Montans : entre racines gauloises et modernité romaine
Avant la conquête de la Gaule, en -52 av. J.-C., par les Romains et plus précisément Jules César, la Gaule reste un espace sans unité communautaire. En effet, ce territoire morcelé dispose de nombreuses communautés en son sein et décomposées en autant de chefferies. Cette organisation du monde gaulois implique ainsi de nombreuses tensions et de fait, plusieurs rivalités, tant au plan territoriale que culturel. Même si certaines communautés sont plus connues que d’autres (l’on peut ainsi penser aux Helvètes ou aux Arvernes de Vercingétorix), celles des Rutènes reste en marge, en particulier à cause d’un manque cruel de sources, notamment d’un point de vue textuel et épigraphique. Cependant, même si les informations livrées par les Rutènes restent minces, nous en savons un peu sur eux que ce soit par le biais de sources écrites romaines (juridiques avec Cicéron, ou encore des registres commerciaux) ou de sources archéologiques.
Les Rutènes disposent d’un contact avec Rome qui remonte au temps de la conquête de la Gaule Narbonnaise, en 121 av. J.-C. Ce contact renforcé encore dans les années – 80 à – 70, nous permet de nous rendre compte de la teneur des échanges entre Rutènes et Romains. En plus de pratiquer des échanges commerciaux, les Rutènes entretiennent déjà de bons rapports avec Rome d’un point de vue politique. Cette « alliance » des Rutènes envers Rome se ressent ainsi au cours de la Guerre des Gaules, si bien que nous savons que tous les Rutènes ne participent pas tous à la lutte contre la conquête romaine. De fait, après la victoire de Rome en -52 av. J.-C., les Rutènes s’intègrent bien dans ce nouveau cadre romain. Cela s’illustre notamment avec le village de Montans. Village commercial de premier plan lors de la période gauloise, son influence commerciale sur ses voisins et régions environnantes ne fait que s’accroître au cours de la période gallo-romaine.
Les spécificités d’un village gauloise :
Même si les caractéristiques du monde gaulois sont connues avec nombre de précision dans plusieurs domaines, ses connaissances restent parfois impossible à approfondir lorsque l’on cherche à expliciter des cas particuliers. De fait, bien que nous sachions comment fonctionnait le monde social gaulois (village dirigé par un chef et guidé par un druide, tous les villageois participaient à la chasse et aux rites funéraires, etc), il nous est, à l’heure actuelle du moins, impossible de déterminer avec exactitude la constitution du village de Montans durant la période gauloise. Les seules connaissances qui nous soient parvenues sur ce sujet nous viennent de recherches archéologiques effectuées sur le site du Rougé, au cours des années 1980 et dirigées par Thierry Martin. Par ce biais, nous avons pu prendre connaissance d’un oppidum construit sur les hauteurs du village et se servant du Tarn et du Rieutord comme suppléments de barrières contre les menaces extérieures.
Les apports de Rome :
Après la conquête des Gaules, Rome entreprend d’apporter certaines de ses connaissances mais également techniques au territoire gaulois nouvellement conquis. Cela se traduit alors par une généralisation de la monnaie romaine sous l’empereur Auguste en 27 av. J.-C. Ainsi, des domaines comme la langue (généralisation du latin comme langue officielle), les tenues ou encore les rapports sociaux voient des mutations apparaîtrent en leur sein. En parallèle de cela, la religion celtique telle que les gaulois la pratiquaient est interdite et remplacé par les croyances romaines (polytheïsme romain puis christianisme). Arrivent également les aqueducs, l’extension des routes romaines , les temples et les amphithéâtres. Cependant, pour le village gaulois comme pour le village romain, la question de savoir comment était structuré Montans reste posée car ni les sources épigraphiques, ni les sources écrites qui ont pu être découvertes ne mentionnent expressément ce village. Toutefois l’archéologie nous donne quelques éléments de réponse ; les maisons des habitants de Montans après l’installation de Rome répondent aux caractéristiques romaines : murs en terre et bois sur des soubassements de briques, sols faits à partir de chaux, décors peints de même que les toitures qui sont désormais en tuiles (contre un système de pailles et ressources naturelles brutes à la période romaine). Dans le cas des édifices publics, nous ne savons que peu de choses si ce n’est que des traces de maçonnerie puissante en opus vittatum (agencement en assises régulières de petits moellons taillés) ont été découvertes mais également des traces d’un sol très épais en mortier de tuileaux (béton romain), qui à eux deux pourraient suggérer la présence d’un bâtiment public, peut-être un sanctuaire ou un édifice administratif
Le commerce gaulois puis romain :
Avant la conquête gauloise, nous savons que le commerce de Montans se faisait surtout par voie terrestre (transports par caravane) qui ne sont que de simples routes en terre (dont un axe principal reliait Tolosa à Segodunum, en passant par Montans). C’est avec l’avènement de la période gallo-romaine que les routes romaines deviennent praticables et avec elle, la sécurité des transports et convois de marchandises. En parallèle de ces routes romaines se développe un nouveau type de voie commerciale : les voies maritimes. La navigation à voile étant inspiré des Romains qui eux-mêmes la tenaient des Grecs, les bénéfices commerciaux pour Montans décuplent avec l’utilisation de ses voies maritimes. Néanmoins, le commerce, en particulier de céramique sigillée, ne se limite pas au continent. En effet, avec le comptoir de Bordeaux et plus largement de Vendée, l’exportation de marchandises se fait jusque dans la péninsule ibérique et sur les côtes bretonnes. Les marchandises étaient installées sur des bateaux qui remontaient le Tarn, pour retrouver la Garonne afin de rallier Bordeaux. De là, elles étaient acheminées tout le long de la côte anglo-saxonne.
