L’université de Toulouse (1229-1470) [2021]

Les étudiants au Moyen Âge : des étudiants violents ?

VIDEO PEDAGOGIQUE (Tristan Laduguie)

Les universités, qui apparaissent au début du XIIIe siècle, constituent une forme institutionnelle nouvelle et originale. L’une de ces plus anciennes universités et qui, durant tout le Moyen Âge, occupe une place prédominante dans le Languedoc, est l’université de Toulouse. Créée par l’Église pour lutter contre le catharisme, ce n’est qu’avec les bulles de 1233 et 1245 que les écoles toulousaines se voient dotées des statuts et privilèges universitaires. Qui dit université, dit alors inévitablement étudiants. Réputés violents, leur existence même, assimilée à celle de l’Église catholique et surtout à l’État monarchique, n’est pas bien acceptée.

Les étudiants toulousains du Moyen Âge étaient-ils réellement plus violents que le reste de la société ou sont-ils précédés à tort par leur réputation ?

Les étudiants toulousains, un groupe uni et intégré

Les étudiants toulousains, composés d’un peu moins de 2 000 individus au XIVe siècle, formaient, au sein de l’université un groupe assez homogène. Malgré quelques particularités, l’unité de ce groupe pouvait être un facteur d’apaisement et de diminution des violences. Ce groupe d’étudiants était, en grande majorité, peuplé par la « classe moyenne » (notaires, marchands, artisans aisés …). Par ailleurs, tous étaient unis par un même but, celui de l’ascension sociale.

L’aire de recrutement, assez restreinte, pouvait, elle aussi, favoriser cette unité. En effet, 9 étudiants sur 10 étaient originaires du sud-ouest de la France vers la fin du XIVe siècle. Le Languedoc, les Pyrénées, l’Aquitaine et le Massif-central étaient les principales zones de recrutements. Bien que, pour cette société médiévale ces régions pouvaient paraître éloignées, la culture y était sensiblement la même, ce qui permettait d’éviter certaines tensions. Ainsi, cette proximité permettait à certains étudiants de retrouver des proches à Toulouse et d’éviter, entre autres, la solitude ou des difficultés financières.

Nombres d'étudiants inscrit sur les trois rotuli de l'époque du Grand Schisme (1378-1379, 1394 et 1403). Verger J., Foissac P., Histoire de l'Université de Toulouse. Le Moyen Âge XIIIe-XVe siècle, Portet-sur-Garonne, Ed. midi-pyrénéenne, 2019.
Nombres d’étudiants inscrit sur les trois rotuli de l’époque du Grand Schisme (1378-1379, 1394 et 1403). Verger J., Foissac P., Histoire de l’Université de Toulouse. Le Moyen Âge XIIIe-XVe siècle, Portet-sur-Garonne, Ed. midi-pyrénéenne, 2019.

Le lien religieux, lui aussi, permettait cette unification de ce groupe d’étudiants. Assurément, la quasi-totalité des étudiants étaient pratiquants ou clercs lorsqu’ils n’appartenaient à aucun ordre de l’Église.

La vie étudiante ne se limitant pas à l’université, la ville de Toulouse devient alors un cadre de vie pour ces étudiants, obligés de côtoyer quotidiennement les Toulousains. Ainsi, il n’était pas rare de trouver d’anciens étudiants travailler dans la ville, et notamment à des postes prestigieux au sein de l’administration de la ville. Par ailleurs, certains étudiants aisés pouvaient contribuer à la vie et prospérité de Toulouse. Cette générosité n’était pas à sens unique et certains bourgeois, clercs ou même princes aidaient l’université et les étudiants, notamment en construisant de nombreux collèges séculiers.

L’université, un cadre favorisant la violence

 Avant même d’être réelle, la violence des étudiants était racontée. En effet, les poèmes des Goliards ou encore ceux de François Villon diffusent cette image d’étudiants délinquants et perturbateurs à Toulouse.

Le fait que l’Université de Toulouse soit peuplée d’environ 2 000 individus accroît inévitablement les chances de débordements. Plus il y a de monde, plus les chances de perturbations sont élevées.

