville.

A la rancœur des mineurs et de leurs familles s’ajoutent les stigmates du passé minier dans le paysage.  À Cransac de grands terrils se sont formés et d’immenses exploitations à ciel ouvert conservent une allure très industrielle à la ville. Mais il s’agit d’une allure du passé car la reconversion industrielle prévue est un échec. C’est donc vers son passé thermal que la ville se tourne.

Un retour au thermalisme gagnant

Cette reconversion thermale ne se fait pas sans difficultés, car depuis 1957, les autorités ont interdit l’exploitation de la source d’eau minérale du Fraysse, pourtant essentielle. D’autre part, les mineurs ne manifestaient pas beaucoup d’intérêt pour cette reconversion, très éloignée de leur champ de compétences. Rappelons que depuis la fin de la Première Guerre mondiale, on leur disait « ouvriers vous avez le sort de la France entre vos mains ».

Néanmoins, cette reconversion a bien lieu et le thermalisme s’impose de nouveau à Cransac et dynamise l’économie. En effet, les anciennes sources utilisées lors de la première phase thermale réapparaissent à la sortie des anciennes galeries minières. La mairie de Cransac lance une politique de démolition des bâtiments miniers, en remettant en valeur les édifices dédiés à l’activité thermale. Entre 1960 et 1980, elle construit aussi de nouveaux bâtiments et remplace ou rase les étuves en bois jugées trop rudimentaires. C’est donc un centre thermal qui en 1963, remplace les vieilles installations thermales, captant les gaz du haut de la montagne. Il permet aux curistes d’avoir accès à des soins plus diversifiés, tout en prenant en compte les normes d’hygiène moderne.

Cette reconstruction se poursuit en 1976 avec la création d’un Centre d’études thermales.

Une ville moderne à l’allure thermale

A ces installations thermales renouvelées s’ajoute un programme d’embellissement de la ville. Le plus grand complexe minier de Cransac, celui du puits n° 1, est totalement rasé pour devenir un parc en plein centre de la ville. La marie a transformé aussi un bâtiment industriel en salle des fêtes et une mine à ciel ouvert à l’entrée de la ville en étang nommé : « Bassin de Passelaygues ». En 2020, les curistes peuvent s’y balader tout autour observant la faune et la flore.

Pour accueillir les curistes, c’est encore tout un programme de rénovation des anciens logements des mineurs qui est engagé. Cette transformation de la ville a été en partie permise par le plan Grand Sud-Ouest lancé par Valéry Giscard d’Estaing en 1979. Il avait pour but de rattraper le retard de la région Midi-Pyrénées au niveau industriel, de la désenclaver et de favoriser les reconversions. En 1983, un contrat thermal est donc signé entre l’État et la commune de Cransac.

Le pari est réussi puisque depuis la signature de cet accord, les thermes de Cransac ont attiré plusieurs actionnaires, jusqu’à ce qu’elles soient entièrement rachetées en 1996 par la Chaîne thermale du Soleil. Pour finir, afin d’offrir le meilleur accueil aux curistes, la mairie a construit un casino et développé son activité hôtelière.

Photo des thermes de Cransac de nos jours, dirigée par la Chaîne thermale du Soleil. Source : Site de l’officiel du thermalisme.

 

En savoir plus :

Si vous êtes curieux et que vous avez envie d’en savoir plus sur le sujet, nous vous conseillons de consulter ces quelques ouvrages :

  • Y. Lacout, Histoire de la mine et du thermalisme à Cransac, Syndicat d’initiatives, 1990, Cransac-les-Thermes.
  • F. Chirac, Le Bassin houiller de l’Aveyron, ASPIBD, 2002, Decazeville.
  • A. Labat, Les Eaux de Cransac, Imprimerie F. Leve, 1891, Paris.

Exposition en ligne (Chloé Schwing).

Carte interactive (Mathéo Humblot)

 

Etudiant.es : HUMBLOT Mathéo (L2), SCHWING Chloé (L2), Barranco Yann (L1) et Puppato Bastien (L1)