L’artisan gaulois … puis romain :
Des sources à notre disposition, nous savons que l’orfèvrerie et plus largement l’artisanat est développé à Montans depuis, au moins, le VIIe siècle av. J.-C. En effet, dans le cadre du développement de la céramique (qui n’est pas un art propre à l’apport de Rome), les Montanais concentrent sur la création de céramiques dites communes: cela inclus les céramiques à parois fines, en passant par les céramiques en éponge, jusqu’aux céramiques en engobe blanc. Mais avec Rome, cette diversification de l’artisanat ne fait que se renforcer avec des nouveaux objets développés tels que la lampe à huile ou encore la verrerie. La lampe à huile , développée à partir du Ie siècle apr. J.-C. à deux fonctions : votives et décoratives. La technique de la lampe reprend en principe, les mêmes étapes que la céramique sigillée, à ceci près que les lampes n’ont pas nécessairement besoin d’être cuites dans un four mais simplement de sécher naturellement. En parallèle de cet artisanat, la verrerie voit également le jour dans le commerce montanais où, également découverte à partir du Ier siècle apr. J.-C., l’on distingue deux types de verreries excavés : le kantharos et le kyathos. En dernier lieu, Montans se distingue par son orfèvrerie, très travaillée et présente dès la période gauloise. Un torque montanais est ainsi exposé au musée d’archéologie nationale de St-Germain-en-Laye et retrouvé en 1843 à Montans, témoignant ainsi du degré de travail atteint par les orfèvres gaulois. Ce savoir-faire se retrouve renforcé par les habilités des orfèvres romains dès leur arrivée au Ier siècle apr. J.-C.
… couplé à la production romaine :
Cependant, comme nous l’avons vu, l’artisanat de la lampe à huile ou encore de la vaisselle de verre ne sont pas des connaissances acquises par les artisans montanais originaires du monde gaulois. En effet, ce sont les premiers artisans venus de Rome et arrivés à Montans dès 10 av. J.-C. qui introduisent ses techniques auprès des artisans gaulois. Dans des domaines comme la poterie, les artisans romains ne font que transmettre une part de leur savoir, ainsi la poterie évolue-t-elle en céramique et notamment en céramique sigillée (caractérisée par des décorations en relief et sa couleur rouge si particulière). L’orfèvrerie évolue également car au savoir-faire gaulois s’ajoute les techniques de productions et de travail du métal. En parallèle de cela, et ce qui apporte une vraie nouveauté d’un point de vue de production, c’est l’apport du four romain. Plusieurs centaines de ses fours (environ 400) sont crées à Montans et permettent de démultiplier la production de céramique sigillée amenant à une notion de « proto-industrialisation ». Au meilleur de sa production, les fours montanais pouvaient ainsi produire pas moins de 9000 céramiques par jour.
Conclusion :
De fait, même si les traces écrites ne nous permettent pas de dresser un portrait exact du village de Montans durant la période gallo-romaine, c’est grâce à l’archéologie que nous savons quelle fût la place commerciale de Montans au cours des IIIe siècle av. J.-C. au IIe siècle apr. J.-C. Déjà un carrefour incontournable de la période gauloise, notamment par sa situation géographique particulièrement avantageuse mais également ses relations avec Rome, Montans s’épanouit plus encore sous les premiers siècles qui suivent la conquête romaine (Ier av. J.-C. Jusqu’au IIIe siècle apr. J.-C.). Spécialiste de l’artisanat, réputée pour ses poteries puis céramiques, aussi bien reconnue pour ses vaisselles en verre que ses bijoux travaillés, elle développe une grande richesse qui la place au premier plan de l’économie de la région Narbonnaise. Cependant, il est bon de rappeler que Montans dispose de solides connaissances et autant d’artisans compétents avant l’arrivée de Rome et que cette dernière n’a fait que perfectionner des techniques déjà bien acquises, dans la plupart des cas (elle reste malgré tout à l’origine de certaines avancées telles que la navigation à voile ou encore la technique de la verrerie). Si Montans est un village artisanal travaillant surtout sur un travail de qualité au cours de la période gauloise, l’arrivée de Rome permet un renforcement de la quantité, amenant ainsi à parler de « proto-industrialisation ».
Réalisé par Solen Cayeul-Véteau et Simon Boutry (L2) et Alexandre Moisy et Océane Da Silva (L1)
Bibliographie :
GRUAT, P. PALLIER, J.-M. DANIEL, S. (2007). Les Rutènes ; Du peuple à la cité, Éd. Suppl.
Aquitania, Pessac
MARTIN, T. (1996). Céramiques sigillées et potiers gallo-romains de Montans, Éd. SDEF
archéologiques, Montans
PECH, J. (2017). Atlas archéologique de Montans, Éd. Archéosite de Montans, Montans
COULON, G. (2019). Les Voies romaines en Gaule, Éd. Errances (4e éd.), Arles
MONTEIL, M. TRANOY, L. (2008). La France gallo-romaine, Éd. La Découverte, Paris