La délinquance étudiante est principalement caractérisée par des délits. Ces affaires mineures étaient, pour la grande majorité, dues à l’utilisation abusive des privilèges dont jouissaient les étudiants. Ce sont les affaires concernant les problèmes fiscaux qui occupent la plus grande place, notamment ceux liés à l’importation plus qu’abusive de produits, comme le vin. En effet, les étudiants toulousains étant exemptés des impôts indirects, abusaient de ce privilège pour pouvoir créer des bénéfices lors de la revente des produits. Néanmoins, un sentiment d’impunité régnait chez les étudiants car ils ne relevaient que de la justice ecclésiastique, moins sévère. Par ailleurs, les étudiants avaient plus de chances de l’emporter judiciairement puisqu’ils pouvaient être représentés plus facilement par de grands avocats, souvent anciens étudiants de l’université.

La délinquance étudiante est, outre les délits, constituée de réels crimes pouvant passer de vols, faux et usages de faux à des viols et des meurtres. Le port d’armes, réelle caractéristique des étudiants au Moyen Âge, a sûrement exacerbé cette violence. En effet, bien qu’interdit, notamment par les statuts universitaires de Toulouse en 1266, le port d’armes était plus que fréquent et souvent la cause de graves crimes. Ainsi, un marchand fut assassiné par trois étudiants toulousains en 1473. La seule trace de condamnation qui reste de cette affaire ne concerne, non pas la peine pour le meurtre, mais une peine pour le port d’armes des étudiants contraints de payer une amende de 1 000 tournois. En 1392, c’est une affaire de viol qui se produisit. Deux étudiants, de l’université de Toulouse, poursuivirent une femme, du nom de Guiraudette. Cette dernière s’étant réfugiée chez un habitant, les étudiants forcèrent la maison pour enlever Guiraudette et la violer. Cependant, peu d’affaires de viols, notamment à l’époque médiévale ont été recensées. En effet, les victimes, bien souvent, pour préserver leur honneur et cacher ce qu’elles considéraient alors comme une honte, ne portaient que rarement les affaires au tribunal.

Diagramme sur la fréquence des armes utilisés, Gillon C., Les Étudiants et la délinquance au Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles), Université de Cergy-Pontoise, 2017.
Diagramme sur la fréquence des armes utilisés, Gillon C., Les Étudiants et la délinquance au Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles), Université de Cergy-Pontoise, 2017.

Les vols, de tous types, furent aussi très fréquents chez les étudiants toulousains durant le Moyen Âge. C’est aux alentours de 1374-1375 que les vols furent particulièrement nombreux, années frappées par une production insuffisante de grains. Les étudiants pauvres notamment, étaient alors plus enclins à voler de la nourriture dans les maisons. Par ailleurs, les livres, instruments de travail indispensables mais extrêmement coûteux à l’époque, étaient tout aussi prisés par les étudiants, ce qui pouvait amener à des vols. L’ensemble de cette délinquance pouvait donner lieu à des affaires bien plus importantes, tant par leur violence que par leur écho dans la ville et l’université. L’affaire du prieur de Saint-Circq et le cas Bérenger ont, de par leur caractère spécial, marqué la mémoire collective.

Tous ces actes de délinquance devaient prendre largement racine dans les collèges séculiers, lieu de vie des étudiants. Ces collèges séculiers se situaient dans les mêmes quartiers, ce qui crée un décalage avec le reste de la ville. En effet, se crée, pour les étudiants, un sentiment d’appartenance à une communauté et non à la ville pour laquelle ils deviennent alors presque des étrangers. De plus, les étudiants s’y habillent de la même façon accentuant encore plus ce sentiment communautariste qui nuit à l’entente générale avec les locaux. Cette tension, qui régnait entre les collèges et les habitants de Toulouse, alimentée notamment de problèmes fiscaux, ne pouvait qu’augmenter les chances de débordements. Ces tensions, dans certains cas, sont alors traduites par des actes d’une grande violence. En 1426, le collège de Narbonne est mis à sac, entraînant des bagarres et des échanges de coups entre les étudiants et les locaux, entraînant la mort d’un étudiant.

De nombreuses mesures, au sein même de ces collèges, ont été prises pour éviter certains débordements. En 1337, l’intégralité de tous actes répréhensibles fut listée en passant par l’empoisonnement, menace de mort ou encore incendie. Enfreindre cette liste c’était prendre le risque, pour les étudiants violents, l’exclusion des collèges séculiers.

Bibliographie

  • Etudiant.es
  • Tristan Laduguie
  • Léa Bétous
  • Loïc Laib
  • Maïwenn Roche
  • Jade Clamouse